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09/11/2010 | FRANCE | N°09LY01080

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 09 novembre 2010, 09LY01080


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 19 mai 2009 et régularisée par courrier le 20 mai 2009 au greffe de la Cour, présentée pour M. Michel A, domicilié Généron à Bost (03300) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701190 du 10 mars 2009 en tant que le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2002 et 2004 ;

2°) de prononcer, à titre principal, la réduction des impositions sup

plémentaires mises à sa charge, soit 3 588 euros au titre de l'année 2002 et 24 038 euros p...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 19 mai 2009 et régularisée par courrier le 20 mai 2009 au greffe de la Cour, présentée pour M. Michel A, domicilié Généron à Bost (03300) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701190 du 10 mars 2009 en tant que le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2002 et 2004 ;

2°) de prononcer, à titre principal, la réduction des impositions supplémentaires mises à sa charge, soit 3 588 euros au titre de l'année 2002 et 24 038 euros pour 2004 ; à titre subsidiaire, de le décharger des impositions supplémentaires, en droits et pénalités, au titre de l'année 2002 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- en premier lieu, qu'en remettant en cause des amortissements réputés différés générés au terme d'exercices prescrits, l'administration a méconnu les dispositions du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts issu de l'article 43 de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004, ainsi que les prévisions de l'instruction fiscale du bulletin officiel des impôts (BOI) 4-A-10-06 du 19 juin 2006 ; qu'ainsi, ni le montant des amortissements différés, ni la valeur nette comptable du bilan à l'ouverture du dernier exercice non prescrit, ne pouvaient légalement être rectifiés par l'administration fiscale ;

- en deuxième lieu, que l'administration, dès lors qu'elle ne contestait pas, par elle-même, la valeur de réalisation pour laquelle avaient, lors du passage du régime forfaitaire au régime réel simplifié, été inscrits à l'actif les chevaux de course immobilisés, ne pouvait légalement réduire leur valeur d'actif en pondérant cette valeur vénale supposée identique à une valeur d'origine, par taux mettant en rapport la durée passée d'utilisation sur la durée totale ; qu'en procédant ainsi pour diminuer la valeur desdits actifs immobilisés, l'administration a méconnu tant les dispositions de l'article 38 sexdéciès L de l'annexe III au code général des impôts, que l'instruction administrative 5-E-7-73 du 12 juillet 1973 ;

- enfin, que si la Cour devait considérer comme juridiquement fondée la rectification de la valeur de cet actif, opérée par l'administration au bilan d'ouverture de l'exercice 2002, elle devrait diminuer à due proportion le bilan de clôture du 31 décembre 2002, dont le résultat se trouvera alors déficitaire de 3 401 euros ; qu'en conséquence, son résultat net imposable se trouvant ramené à 9 320 euros, une décharge totale de l'imposition sur le revenu devra être accordée pour l'année 2002 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, qui conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir :

- d'une part, que les dispositions du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts issu de l'article 43 de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 ne s'opposent pas à la possibilité pour l'administration de corriger des écritures d'exercices déficitaires prescrits, lorsque les déficits ont influencé les résultats d'exercices non prescrits ; que, dans ce cas, la remontée des opérations s'opère jusqu'au bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit ; qu'en outre l'invocation, sur le fondement de l'article L. 80 A, de l'instruction du 19 juin 2006 est inopérant, s'agissant des impositions au titre des années 2002, 2003 et 2004 ;

- d'autre part, que M. A avait inscrit à l'actif du bilan d'ouverture du 1er janvier 2000, correspondant à son passage au régime réel simplifié, ses chevaux immobilisés pour leur valeur brute de réalisation, et non pour leur valeur nette comptable, comme l'auraient exigé les dispositions des articles 38 sexdéciès K et L de l'annexe III au code général des impôts ; que le réalisme de l'estimation de cette valeur vénale n'étant pas remis en cause par le service, celui-ci était fondé à conserver cette évaluation à titre de valeur brute d'origine, et de déterminer la valeur nette comptable de chacun des chevaux en la pondérant par la durée probable d'utilisation, c'est-à-dire la part d'amortissement réputée correspondre à leur utilisation passée ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 29 décembre 2009, régularisé par courrier le 31 décembre 2009, présenté pour M. A, qui persiste dans ses précédentes conclusions, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 mars 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, qui persiste dans ses précédentes conclusions, par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance en date du 16 avril 2010 fixant la clôture d'instruction au 14 mai 2010, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu la lettre en date du 29 septembre 2010 par laquelle les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public ;

Vu les observations, enregistrées le 7 octobre 2010, présentées pour M. A, en réponse à la lettre du 29 septembre 2010 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 octobre 2010 :

- le rapport de M. Lévy Ben Cheton, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A, éleveur-entraîneur de chevaux de course, a fait l'objet de deux vérifications de comptabilité, portant respectivement sur les exercices 2002, 2003 et 2004 ; qu'à l'issue de ces contrôles, lui furent, notamment, notifiées des rectifications de son impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices agricoles, au titre des années 2002 et 2004 ; qu'il relève appel du jugement du 10 mars 2009, en tant que le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2002 et 2004 ;

