La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/10/2010 | FRANCE | N°09LY02105

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 29 octobre 2010, 09LY02105


Vu la requête, enregistrée le 2 septembre 2009 au greffe de la Cour, présentée pour la société BWM France, dont le siège est 3 bis rue du Maréchal Leclerc à L'Etrat (42580) ;

La société BWM FRANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700406 du Tribunal administratif de Lyon du 30 juin 2009 rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires et pénalités afférentes d'impôt sur les sociétés et de contribution sur l'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre des exercices clos en 2003 et 2004 ;

2°) de prononcer les d

charges demandées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, à son profit, la somme de 2 392 eu...

Vu la requête, enregistrée le 2 septembre 2009 au greffe de la Cour, présentée pour la société BWM France, dont le siège est 3 bis rue du Maréchal Leclerc à L'Etrat (42580) ;

La société BWM FRANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700406 du Tribunal administratif de Lyon du 30 juin 2009 rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires et pénalités afférentes d'impôt sur les sociétés et de contribution sur l'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre des exercices clos en 2003 et 2004 ;

2°) de prononcer les décharges demandées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, à son profit, la somme de 2 392 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que le tribunal administratif a commis une erreur de droit en ne recherchant pas si les conditions de déductibilité posées par l'article 39 du code général des impôts étaient réunies, soit l'utilité de la dépense pour l'entreprise, le fait de savoir si elle correspond à un poste de charge nécessaire et non déjà pourvu, enfin la corrélation entre le coût et le service rendu ; que le jugement s'est fondé uniquement sur des moyens intrinsèques à l'entreprise, à savoir les moyens dont dispose le prestataire, alors qu'il ressort des termes du jugement que les prestations ont, en pratique, bien été exécutées, que les frais de M. Moriceau, pour accomplir la prestation, ont été régulièrement déduits et que les factures ont régulièrement été établies en vertu d'une convention d'assistance dont l'existence et le fondement ne sont pas contestés ;

- que le Tribunal a commis une erreur de fait en considérant que la prestation rendue nécessitait la mise en oeuvre de moyens importants en dehors des compétences de M. Moriceau et en concluant qu'elle avait un caractère fictif ;

- qu'elle n'a pas supporté une charge fictive ;

- que l'administration fiscale, dans diverses écritures, n'a pas contesté la validité juridique ni la portée financière de la prestation de direction commerciale qui résulte de la convention "contrat de services" ; que les frais de déplacements facturés par la société BWM International ne font l'objet d'aucune contestation et sont admis en charges alors qu'ils sont régis par la même convention non contestée ; que l'administration ne peut donc pas considérer à la fois qu'une prestation n'a pas été rendue et admettre que les moyens ont été mis en oeuvre pour la réaliser ;

- que la réalité de la prestation apparait clairement au vu des résultats obtenus par elle ; que ce service de supervision et d'animation de l'équipe commerciale réalisé grâce à l'activité personnelle de M. Moriceau, a coûté 161 052 euros au cours des treize premiers mois d'activité et généré un chiffre d'affaires de 770 470 euros ; que ces conditions de collaboration comparables en terme de coût, à la rémunération d'un cadre commercial à l'action identique, présentaient l'avantage, dans sa phase de démarrage, d'offrir des conditions de rupture plus favorables que celles d'un contrat de travail ;

- que le coût de la prestation lui a laissé une marge appréciable quasiment équivalente à la charge d'un salarié ;

- que le contrat de service passé avec la société BWM International ne peut se résumer, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, à une convention d'assistance administrative ; que la réalisation dudit contrat nécessite une importante mobilité et une présence fréquente auprès de ses clients ; que pour réaliser cette mission, M. Moriceau n'avait pas besoin d'assistance, d'autant qu'elle débutait son activité ;

- qu'elle a pris une décision de gestion opposable en se procurant les services de M. Moriceau au moyen d'une convention de prestation de services dont le fondement juridique et la portée financière ne sont pas remis en cause ; qu'elle n'a pas procédé à la rémunération directe de M. Moriceau ; que l'administration fiscale n'établit pas qu'elle n'ait pas bénéficié des services rendus, que ces services ne présentaient pas un intérêt pour elle, qu'ils présentaient un coût anormal, qu'ils n'ont pas été régulièrement comptabilisés et appuyés de pièces justificatives régulières ;

- que si la société BWM International n'a pas de salariés, M. Moriceau est administrateur de cette société et qu'à ce titre il assume les diligences imposées par la convention que cette société a signée avec elle ; que la politique de rémunération du prestataire ne saurait influencer la déductibilité des charges ; qu'il ressort des pièces jointes que la société BWM International avait une existence juridique et économique ;

- que la prétendue fictivité de la prestation reposant sur la fictivité de la société BWM International constituant le seul fondement du redressement litigieux, les garanties relatives à la procédure d'abus de droit auraient du lui être offertes ;

- que la démonstration du caractère réel des prestations facturées permet d'écarter la pénalité de mauvaise foi dont ont été assortis les redressements ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient :

