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18/11/2010 | FRANCE | N°10LY00054

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 18 novembre 2010, 10LY00054


Vu la requête, enregistrée à la Cour le 14 janvier 2010, présentée pour Mlle Bozana A, domiciliée ... ;

Mlle A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904314, en date du 1er décembre 2009, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère, du 13 août 2009, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à

défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui l...

Vu la requête, enregistrée à la Cour le 14 janvier 2010, présentée pour Mlle Bozana A, domiciliée ... ;

Mlle A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904314, en date du 1er décembre 2009, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère, du 13 août 2009, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre audit préfet d'examiner à nouveau sa situation dans un délai d'un mois à compter du prononcé du jugement et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour valant autorisant à travailler, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1050 euros, à son profit, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Elle soutient que la décision portant refus de délivrance de titre de séjour viole les dispositions de l'article L. 312-1 et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision susmentionnée, entachée d'erreur manifeste d'appréciation, souffre d'une absence d'examen attentif et particulier de sa situation et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet de l'Isère était dans l'impossibilité de prendre à son encontre une décision portant obligation de quitter le territoire français dès lors qu'elle était, de plein droit, éligible à un titre de séjour au regard des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en outre, la décision susmentionnée, illégale par voie d'exception, méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'enfin, la décision fixant le pays de destination est entachée d'exception d'illégalité ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 octobre 2010, présenté par le préfet de l'Isère, qui conclut au non lieu à statuer ;

Il soutient qu'une autorisation provisoire de séjour, valable du 10 septembre au 9 décembre 2010, a été attribuée à la requérante et qu'il a l'intention de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention salarié ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 novembre 2010 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Sur les conclusions dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français et désignation du pays de renvoi :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Isère a délivré à Mlle A , sur sa demande, une autorisation provisoire de séjour, valable du 10 septembre 2010 au 9 décembre 2010 ; qu'il a, ainsi, implicitement mais nécessairement abrogé la mesure d'éloignement qu'il avait prise à l'encontre de l'intéressée, le 13 août 2009 ainsi que sa décision du même jour fixant le pays de renvoi ; que cette abrogation étant intervenue postérieurement à l'introduction de la requête d'appel, le 14 janvier 2010, les conclusions, présentées par Mlle A, tendant à l'annulation de la décision contestée portant obligation de quitter le territoire français et celle, subséquente, portant désignation du pays de renvoi, sont devenues sans objet ; qu'il n'y a plus lieu d'y statuer ; qu'en revanche, la délivrance de cette autorisation provisoire de séjour ne rend pas sans objet les conclusions dirigées contre le refus de délivrance de carte de séjour temporaire ;

Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient Mlle A, il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Isère a procédé à un examen particulier de sa situation individuelle et familiale ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ;

Considérant que Mlle A, de nationalité bosniaque, née en 1973, est entrée en France le 2 mai 2005 ; que, par décision du 19 mars 2007, la Commission des recours des réfugiés a rejeté son recours dirigé contre la décision par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a refusé de lui reconnaître la qualité de réfugié ; que par un arrêté du 27 avril 2007 le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée ; que, par un jugement du 9 juillet 2007, confirmé par un arrêt du 8 avril 2008 de la Cour de Céans, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de cette décision ; que par l'arrêté contesté en date du 13 août 2009, le préfet de l'Isère a, à nouveau, refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour ;

Considérant que si Mlle A se prévaut de la durée de sa résidence en France supérieure à quatre ans à la date de la décision attaquée, de l'impossibilité pour elle de retourner dans son pays d'origine où elle prétend avoir vécu des événements traumatisants, de son adoption par son oncle, naturalisé français et dont l'état de santé nécessite son assistance quotidienne, de sa perspective professionnelle en qualité d'assistante de vie et, enfin, de sa parfaitement intégration en France où elle aurait tissé des liens personnels et sociaux, il ressort toutefois des pièces du dossier que le séjour de l'intéressée en France est récent et que si elle est en mesure de faire valoir une durée de présence dépassant quatre années sur le territoire français, ce n'est que parce qu'elle s'y est volontairement maintenue irrégulièrement en dépit d'une précédente décision lui faisant obligation de quitter le territoire, prise à son encontre ; qu'en outre, célibataire et sans enfant à charge, elle a conservé des attaches familiales en Bosnie où demeurent ses parents et trois frères et soeurs et où elle-même a vécu jusqu'à l'âge de 32 ans en exerçant différentes activités professionnelles ; qu'enfin, l'intéressée n'établit pas la nécessité de sa présence auprès de son oncle, dont trois des cinq enfants résident également dans le département ; que, dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de la requérante en France, le préfet de l'Isère, en prenant la décision en litige, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus ; qu'ainsi, il n'a pas ni méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il ne résulte pas davantage de ces circonstances que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences que la mesure en litige comporte sur la situation personnelle de Mlle A ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) et qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. ; qu'il résulte de ce qui précède que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314-11, L. 314-12 et L. 431-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; que Mlle A ne remplissant pas les conditions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, le préfet de l'Isère n'était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour avant de prendre la décision litigieuse du 13 août 2009 portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de délivrance de titre de séjour qui lui a été opposé ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mlle A tendant à l'annulation du jugement n° 0904314, en date du 1er décembre 2009, du Tribunal administratif de Grenoble, en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère, du 13 août 2009, portant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mlle A est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Bozana A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 3 novembre 2010 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Fontbonne, président assesseur,

M. Chenevey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 novembre 2010.

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N° 10LY00054


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY00054
Date de la décision : 18/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : PIEROT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-11-18;10ly00054 ?
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