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09/11/2010 | FRANCE | N°08LY01908

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 09 novembre 2010, 08LY01908


Vu la requête, enregistrée le 13 août 2008, présentée pour la SAS LUXDIS, dont le siège est 6 rue Paul Sabatier à Chalon-sur-Saône (71100) ;

La SAS LUXDIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701241 du Tribunal administratif de Dijon

du 17 juin 2008 qui annulé la décision du 5 avril 2007 par laquelle la Commission départementale d'équipement commercial de Saône-et-Loire l'a autorisée à créer une station-service, sur le territoire de la commune de Lux ;

2°) de rejeter la demande de la société Bermasyl devant le Tribunal administrat

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3°) de condamner la société Bermasyl à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de ...

Vu la requête, enregistrée le 13 août 2008, présentée pour la SAS LUXDIS, dont le siège est 6 rue Paul Sabatier à Chalon-sur-Saône (71100) ;

La SAS LUXDIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701241 du Tribunal administratif de Dijon

du 17 juin 2008 qui annulé la décision du 5 avril 2007 par laquelle la Commission départementale d'équipement commercial de Saône-et-Loire l'a autorisée à créer une station-service, sur le territoire de la commune de Lux ;

2°) de rejeter la demande de la société Bermasyl devant le Tribunal administratif ;

3°) de condamner la société Bermasyl à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société requérante soutient que :

- la validation législative résultant de l'article 102 de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 rend inopérant le moyen qui a été retenu par le Tribunal administratif pour annuler l'autorisation litigieuse ;

- même si la station-service nécessite le dépôt d'un dossier distinct, dès lors que le projet porte sur un ensemble commercial, il faut raisonner par voie de conséquence, cet ensemble présentant une unité d'enseigne et la station-service constituant un élément de l'attractivité commerciale ; que, par suite, la zone de chalandise est la même que pour l'ensemble commercial ;

- la commission doit procéder à un raisonnement en deux temps : la recherche d'une éventuelle atteinte à l'équilibre commercial et l'examen des mesures compensatoires ; que, toutefois, contrairement à ce qui a été soutenu en première instance, cette analyse en deux temps commande seulement le sens de la décision, mais non, formellement, sa motivation ;

- la société demanderesse ne démontre en rien en quoi il y aurait écrasement du petit commerce et en quoi la petite distribution de carburant, annexée à des garages de type traditionnel, ne pourrait résister à la concurrence nouvelle ;

Vu le jugement attaqué ;

En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 7 janvier 2010, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 février 2010 ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 février 2010, présenté pour la SAS LUXDIS, tendant aux mêmes fins que précédemment, la somme demandée au titre de l'article L. 761-1 étant portée à 3 000 euros ;

La société requérante soutient, en outre, que le Conseil d'Etat a reconnu que la loi de validation du 4 août 2008 respecte bien l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 février 2010, présenté pour la société Bermasyl, qui demande à la Cour :

- de rejeter la requête ;

- de condamner la SAS LUXDIS à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société Bermasyl soutient que :

- il appartiendra à la Cour d'apprécier la conventionnalité de l'article 102 de la loi

du 4 août 2008 et de juger du caractère opérant ou non du moyen qui a été retenu par le Tribunal pour annuler l'autorisation litigieuse ;

- elle se rapporte aux moyens de première instance, tirés de l'insuffisance du dossier de demande, de la présentation erronée de la zone de chalandise, de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée et de l'écrasement du petit commerce et du gaspillage de l'équipement commercial, en l'absence d'effets positifs du projet de nature à compenser la surdensité commerciale ;

En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 25 février 2010, la clôture de l'instruction a été reportée au 19 mars 2010 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de commerce ;

Vu la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat ;

Vu la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie ;

Vu le décret n° 93-306 du 9 mars 1993 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 octobre 2010 :

- le rapport de M. Chenevey, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Besson, rapporteur public ;

Considérant que, par une décision du 5 avril 2007, la Commission départementale d'équipement commercial de Saône-et-Loire a autorisé la SAS LUXDIS à créer une station-service, sur le territoire de la commune de Lux ; que, par un jugement du 17 juin 2008, le Tribunal administratif de Dijon a annulé cette autorisation ; que la SAS LUXDIS relève appel de ce jugement ;

Considérant que l'autorisation litigieuse a été annulée par le Tribunal au motif que l'arrêté du préfet de Saône-et-Loire du 5 janvier 2007 fixant la composition de la commission départementale d'équipement commercial appelée à se prononcer sur la demande d'autorisation présentée par la SAS LUXDIS est entaché d'illégalité, à défaut de procéder à une désignation nominative des membres de la commission, ou de leurs représentants, ne pouvant être identifiés en vertu de la seule indication de la qualité en laquelle ils sont appelés à siéger, et que, par suite, la décision attaquée a été prise par une commission irrégulièrement composée ;

Considérant que le premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) ; qu'aux termes du IV de l'article 102 de la loi susvisée du 4 août 2008 : Sont validées, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les autorisations d'exploitation d'équipements commerciaux délivrées jusqu'au 1er janvier 2009, en tant qu'elles seraient contestées par le moyen tiré du caractère non nominatif de l'arrêté préfectoral fixant la composition de la commission départementale d'équipement commercial ayant délivré l'autorisation ;

