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18/11/2010 | FRANCE | N°10LY00382

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 18 novembre 2010, 10LY00382


Vu, I, sous le n° 10LY00382, la requête, enregistrée à la Cour le 18 février 2010, présentée pour M. Chiraz A, domicilié chez Asile Point Com, 97, rue Faventine à Valence (260000) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903759, en date du 1er octobre 2009, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Drôme, du 5 juin 2009, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à

destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour ...

Vu, I, sous le n° 10LY00382, la requête, enregistrée à la Cour le 18 février 2010, présentée pour M. Chiraz A, domicilié chez Asile Point Com, 97, rue Faventine à Valence (260000) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903759, en date du 1er octobre 2009, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Drôme, du 5 juin 2009, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme de réexaminer sa situation au vu des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Il soutient que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français ainsi que la décision fixant le pays de destination méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que les premiers juges ont commis une erreur de droit en considérant que son épouse, Mme B, pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement vers l'Arménie alors qu'elle est d'origine azerbaïdjanaise ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 12 mai 2010, présenté par le préfet de la Drôme, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que la décision portant refus de délivrance de titre de séjour est suffisamment motivée ; que les premiers juges n'ont pas commis d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation en concluant que cette décision ne méconnaissait pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que cette décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant ; que le requérant, ne pouvant pas bénéficier des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, peut faire l'objet d'une décision l'obligeant à quitter le territoire français au sens des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision fixant le pays de destination est suffisamment motivée ; que cette décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d d'erreur manifeste d'appréciation ;

Vu, enregistrées à la Cour le 27 octobre 2010, les pièces complémentaires produites pour M. A ;

Vu, enregistrée le 4 novembre 2010, la note en délibérée produite pour M. A ;

Vu, II, sous le n° 10LY00384, la requête, enregistrée à la Cour le 18 février 2010, présentée pour Mme Gulizar B, domiciliée chez Asile Point Com, 97, rue Faventine à Valence (260000) ;

Mme Gulizar B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903758, en date du 1er octobre 2009, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Drôme, du 5 juin 2009, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme de réexaminer sa situation au vu des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Elle invoque, à l'appui de sa requête, les mêmes moyens que ceux, énoncés ci-avant, soulevés par M. A dans la requête enregistrée à la Cour sous le n° 10LY00382 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 12 mai 2010, présenté par le préfet de la Drôme, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que la requête de Mme B doit être rejetée pour les mêmes motifs que ceux développés à l'encontre de la requête de M. A ;

Vu, enregistrées à la Cour le 27 octobre 2010, les pièces complémentaires produites pour Mme Gulizar B ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 novembre 2010 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- les observations de Me Pochard, avocat de M. A et de Mme B,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée à nouveau à Me Pochard ;

Considérant que les deux requêtes susvisées présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la légalité des décisions portant refus de délivrance de titre de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant que M. A, de nationalité arménienne, et son épouse Mme B ressortissante azerbaïdjanaise, sont entrés sur le territoire national le 15 mai 2006 en compagnie de leurs deux enfants et ont sollicité le bénéfice de l'asile territorial ; que l'office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté leurs demandes par deux décisions du 29 juin 2007 qui ont été confirmées par la cour nationale du droit d'asile par deux décisions du 12 mai 2009 ; que le préfet de la Drôme a, ensuite, refusé de leur délivrer un titre de séjour par les arrêtés attaqués du 5 juin 2009 ; que M. A et Mme B soutiennent que les décisions leur refusant la délivrance d'un titre de séjour portent une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale en faisant valoir que deux filles, désormais âgées de 5 et 7 ans, sont nées de leur union, qu'ils n'ont plus d'attaches dans leur pays d'origine en raison de l'hostilité affichée par les membres de leurs deux familles à leur union, l'un étant arménien de religion chrétienne et l'autre, azerbaïdjanaise d'origine kurde et de religion musulmane, et, enfin, que leur vie privée et familiale ne peut pas se poursuivre en Arménie où M. A est recherché pour trahison ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A et Mme B sont entrés en France récemment, à l'âge respectif de 39 et de 30 ans, sans y avoir été autorisés ; que rien ne s'oppose à ce que la vie familiale se poursuive hors de France ; que M. A et Mme B ne sont pas dépourvus d'attaches dans leur pays d'origine, quand bien même leur union leur vaudrait l'hostilité de certains membres de leur famille ; que leurs allégations sur les origines kurdes de Mme B ne sont d'ailleurs étayées par aucune pièce du dossier ; que ne sont pas davantage établis les risques et menaces auxquels ils seraient exposés, selon eux, en cas de retour en Arménie ou en Azerbaïdjan, remarque étant faite qu'ils se sont rendus en Arménie pour y célébrer leur mariage ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions d'entrée et de séjour en France de M. A et de Mme B , les décisions contestées n'ont pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elles ont été prises ; qu'elles n'ont, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité des obligations de quitter le territoire français :

Considérant que M. A et Mme B, qui peuvent être regardés comme invoquant la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français, ne peuvent pas utilement invoquer les risques et menaces qui pèseraient sur eux en cas de retour en Arménie et en Azerbaïdjan, à l'encontre de telles décisions, qui n'emportent pas, par elles-mêmes, obligation pour les intéressés de retourner dans leur pays d'origine ;

Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination :

Considérant que M. A et Mme B doivent être regardés comme invoquant la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre des décisions fixant le pays de destination ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. et que ce dernier texte énonce que Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant, que M. A et Mme B font valoir qu'ils seraient exposés à des risques de traitement inhumain et dégradant en cas de retour dans leur pays d'origine et notamment en Arménie, pays dont Mme B n'a pas la nationalité, que M. A est recherché dans ce pays pour trahison dans le cadre du conflit du Haut-Karabagh, qu'il a été incarcéré en raison de ces mêmes faits pour une durée de quatre ans et qu'il est toujours recherché par les autorités arméniennes ; qu'il produit, au soutien de ses allégations, trois documents des autorités arméniennes en date du 10 mars 2007, du 6 avril 2007 et du 10 mars 2009 faisant état d'une enquête criminelle diligentée à son encontre pour avoir collaboré avec l'ennemi ; que, toutefois, outre qu'il n'est pas établi, par les pièces du dossier, que M. A ait été incarcéré dans les circonstances qu'il décrit, les trois documents produits ne présentent pas des garanties d'authenticité suffisantes pour établir le bien-fondé des craintes alléguées par les requérants, alors qu'au contraire, il ressort des pièces versées au débat que M. A et Mme B ne contestent pas qu'ils sont retournés en Arménie afin d'y célébrer leur mariage ; que, dès lors, ils n'est pas davantage établi que Mme B ne pourrait pas suivre son mari en Arménie, nonobstant son appartenance à la communauté kurde, au demeurant, non justifiée ; que, par suite, les décisions fixant le pays de destination ne méconnaissent ni les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A et Mme B ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes ; que leurs conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : Les requête de M. A et Mme B sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Chiraz A, à Mme Gulizar B et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 3 novembre 2010 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Fontbonne, président assesseur,

M. Chenevey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 novembre 2010.

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N° 10LY00382 - 10LY00384


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY00382
Date de la décision : 18/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : FRERY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-11-18;10ly00382 ?
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