- qu'en invoquant l'absence de contrepartie effective aux sommes versées à un tiers en exécution d'une convention, l'administration ne se place pas implicitement sur le terrain de l'abus de droit, à supposer même qu'elle puisse être regardée comme ayant implicitement fondé les redressements litigieux sur le caractère fictif de cette convention ; qu'elle a remis en cause la déduction des charges en l'absence de contrepartie pour la société BWM FRANCE, le contrôle ayant mis en cause que la société BWM International qui ne disposait pas de personnel et de moyens matériels ne pouvait pas réaliser les opérations commerciales en cause ; qu'il a été constaté que les prestations facturées par la société BWM International étaient réalisées par la société BWM FRANCE et que donc le paiement par cette dernière des prestations qu'elle avait réalisées ne présentait pour elle aucun intérêt ; que ni l'existence juridique de la société BWM International, ni la convention du 10 novembre 2002 n'ont été remises en cause ; qu'il n'a jamais été soutenu que la création de la société BWM International ou l'existence de la convention avait un but exclusivement fiscal, mais que les factures correspondant aux prestations ont été réintégrées aux résultats de la société BWM FRANCE au motif que leur paiement constitue pour cette société un acte anormal de gestion ;

- que si la convention conclue le 10 novembre 2002 entre la société BWM FRANCE et la société BWM International prévoyait que cette dernière mettait à disposition de la société BWM FRANCE un cadre commercial ayant les connaissances permettant d'exécuter les prestations prévues par la convention, et que deux factures ont été acquittées à ce titre par la société BWM FRANCE , il ressort des renseignements recueillis par l'administration fiscale que M. Moriceau n'a été inscrit sur le registre de la population du Luxembourg que du 13 février au 6 août 2003 et n'y a pas été imposé par voie d'assiette pour les années 2002 et 2003, que la societé BWM International ne disposait d'aucun moyen matériel et d'aucun local et ne pouvait donc pas réaliser les prestations facturées ;

- que la société BWM FRANCE qui a effectivement réalisé les prestations ne pouvait ignorer que les facturations de la société BWM International correspondaient aux missions réalisées par ses propres employés ou par M. Moriceau en sa qualité d'administrateur de la société BWM FRANCE ; que les pénalités de mauvaise foi sont ainsi justifiées ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 avril 2010, présenté pour la société BWM FRANCE qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens et demande à ce que la somme mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative soit portée à 4 303, 60 euros ;

Elle soutient, en outre :

- que contrairement à ce qu'il soutient, le ministre se place clairement sur le terrain du caractère fictif et donc implicitement de l'abus de droit ;

- que la réalité de la prestation de la societé BWM International résulte, entre autres, de ce que les frais de déplacements engagés pour la réaliser par M. Moriceau, son administrateur, lui ont été facturés par la société BWM International et que l'administration fiscale en a admis la déduction ;

- que les rapports d'activité constituent un élément de preuve du caractère effectif de la prestation ;

- qu'il était normal que M. Moriceau soit très présent auprès de sa clientèle française ;

- que la convention qu'elle a conclue avec la société BWM International ne porte pas sur une assistance administrative ;

- qu'il appartient à l'administration fiscale de démontrer que la prestation n'a pas été fournie par la société BWM International dans le cadre de la convention ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 octobre 2010 :

- le rapport de M. Raisson, premier conseiller ;

- les observations de Me Mercier, avocat de la société BWM FRANCE ;

- et les conclusions de M. Monnier, rapporteur public ;

- la parole ayant été donnée à nouveau à Me Mercier, avocat de la Société BWM FRANCE ;

Considérant qu'après avoir été directeur commercial de la SA Browning Sport, dont le siège est à la Talaudière (Loire), et qui a pour activité la vente d'armes de sport et de chasse, M. Moriceau a créé le 1er juin 2002 à la même adresse la société BWM FRANCE dont il est le seul associé ; que la société BWM FRANCE a développé une activité d'agent commercial dans le cadre d'un contrat de représentation exclusive d'armes de chasse et de défense de la marque Browning ; que par ailleurs M. Moriceau a participé à la création, officialisée le 8 novembre 2002, de la société luxembourgeoise BWM International dont il a été nommé administrateur ; que deux jours plus tard, soit le 10 novembre 2002, la société BWM FRANCE conclut avec la société BWM International, avec effet rétroactif au 1er juin précédent, date de création de la société BWM FRANCE , un contrat de services aux termes duquel la société luxembourgeoise devait assurer, au profit de la société BWM FRANCE , la mise en place et la supervision de sa force de vente, la gestion de ses plus gros clients, la prospection de sa clientèle en France et à l'étranger, le développement de ses activités annexes dans le domaine de la chasse ; qu'en exécution de ce contrat, la société BWM International a présenté à la société BWM FRANCE, en avril et octobre 2003, deux factures de respectivement 98 420, 47 euros au titre de la période de juin 2002 à février 2003 et 62 631, 57 euros pour celle s'étendant de mars à juin 2003 ; que la société BWM FRANCE les a honorées par trois virements effectués au Luxembourg ;