Considérant que la présente requête, dirigée contre une autorisation d'équipement commercial, est relative à une contestation portant sur des droits et obligations de caractère civil au sens de ces stipulations ; que l'Etat ne peut, sans méconnaître les stipulations précitées de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, porter atteinte au droit de toute personne à un procès équitable en prenant des mesures législatives à portée rétroactive dont la conséquence est la modification des règles que le juge doit appliquer pour statuer sur des litiges dans lesquels l'Etat est partie, sauf lorsque l'intervention de ces mesures est justifiée par des motifs impérieux d'intérêt général ; que le IV précité de l'article 102 de la loi du 4 août 2008, qui réserve expressément les droits nés des décisions passées en force de chose jugée, a pour objet, dans le contexte de l'évolution de la réglementation sur ce point introduite par le décret du 24 novembre 2008, qui n'exige pas la désignation nominative des élus membres de la commission, non de valider intégralement les autorisations délivrées par les commissions départementales d'équipement commercial, mais seulement de rendre insusceptible d'être invoqué devant le juge de l'excès de pouvoir le moyen tiré du caractère non nominatif de l'arrêté préfectoral fixant la composition de la commission départementale d'équipement commercial ayant pris des décisions d'autorisation contestées jusqu'au 1er janvier 2009 ; que cette validation entend limiter les conséquences, auxquelles l'administration ne peut remédier, d'une décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux précisant que les dispositions législatives applicables à la procédure de demande d'autorisation d'équipement commercial imposent au préfet, au stade de l'arrêté fixant la composition de la commission, de désigner nominativement par avance les personnes susceptibles de représenter les personnalités membres de la commission départementale d'équipement commercial ; qu'alors qu'un grand nombre de recours soulevant ce moyen sont pendants devant la juridiction administrative, cette validation est justifiée par le souci de l'Etat de limiter, eu égard à l'importance économique du secteur en cause, l'insécurité juridique découlant, pour les entreprises bénéficiaires des autorisations et pour les personnes ayant conclu des contrats avec ces entreprises, du risque d'annulations contentieuses, pour ce motif d'illégalité, des autorisations délivrées, annulations qui, en contraignant les entreprises bénéficiaires d'une autorisation à interrompre leur activité sous peine de sanctions pénales ou administratives, sont susceptibles d'avoir des conséquences négatives importantes sur le service offert aux consommateurs et sur l'emploi ; que cette validation ne met en cause pour les parties ni la possibilité de contester ces décisions d'autorisation pour d'autres motifs, tirés tant de leur légalité interne qu'externe, ni la possibilité de contester par tous moyens les décisions de refus d'autorisation ; qu'ainsi, les dispositions du IV de l'article 102 de la loi du 4 août 2008 sont justifiées par un motif impérieux d'intérêt général et ne sauraient, dès lors, être regardées, nonobstant leur application aux litiges pendants devant le juge à la date de leur entrée en vigueur, comme portant une atteinte excessive au principe du droit à un procès équitable énoncé par l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il résulte de ce qui précède que la société Bermasyl n'est pas fondée à soutenir que les dispositions du IV de l'article 102 de la loi du 4 août 2008 porteraient atteinte au droit à un procès équitable garanti par les stipulations de cet article ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de l'absence de caractère nominatif de la désignation réalisée par l'arrêté préfectoral du 5 janvier 2007 fixant la composition de la commission départementale d'équipement commercial de Saône-et-Loire ne peut être utilement invoqué à l'encontre de l'autorisation attaquée du 5 avril 2007 de cette commission ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SAS LUXDIS est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a retenu ledit moyen pour annuler l'autorisation litigieuse ;

Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance comme en appel devant le juge administratif ;

Considérant que, pour l'application des dispositions combinées de l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 et des articles L. 752-1 et L. 752-3 du code de commerce, dans leur rédaction applicable en l'espèce, il appartient aux commissions d'équipement commercial, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'apprécier si un projet soumis à autorisation est de nature à compromettre, dans la zone de chalandise intéressée, l'équilibre recherché par le législateur entre les diverses formes de commerce et, dans l'affirmative, de rechercher si cet inconvénient est compensé par les effets positifs du projet appréciés, d'une part, en tenant compte de sa contribution à l'emploi, à l'aménagement du territoire, à la concurrence, à la modernisation des équipements commerciaux et, plus généralement, à la satisfaction des besoins des consommateurs et, d'autre part, en évaluant son impact sur les conditions de circulation et de stationnement aux abords du site envisagé ;

Considérant que, pour accorder l'autorisation litigieuse, la commission départementale d'équipement commercial s'est fondée sur le fait que le projet de station-service est directement lié à la création d'un hypermarché à la même enseigne et sur la circonstance que l' implantation, à proximité de la RN 6, devrait rendre cette station service très attractive en proposant une offre concurrente à celle de l'enseigne Carrefour et en diminuant le flux des véhicules aux abords de Chalon-sur-Saône ; que, cependant, aucun élément du dossier ne peut permettre d'établir que la commission a préalablement recherché si le projet soumis à autorisation est susceptible de compromettre, dans la zone d'influence, l'équilibre entre les différentes formes de distribution de carburant ; que, dès lors, la commission départementale d'équipement commercial a fait une inexacte application des dispositions analysées ci dessus ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande, la société Bermasyl est fondée à soutenir que la décision attaquée est entachée d'illégalité et doit être annulée ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SAS LUXDIS n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a annulé l'autorisation attaquée ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Bermasyl, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, soit condamnée à payer à la SAS LUXDIS la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la SAS LUXDIS le versement d'une somme quelconque au bénéfice de la société Bermasyl sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS LUXDIS est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Bermasyl tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS LUXDIS, à la société Bermasyl et au ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2010 à laquelle siégeaient :

M. Bézard, président de chambre,

M. Fontbonne, président-assesseur,

M. Chenevey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 novembre 2010.

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N° 08LY01908

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08LY01908
Date de la décision : 09/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BEZARD
Rapporteur ?: M. Jean-Pascal CHENEVEY
Rapporteur public ?: M. BESSON
Avocat(s) : BOUYSSOU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-11-09;08ly01908 ?
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