Vu la requête, enregistrée le 28 mai 2010, présentée pour la SOCIETE CHAGNAUD CONSTRUCTION, dont le siège est 21 B rue des peupliers à Nanterre cedex (92752) ;
La SOCIETE CHAGNAUD CONSTRUCTION demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1000856 du 6 mai 2010 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la désignation d'un expert pour analyser les conséquences des difficultés qu'elle a rencontrées au cours de l'exécution des travaux de génie civil de la station d'épuration du syndicat intercommunal d'assainissement du bassin de Sallanches que la société Degrémont lui avait sous-traités ;
2°) de procéder à la désignation d'un expert en vue de :
- prendre connaissance des documents contractuels, des données techniques et d'une manière générale de tous documents utiles concernant l'exécution du marché passé entre la société Degrémont et le syndicat intercommunal d'assainissement du bassin de Sallanches pour la remise à niveau d'une station d'épuration et qu'elle a en partie sous-traité ;
- se rendre sur le site ;
- entendre tout sachant et s'entourer de l'avis de tout spécialiste ;
- rechercher dans quelles conditions les travaux ont été réalisés en précisant les difficultés qu'elle a rencontrées ;
- donner un avis sur les conséquences, de toute nature, notamment en matière de coût et délai, résultant des difficultés rencontrées ;
- donner un avis sur l'imputabilité des surcoûts et de l'allongement du délai contractuel d'exécution des travaux ;
- donner un avis sur le contenu du mémoire définitif, la réclamation qu'elle a présentée et les situations de travaux restant dues ;
- fournir, de façon générale, tous les éléments techniques et de fait de nature à permettre au Tribunal de se prononcer sur les responsabilités encourues et les préjudices subis ;
- dresser et diffuser une note de synthèse ou un pré-rapport et laisser aux parties un délai raisonnable pour y répondre ;
- concilier les parties, si faire se peut, à l'issue des opérations d'expertise ;
Elle soutient que c'est à tort que le juge des référés a considéré que la mesure d'expertise ne présentait aucun intérêt dans le cadre d'un litige susceptible d'être porté devant la juridiction administrative ; qu'il a commis une erreur matérielle en considérant qu'il n'y a pas eu de refus de la part du maître d'ouvrage alors que ce dernier a refusé par deux fois ; qu'il y a erreur de droit à subordonner le paiement direct à l'acceptation des factures par l'entreprise principale alors qu'il appartient au maître d'ouvrage de régler les sommes dues au sous-traitant lorsqu'elles sont bien fondées ; que le Tribunal a, à tort, exclu de l'assiette du paiement direct la rémunération des travaux supplémentaires et l'indemnisation des dépenses résultant des sujétions imprévues ; que l'utilité de la mesure d'expertise vis à vis de la société Dégremont est indiscutable compte tenu de son objet et la présence du maître d'ouvrage nécessaire dès lors qu'il est, au titre du paiement direct, le débiteur des sommes qui pourraient lui être dues ; que l'expert pourrait utilement donner un avis technicien sur les retards qui ont perturbé le chantier et les préjudices qu'elle a subis ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 juillet 2010, présenté pour le syndicat intercommunal d'assainissement du bassin de Sallanches qui conclut au rejet de la requête par les motifs qu'elle est irrecevable comme tardive ; que le courrier du 2 décembre 2009 ne peut être qualifié de refus de paiement direct en l'absence de demande de paiement direct par l'entreprise Chagnaud ; que le droit au paiement direct était soumis à l'acceptation préalable de la demande par le titulaire du marché dans le code des marchés de 2004 ; que la SOCIETE CHAGNAUD n'était pas autorisée à produire postérieurement à son projet de mémoire définitif du 30 septembre 2009 de nouvelles facturations ; que la demande du 6 janvier 2010 ne constitue pas une demande de paiement direct, laquelle doit être présentée au titulaire du marché, mais plutôt une action directe intentée à l'encontre du maître d'ouvrage mais qui est réservée aux seuls sous-traitants de second rang ; que la signature d'un protocole transactionnel entre le SIABS et la société Degrémont le 7 décembre 2009 a mis un terme à tous contentieux et qu'il ne lui appartenait pas de procéder au paiement direct des sommes dues au sous-traitant que la société Degrémont s'était engagée à régler elle-même ; que la demande de paiement complémentaire est mal fondée ; que l'éventuel litige tel que soulevé par la société requérante ne saurait l'opposer qu'à l'entreprise titulaire ; que la mission de l'expert ne peut porter sur des questions de droit ;
Vu le mémoire, enregistré le 16 août 2010, présenté pour la SOCIETE CHAGNAUD CONSTRUCTION qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens et par les motifs en outre que sa requête n'est pas tardive ; que la demande de paiement direct au maître d'ouvrage peut être adressée concomitamment à la demande adressée à l'entrepreneur principal ; que le protocole transactionnel signé entre le SIABS et la société Degrémont ne lui est pas opposable ;
Vu, enregistré le 16 septembre 2010, le mémoire présenté pour le syndicat intercommunal d'assainissement du bassin de Sallanches qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 18 octobre 2010, présentée pour la SOCIETE CHAGNAUD CONSTRUCTION ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu la loi n° 75-1334 du 31décembre 1975 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 octobre 2010 :