Considérant que la société BWM FRANCE a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant de sa création en juin 2002 à août 2005 ; que le vérificateur a rejeté et réintégré aux résultats imposables, en se fondant sur la théorie de l'acte anormal de gestion, les factures susmentionnées de la société BWM International en estimant que cette dernière, qui ne disposait pas des moyens matériels et humains nécessaires, n'avait pas pu réaliser les prestations facturées, lesquelles auraient été en réalité exécutées en interne par la société BWM FRANCE ; que cette dernière, qui a vainement saisi le Tribunal administratif de Lyon, demande à la Cour la décharge des rappels d'impôt sur les sociétés, de contribution à l'impôt sur les sociétés et des pénalités pour manquement délibéré dont ces rappels ont été assortis à raison de la réintégration desdites factures ;

Sur la régularité de la procédure :

Considérant que devant la Cour la société requérante soutient qu'en invoquant les circonstances que la société luxembourgeoise ne disposait que d'une adresse de domiciliation, qu'elle n'avait pas de personnel et que par conséquent elle ne pouvait ignorer le caractère fictif des prestations, l'administration fiscale s'est placée implicitement mais nécessairement dans le cadre de la procédure de répression de l'abus de droit sans toutefois lui offrir les garanties prévues par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;

Considérant qu'à supposer même que l'administration fiscale puisse être regardée comme ayant implicitement fondé les redressements en litige sur le caractère fictif du contrat d'assistance, elle pouvait régulièrement invoquer devant le juge de l'impôt l'absence de contrepartie effective aux sommes versées à la société, dès lors qu'à considérer le chef de redressement comme fondé, les facturations litigieuses n'avaient pas pour seul but d'éluder un impôt dû par la société BWM FRANCE mais d'accorder à une société tiers un avantage anormal ; que le moyen doit être écarté ;

Sur le bien fondé des rappels :

Considérant, d'une part, qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, rendu applicable aux personnes morales soumises à l'impôt sur les sociétés par les dispositions de l'article 209 de ce même code , : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) " ; qu'en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; qu'en ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;

Considérant en premier lieu que la société BWM FRANCE a produit la convention du 10 novembre 2002 conclue avec la société BWM International, ainsi que les factures que cette dernière lui a adressées conformément à cet accord les 14 avril et 15 novembre 2003 ; qu'il n'est pas contesté que la prestation a été effectivement réalisée, et par M. Moriceau ;

Considérant en second lieu que pour soutenir que les sommes versées n'avaient pas de contrepartie, l'administration fiscale se fonde d'abord sur le fait que la société BWM International n'avait qu'une adresse de domiciliation, que M. Moriceau, malgré des tentatives infructueuses, n'avait jamais véritablement résidé au Luxembourg ; que cependant, la réalisation de la prestation objet de la convention susmentionnée ne nécessitait pas de moyens matériels importants et impliquait principalement la présence d'un cadre commercial de niveau supérieur sur les lieux des marchés, essentiellement français, de la société BWM FRANCE ;

Considérant toutefois que le ministre fait valoir que la société luxembourgeoise ne disposait pas de moyens matériels propres, que sa comptabilité, versée aux débats n'avait pas enregistré les charges utiles à l'exécution de la mission facturée, alors que la société BWM FRANCE disposait d'une équipe d'agents commerciaux actifs sur le territoire français, que leur activité était soutenue par M. Moriceau dont les frais de déplacement ont été pris en charge par cette même société BWM FRANCE ; qu'à défaut d'éléments contraires produits par celle-ci, l'administration fiscale doit être regardée comme établissant que la prestation facturée par la Société BWM International à la société BWM FRANCE a été effectuée par M. Moriceau en qualité d'administrateur de cette dernière ;

Sur les pénalités :

Considérant qu'il résulte des circonstances de l'espèce que la société BWM FRANCE, qui avait pour administrateur M. Moriceau, lequel était également administrateur de la société BWM International, ne pouvait ignorer qu'elle avait effectivement réalisé par ses propres moyens les prestations facturées par cette dernière ; que dès lors qu'il est reconnu que les prestations n'ont pas été réalisées par la société luxembourgeoise, les pénalités encourues sont justifiées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société BWM FRANCE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que par voie de conséquence doivent être rejetées ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société BWM FRANCE est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société BWM FRANCE et au ministre du budget, des comptes publics, et de la réforme de l'Etat.

Délibéré après l'audience du 7 octobre 2010 à laquelle siégeaient :

M. Duchon-Doris, président de chambre,

M. Montsec, président assesseur,

M. Raisson, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 octobre 2010.

''

''

''

''

1

2

N° 09LY02105


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY02105
Date de la décision : 29/10/2010
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: M. Denis RAISSON
Rapporteur public ?: M. MONNIER
Avocat(s) : VIA JURIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-10-29;09ly02105 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award