Sur la recevabilité de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article R*. 200-2 du livre des procédures fiscales : le demandeur ne peut contester devant le tribunal administratif des impositions différentes de celles qu'il a visées dans sa réclamation à l'administration ; que la réclamation de M. A, datée du 28 novembre 2006, sur laquelle le directeur des services fiscaux de l'Allier a statué le 10 novembre 2007, ne concernait que les cotisations complémentaires d'impôt sur le revenu, en droits et pénalités, afférentes à l'année 2004 ; que, dès lors, les conclusions en décharge dont M. A a saisi le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, puis la Cour administrative de Lyon, sont irrecevables en tant qu'elles concernent les impositions dues au titre de l'année 2002 ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article 72 du code général des impôts : Le bénéfice réel de l'exploitation agricole est déterminé et imposé selon les principes généraux applicables aux entreprises industrielles et commerciales ; qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts, dans sa version alors applicable : 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. ; qu'aux termes de l'article 38 sexdecies K de l'annexe III au code général des impôts : Les immobilisations acquises ou créées avant la date d'ouverture du premier exercice dont les résultats sont déterminés selon un régime réel d'imposition sont inscrites au bilan : a. Pour leur valeur d'origine lorsqu'elles ne sont pas amortissables ; b. Pour leur valeur nette comptable à la date d'ouverture de ce premier exercice, lorsqu'elles sont amortissables ; qu'aux termes de son article 38 sexdecies L de la même annexe : I. La valeur nette comptable des éléments amortissables est obtenue en appliquant à la valeur d'origine le rapport existant entre : a) D'une part, leur durée probable d'utilisation restant à courir à la date d'ouverture du premier exercice dont les résultats sont déterminés selon un régime réel d'imposition ; b) D'autre part, leur durée totale d'utilisation appréciée à la même date. II. La valeur d'origine des biens acquis avant le 1er janvier 1959 est réévaluée à l'aide des coefficients prévus à l'article 21. III. La valeur nette comptable déterminée en application des dispositions qui précèdent ne peut excéder la valeur de réalisation du bien.

Considérant que, dans l'hypothèse du passage du régime forfaitaire au régime réel, même simplifié, le contribuable est tenu de porter dans ses premières écritures de bilan les biens immobilisés à une valeur correspondant à leur valeur nette comptable, déterminée conformément aux dispositions sus-rappelées de l'article 38 sexies L de l'annexe III au code général des impôts ; que de telles écritures, qui reposent sur des constations dont l'administration est en droit de vérifier l'exactitude, peuvent être contestées par elle et n'ont pas le caractère de décisions définitives qui lui seraient opposables ; que, dans ces conditions, la circonstance que la valeur des biens immobilisés a été fixée lors d'un exercice prescrit ne fait pas obstacle à ce que l'administration, au cours des exercices postérieurs pour lesquels l'action en reprise n'est pas frappée de la prescription, rectifie la valeur attribuée auxdits biens tant qu'ils continuent à figurer à l'actif du bilan ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A a opté pour le régime réel simplifié d'imposition à compter du 1er janvier 2000 ; qu'il a inscrit ces immobilisations à l'actif de son premier bilan d'ouverture, pour leur valeur probable de réalisation, laquelle constitue la valeur butoir de la valeur nette comptable, en vertu des dispositions de l'article 38 sexies L de l'annexe III au code général des impôts ; que le vérificateur a remis en cause la valeur ainsi déclarée des chevaux, l'estimant surévaluée ; qu'il a en conséquence rehaussé le bénéfice imposable des exercices vérifiés, en rectifiant tant le stock d'amortissements réputés différés à l'ouverture du premier exercice non prescrit et les dotations annuelles aux amortissements pratiquées sur les trois exercices contrôlés, que le montant de certaines moins-values de cession ;

Considérant que, s'agissant de l'évaluation d'un élément de l'actif immobilisé de l'entreprise, il appartient à l'administration d'apporter la preuve de l'exagération de la valeur retenue par le contribuable ;

Considérant que l'administration, qui par ailleurs reconnaît expressément le caractère réaliste de la valeur vénale appréciée par M. A au 1er janvier 2000, s'est bornée à appliquer le rapport défini à l'article 38 sexies L de l'annexe III à une valeur d'origine qu'elle a présumée égale à ladite valeur de réalisation ; que, comme le fait valoir le requérant, l'administration ne justifie pas de l'identité entre ces deux valeurs ; que par suite, l'administration n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de la surestimation des valeurs d'actif déclarées par M. A ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la réduction des impositions en litige, dans la mesure qui résulte de la motivation exposée ci-dessus, et dans la limite de la réduction en base de 53 503 euros demandée, au titre de l'année 2004, dans sa réclamation du 28 novembre 2004 ;

Sur les conclusions au titre des frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Les bases d'imposition de M. A sont réduites de 53 503 euros au titre l'année 2004.

Article 2 : M. A est déchargé, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il restait assujetti au titre de l'année 2004 à hauteur des réductions résultant de l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. A une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Michel A et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2010 à laquelle siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

M. Segado et M. Lévy Ben Cheton, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 9 novembre 2010.

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N° 09LY01080


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY01080
Date de la décision : 09/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. Laurent LEVY BEN CHETON
Rapporteur public ?: Mme JOURDAN
Avocat(s) : CABINET C.E.S.I.S

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-11-09;09ly01080 ?
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