La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/11/2010 | FRANCE | N°10LY00044

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 02 novembre 2010, 10LY00044


Vu le recours, enregistré à la Cour, le 13 janvier 2010, présenté pour le PREFET DU RHONE ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0905392, en date du 15 décembre 2009, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 30 juillet 2009 par laquelle il a refusé de renouveler un titre de séjour à M. François A et lui a enjoint de délivrer à l'intéressé une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale dans un délai de deux mois ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant

le Tribunal ;

3°) de mettre à la charge de M. A la somme de 1 000 euros, en applicatio...

Vu le recours, enregistré à la Cour, le 13 janvier 2010, présenté pour le PREFET DU RHONE ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0905392, en date du 15 décembre 2009, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 30 juillet 2009 par laquelle il a refusé de renouveler un titre de séjour à M. François A et lui a enjoint de délivrer à l'intéressé une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale dans un délai de deux mois ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal ;

3°) de mettre à la charge de M. A la somme de 1 000 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- son recours est recevable ;

- les premiers juges ont méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en prenant en compte des attestations dont l'authenticité et la pertinence ne sont pas établies, pour contester les avis du médecin inspecteur de santé publique, qui étaient régulièrement motivés ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 mars 2010, présenté pour M. A qui conclut au rejet du recours et demande la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 196 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- dès lors qu'il est dans la capacité de produire l'original des deux attestations litigieuses, il apporte des éléments de nature à remettre en cause l'avis du médecin inspecteur de santé publique ; c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le Préfet a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- en tout état de cause, dès lors qu'il vit en France depuis près de dix ans, qu'il y est socialement et professionnellement intégré, qu'il vit au domicile de sa compagne et qu'il n'a plus de contact avec son fils qui réside dans son pays d'origine, le refus de titre méconnaît les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

Vu la décision, en date du 17 mai 2010, admettant M. A au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades prévus à l'article 7-5 du décret du 30 juin 1946 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 octobre 2010 :

- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;

- les observations de Me Bescou, représentant M. A ;

- et les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée à la partie présente à l'audience ;

Considérant que par décision du 30 juillet 2009, le PREFET DU RHONE a refusé de renouveler la carte de séjour temporaire en qualité d'étranger malade, dont M. A, de nationalité congolaise avait bénéficié pour la période du 18 mars 2008 au 17 mars 2009 ; que le PREFET DU RHONE relève appel du jugement en date du 15 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision et lui a enjoint de délivrer à l'intéressé une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale dans un délai de deux mois ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin inspecteur ou le médecin chef peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. (...) ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : (...) le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin inspecteur départemental de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé (...). L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la population et des migrations, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) et qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 1999 susvisé : Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - si l'intéressé peut effectivement ou non bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ; - et la durée prévisible du traitement. Il indique, en outre, si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers son pays de renvoi (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité congolaise, s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an, sur le fondement des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont le renouvellement lui a été refusé par le PREFET DU RHONE, par décision du 30 juillet 2009 ; que ce refus a été pris au vu d'un avis du médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales du 23 mars 2009, selon lequel l'état de santé de M. A nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, vers lequel il peut voyager sans risque muni de son traitement ; que M. A, qui souffre depuis 2002 de troubles anxio-dépressifs sévères, nécessitant une prise en charge psychiatrique ainsi qu'un traitement médicamenteux composé de Lysanxia, Seroplex, Effexor et Stilnox soutient qu'il ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine; qu'il produit une première attestation datée du 16 octobre 2009, émanant d'une agence située à Kinshasa de la société Distrimed, grossiste et importateur de produits pharmaceutiques, selon laquelle les spécialités pharmaceutiques dénommées Lysanxia et Seroplex, ne sont pas commercialisées sur le territoire congolais ; qu'il produit également une seconde attestation datée du 19 octobre 2009, émanant du directeur adjoint du groupe Ika, pratiquant le commerce général, la distribution et l'importation de produits pharmaceutiques, dont il ressort notamment que les spécialités Lysanxia et Seroplex sont introuvables dans les pharmacies du groupe en République démocratique du Congo et que leur importation est subordonnée à l'accord du ministre de la santé en cas de demande conséquente ; qu'il ressort toutefois d'un avis du médecin inspecteur de santé publique en date du 30 novembre 2009, produit par le Préfet que M. A peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ou son équivalent générique sur une partie du territoire ; que cet avis qui doit, tout en respectant le secret médical, fournir au préfet les éléments relatifs à la gravité de la pathologie présentée par l'intéressé et à la nature des traitements qu'il doit suivre, nécessaires pour éclairer sa décision, répond aux exigences posées par l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 1999 précité et qu'il est suffisamment motivé notamment en ce qui concerne l'existence d'un traitement générique équivalent dont l'intéressé pourrait bénéficier sur une partie du territoire ; que contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, il ne ressort pas des attestations produites par M. A que des médicaments génériques équivalents à ceux dont l'indisponibilité est mentionnée dans les pharmacie de la République Démocratique du Congo ne seraient pas plus disponibles ; que M. A n'allègue ni n'établit qu'il ne pourrait pas effectivement avoir accès à ce traitement équivalent ; qu'ainsi, le PREFET DU RHONE n'a pas méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de renouveler la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale de M. A ; que, dès lors, le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé, pour ce motif, le refus de renouvellement de titre de séjour litigieux ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A, tant devant le Tribunal administratif de Lyon que devant la Cour ;