- le rapport de Mme Verley-Cheynel, président rapporteur,
- les observations de Me Ramdenie représentant la SOCIETE CHAGNAUD CONSTRUCTION et de Me Gael représentant le SIABS,
- les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public,
La parole ayant été de nouveau donnée à Me Ramdenie et Me Gael ;
Considérant que par un marché conclu le 10 août 2005 le syndicat intercommunal d'assainissement du bassin de Sallanches (SIABS) a confié à la Société Degrémont les travaux de remise à niveau de la station d'épuration ; que, par un acte du 7 juin 2006, l'entrepreneur a sous-traité à la SOCIETE CHAGNAUD CONSTRUCTION la conception et la réalisation des ouvrages de génie civil faisant partie du marché principal ; que la société a été acceptée comme sous-traitant et ses conditions de paiement agréées par un acte spécial en date du 14 juin 2006 modifié et complété par un acte du 22 octobre 2008 ; que la société sous-traitante, après avoir adressé au maître de l'ouvrage une réclamation, a demandé au juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble la désignation d'un expert pour analyser les conséquences des difficultés qu'elle a rencontrées au cours de l'exécution du chantier qui sont, selon elle, à l'origine de travaux supplémentaires à faire valoir au titre du paiement direct ; que, par l'ordonnance du 6 mai 2010, dont la SOCIETE CHAGNAUD CONSTRUCTION fait appel, le juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en appel :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction. Il peut notamment charger un expert de procéder, lors de l'exécution de travaux publics, à toutes constatations relatives à l'état des immeubles susceptibles d'être affectés par des dommages ainsi qu'aux causes et à l'étendue des dommages qui surviendraient effectivement pendant la durée de sa mission (...) . ; que l'octroi d'une telle mesure est subordonné à son utilité pour le règlement d'un litige principal appréciée en tenant compte, notamment, de l'existence d'une perspective contentieuse recevable, des possibilités ouvertes au demandeur pour arriver au même résultat par d'autres moyens, de l'intérêt de la mesure pour le contentieux né ou à venir ;
Considérant que le sous-traitant bénéficiant du paiement direct des prestations sous-traitées a également droit à ce paiement direct pour les travaux supplémentaires qu'il a exécutés et qui ont été indispensables à la réalisation de l'ouvrage ainsi que pour les dépenses résultant pour lui de sujétions imprévues qui ont bouleversé l'économie générale du marché, dans les mêmes conditions que pour les travaux dont la sous-traitance a été expressément mentionnée dans le marché ou dans l'acte spécial signé par l'entrepreneur principal et par le maître de l'ouvrage ; que, par suite, c'est à tort que le juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble a, pour rejeter la demande dont il était saisi, jugé que le litige soulevé par la SOCIETE CHAGNAUD CONSTRUCTION ne saurait être dirigé qu'à l'encontre de la société Degrémont et relèverait de la compétence exclusive de la juridiction judiciaire ; que ne saurait, non plus, être opposé à la requérante le caractère définitif du décompte approuvé par le protocole conclu le 7 décembre 2009 entre la Société Degrémont et le SIABS auquel la société requérante n'est pas partie et qu'elle n'a pas été mise à même de contester ;
Considérant, toutefois et en premier lieu, que la SOCIETE CHAGNAUD CONSTRUCTION n'établit pas que les conditions dans lesquelles elle a effectué les travaux en litige et les difficultés qu'elle a rencontrées ne pourraient être recherchées que par un homme de l'art, ni qu'elle ne serait pas en mesure de déterminer leurs conséquences en terme de coût et délais ; qu'à supposer que la requérante puisse prétendre être indemnisée des conditions d'exécution du marché il lui appartient de déterminer les éléments de son préjudice et de justifier de leur évaluation à l'aide de sa comptabilité ; que, par suite, en ce qu'elle porte sur l'ensemble de ces questions, la mesure d'instruction demandée est dépourvue d'utilité au sens des dispositions précitées ;
Considérant, en second lieu, que la société a demandé que l'expert évalue le préjudice financier qu'elle a subi du fait des défaillances de l'entrepreneur principal et le surcroît de travail engendré par les retards et carences de cette entreprise ; que la recherche des obligations contractuelles portant sur les prestations, pose une question de droit qui ne relève pas de l'expertise ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE CHAGNAUD CONSTRUCTION n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que, par suite, ses conclusions susmentionnées doivent être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête la SOCIETE CHAGNAUD CONSTRUCTION est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE CHAGNAUD CONSTRUCTION, à la Société Degrémont, au syndicat intercommunal d'assainissement du bassin de Sallanches et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Délibéré après l'audience du 14 octobre 2010, à laquelle siégeaient :
Mme Verley-Cheynel, président,
M. Arbarétaz, premier conseiller,
Mme Vinet, conseiller.
Lu en audience publique, le 4 novembre 2010.
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N° 10LY01244