La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/11/2010 | FRANCE | N°10LY00179

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 18 novembre 2010, 10LY00179


Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 29 janvier 2010 et régularisée le 1er février 2010, présentée pour M. Djemai A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904544, en date du 18 décembre 2009, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère, du 3 septembre 2009, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel il se

rait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligat...

Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 29 janvier 2010 et régularisée le 1er février 2010, présentée pour M. Djemai A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904544, en date du 18 décembre 2009, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère, du 3 septembre 2009, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2000 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le préfet de l'Isère a entaché sa décision portant refus de délivrance de titre de séjour d'une erreur de droit tirée de ce que sa situation personnelle n'a pas été examinée en totalité dans la mesure où le préfet n'a pas, au cours de l'examen de sa demande de titre de séjour, procédé à la transmission du contrat de travail qu'il avait fourni et régularisé par son employeur à la direction départementale du travail et de l'emploi ; que ladite décision méconnaît les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que la décision fixant le pays de destination est illégale en conséquence de l'illégalité des deux décisions susmentionnées et est insuffisamment motivée ; qu'elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention précitée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 19 octobre 2010, le mémoire présenté par le préfet de l'Isère qui conclut au rejet de la requête ; il reprend les moyens qu'il a présentés en défense devant les premiers juges ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 novembre 2010 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 7 de l'accord franco-algérien :

(...) b) les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention salarié : cette mention constitue l 'autorisation de travail exigée par la législation française ; (...) et qu'aux termes de l'article 9 du même accord : (...) Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5, 7 et 7 bis al. 4 (lettre c et d) et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises. / Ce visa de long séjour accompagné de pièces et documents justificatifs permet d'obtenir un certificat de résidence dont la durée de validité est fixée par les articles et titres mentionnés à l'alinéa précédent. ; qu'il résulte de la combinaison de ces stipulations que la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention salarié aux ressortissants algériens est subordonnée à la présentation d'un visa de long séjour et d'un contrat de travail visé par les services en charge de l'emploi ;

Considérant que M. A a demandé au préfet de l'Isère de lui délivrer un certificat de résidence mention salarié sur le fondement des stipulations susmentionnées du b de l'article 7 de l'accord franco-algérien modifié ; que par la décision litigieuse, le préfet a refusé de faire droit à cette demande au double motif que M. A n'était pas en mesure de présenter un contrat de travail visé les services du Ministre chargé de l'emploi et qu'il ne disposait pas d'un visa valable pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ; qu'il est constant que M. A, entré sur le territoire français en 2002, muni d'un passeport d'emprunt sous une fausse identité, n'a pas présenté au préfet, à l'appui de sa demande de certificat de résidence algérien, un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour tel qu'exigé par les stipulations de l'article 9 de l'accord franco-algérien ; que l'absence de visa long séjour suffisait à elle-même à justifier légalement la décision attaquée ; que, par suite, le préfet de l'Isère, qui a examiné la situation personnelle de l'intéressé n'a pas méconnu les stipulations combinées des articles 7 et 9 de l'accord franco-algérien en lui refusant, pour défaut de visa de long séjour, la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention salarié ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) 5° au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) et qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale... 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu' elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des actions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d' autrui ;

Considérant que M. A, ressortissant algérien né le 21 octobre 1971 qui, selon ses déclarations, est entré en France le 28 août 2002 pour fuir l'armée de son pays et les événements de cette période fait valoir qu'il a noué des relations amicales et sociales sur le territoire français et qu'il justifie d'une possibilité de travail ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A est entré en France sous une fausse identité, muni d'un passeport d'emprunt, qu'il a fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière du préfet de l'Isère, le 27 décembre 2004, auquel il n'a pas déféré et qu'il s'est maintenu sciemment sur le territoire français en situation irrégulière ; que s'il est hébergé par son frère, marié et père de deux enfants, M. A est célibataire et sans charge de famille et a passé la majorité de vie dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 31 ans ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions d'entrée et de séjour du requérant en France, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, ainsi, méconnu ni les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, que, compte tenu de ce qui vient d'être dit, le moyen tiré, par la voie de l'exception d'illégalité, de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale, en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de délivrance de titre de séjour sur laquelle elle se fonde, doit être écarté ;

Considérant, en second lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux retenus dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision refusant un titre de séjour, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée, en tant qu'elle fixe l'Algérie comme pays de destination, est suffisamment motivée en droit par le visa des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoient que la décision portant obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire ; que cette décision doit par ailleurs être regardée comme suffisamment motivée en fait par l'indication que l'intéressé est de nationalité algérienne et qu'il peut être reconduit d'office à la frontière du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays où il établit être légalement admissible ;

Considérant, en deuxième lieu, que compte tenu de ce qui vient d'être dit, le moyen tiré, par la voie de l'exception d'illégalité, de ce que la décision distincte fixant le pays de destination serait illégale, en conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance de titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français sur lesquelles elle se fonde, doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que pour les motifs énoncés ci-avant dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision portant refus de titre de séjour, la décision fixant le pays de destination ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que ces stipulations font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant que M. A soutient qu'il serait exposé à des risques en cas de retour dans son pays d'origine car il est considéré comme un déserteur compte tenu de son engagement dans l'armée en Algérie, à la suite de son service militaire obligatoire, entre 1991 et 2001 ; que toutefois M. A n'apporte aucun commencement de preuve au soutien de ses allégations ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision fixant ce pays comme destination de la mesure d'éloignement a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Djemai A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 3 novembre 2010 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Fontbonne, président assesseur,

M. Chenevey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 novembre 2010.

''

''

''

''

1

5

N° 10LY00179


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY00179
Date de la décision : 18/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : ALDEGUER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-11-18;10ly00179 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award