Considérant, en premier lieu, que la décision contestée est signée par Mme Michèle Denis, directrice de la réglementation, qui a reçu, par un arrêté préfectoral n° 2009-3793 du 7 juillet 2009 régulièrement publié au numéro spécial du recueil des actes administratifs de la préfecture du Rhône du 10 juillet 2009, délégation du préfet du Rhône pour signer de manière permanente les actes administratifs établis par sa direction, dans les matières relevant des attributions du ministère de l'intérieur, de l'Outre-Mer et des collectivités territoriales dans le département du Rhône, à l'exception des actes à caractère réglementaire, des circulaires, des instructions générales et des correspondances destinées aux élus ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée manque en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, que le préfet du Rhône a produit l'avis émis le 23 mars 2009 par le médecin inspecteur de santé publique sur l'état de santé de M. A ; que, par suite, le moyen tiré de l'absence de saisine du médecin inspecteur manque en fait ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant que M. A fait valoir qu'il est présent en France depuis près de dix ans, qu'il s'y est inséré professionnellement et socialement et qu'il vit au domicile d'une compatriote résidant régulièrement sur le territoire ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé est arrivé en France à l'âge de trente trois ans, qu'il n'a travaillé que sur de brèves périodes, qu'il n'établit pas ne plus avoir de contact avec son fils qui réside dans son pays d'origine et que la stabilité de ses relations avec une compatriote installée en France n'est pas plus établie ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision de refus de renouvellement de titre de séjour contestée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus ; qu'elle n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en dernier lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux ci-dessus retenus et compte tenu de l'état de santé de l'intéressé ainsi que de l'irrégularité des conditions de son séjour en France, la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de M. A ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU RHONE est fondé à demander l'annulation du jugement du 15 décembre 2009 du Tribunal administratif de Lyon et le rejet de la demande présentée par M. A devant ce Tribunal ;

Sur les conclusions du PREFET DU RHONE tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A, quelque somme que ce soit au profit du PREFET DU RHONE, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Sur les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au profit du conseil de M. A, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0905392, en date du 15 décembre 2009, du Tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Lyon et ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions présentées devant la Cour par le PREFET DU RHONE, tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DU RHONE, à M. François A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2010 à laquelle siégeaient :

M. Givord, président,

M. Reynoird, premier conseiller,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 novembre 2010.

''

''

''

''

1

2

N° 10LY00044


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY00044
Date de la décision : 02/11/2010
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. GIVORD
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : TOMASI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-11-02;10ly00044 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award