Vu le recours, enregistré le 21 mai 2008, présenté par le MINISTRE DE L'ECOLOGIE ;
Le ministre demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0600542 du Tribunal administratif de Lyon
du 13 mars 2008 en tant que, par ce jugement, le Tribunal a annulé l'arrêté
du 22 novembre 2005 par lequel le préfet de la Loire a suspendu l'exploitation des installations de traitement de surface de la société Ennemond Preynat jusqu'à ce qu'une décision soit prise sur une demande d'autorisation d'exploiter ;
2°) de rejeter la demande de la société Ennemond Preynat devant le Tribunal administratif ;
Le ministre soutient que c'est à tort que le Tribunal a annulé l'arrêté attaqué en raison de l'annulation de la mise en demeure du 7 juillet 2000 par la Cour ; qu'en effet, ce dernier arrêté est légal ; que la société Ennemond Preynat exerçait une activité de traitement chimique de surface des métaux, laquelle a été incluse dans la rubrique n° 288 de la nomenclature des installations classées, telle que modifiée par le décret n° 73-438 du 27 mars 1973 ; que le volume des cuves de traitement était supérieur à 1 500 litres et que, par suite, l'activité était soumise à autorisation ; que le transfert de l'activité de Saint-Etienne au Chambon-Feugerolles a eu lieu en 1974 ou en 1975, soit postérieurement à l'entrée en vigueur dudit décret du 27 mars 1973 ; que, conformément à l'article 4 de la loi du 19 juillet 1976, codifié à l'article L. 512-15 du code de l'environnement, la société aurait donc dû régulariser sa situation lors de ce transfert et déposer une demande d'autorisation, ce qu'elle n'a pas fait ; qu'en conséquence, la société ne peut se prévaloir d'un droit d'antériorité ; que le préfet était donc tenu de la mettre en demeure de régulariser sa situation, en application de l'article 24 de la loi du 19 juillet 1976, codifié à l'article L. 514-2 dudit code ; que, par suite, constatant l'inexécution de la mise en demeure, le préfet a pu, à bon droit, par son arrêté litigieux, suspendre l'activité de la société ; qu'il s'en rapporte aux observations du préfet s'agissant des autres moyens soulevés en première instance ;
Vu le jugement attaqué ;
En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 12 novembre 2009, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 décembre 2009 ;
Vu le mémoire, enregistré le 11 décembre 2009, présenté par la société Ennemond Preynat, qui demande à la Cour :
- de rejeter le recours ;
- de condamner l'Etat à lui verser une somme de 4 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
La société Ennemond Preynat soutient que :
- il appartiendra à l'administration de justifier de l'introduction de son recours dans le délai du recours contentieux ;
- par un arrêt du 5 avril 2007, la Cour a déjà pris position sur la question de savoir si elle peut ou non bénéficier de l'antériorité au sens de l'article L. 513-1 du code de l'environnement ; que, même si cet arrêt a fait l'objet d'un pourvoi en cassation, il ne saurait pour autant être contesté par le ministre ; que l'unique moyen d'appel est nouveau et, par suite, irrecevable ; qu'en effet, l'administration invoque pour la première fois la nomenclature annexée au décret n° 73-438 du 27 mars 1973 ; que, dans l'hypothèse où l'argumentation fondée sur ce décret serait recevable en appel, ce texte ferait partie des fondements juridiques de la légalité de l'arrêté attaqué du 22 novembre 2005, dont la Cour a implicitement mais nécessairement tenu compte pour estimer que le principe d'antériorité peut être invoqué ; que la rubrique annexée au décret du 27 mars 1973 dont se prévaut aujourd'hui le ministre reste la rubrique n° 288, annexée au décret du 3 août 1932, dont l'absence de portée juridique a déjà été reconnue et est désormais admise par le ministre ; que, pour ce qui concerne les métaux, la rubrique n° 288 n'a pas été modifiée à l'occasion de l'entrée en vigueur du décret du 27 mars 1973, mais simplement maintenue telle qu'elle avait été introduite par le décret du 3 août 1932 ; que, dès lors, pas plus que ce dernier, le décret du 27 mars 1973 ne peut être regardé comme ayant soumis à obligation de déclaration ou d'autorisation l'activité de traitement de métaux ; que, par ailleurs, le décret du 27 mars 1973, pris pour l'application de l'article 5 de la loi du 19 décembre 1917, a été abrogé en 1977, date d'entrée en vigueur de la loi du 19 juillet 1976 abrogeant cette loi et, par suite, les décrets d'application de cette dernière ; que, dans ces conditions, ainsi que l'a jugé la Cour, c'est le décret du 29 décembre 1993 qui a le premier visé son activité ; qu'aucune déclaration ne devait être effectuée avant la modification de la nomenclature en 1993 ;
En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 21 décembre 2009, la clôture de l'instruction a été reportée au 27 janvier 2010 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré du 8 octobre 2010 présentée pour la société Ennemond Preynat ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu la loi du 19 décembre 1917 relative aux établissements dangereux, insalubres ou incommodes ;
Vu la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 ;
Vu le décret n° 53-578 du 20 mai 1953 ;
Vu le décret n° 64-303 du 1er avril 1964 ;
Vu le décret n° 73-438 du 27 mars 1973 ;
Vu le décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 octobre 2010 :
- le rapport de M. Chenevey, premier conseiller ;
- les observations de Me Xynopoulos, avocat de la société Ennemond Preynat ;
- les conclusions de M. Besson, rapporteur public ;
- et la parole ayant à nouveau été donnée à la partie présente ;
Considérant que la société Ennemond Preynat exploite depuis le début du XXème siècle un atelier de traitement de surface de métaux, dont le transfert de la commune
de Saint-Etienne vers celle du Chambon-Feugerolles a été achevé en 1975 ; qu'elle a fait l'objet, le 7 juillet 2000, d'un arrêté du préfet de la Loire la mettant en demeure de déposer un dossier de demande d'autorisation au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement ; que, par un arrêté du 22 novembre 2005, au motif que le délai imparti à la société par cette mise en demeure pour déposer un dossier complet de demande était dépassé, le préfet a prononcé la suspension de l'exploitation de traitement de surface, jusqu'à ce qu'une décision soit prise sur une demande d'autorisation ; que, par un jugement du 13 mars 2008, le Tribunal administratif de Lyon a, notamment, annulé ce second arrêté ; que le MINISTRE DE L'ECOLOGIE relève appel dans cette mesure de ce jugement ;
Sur la recevabilité de l'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois (...) ;
Considérant qu'il ressort de l'examen des pièces du dossier de première instance que le jugement attaqué a été notifié le 5 mai 2008 au MINISTRE DE L'ECOLOGIE ; que, par suite, contrairement à ce que soutient la société Ennemond Preynat, le recours, qui a été enregistré au greffe de la Cour le 21 mai 2008, n'est pas tardif ;
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
Considérant que le Tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté attaqué par voie de conséquence de l'annulation, par un arrêt de la Cour du 5 avril 2007, de l'arrêté précité du 7 juillet 2000 ; que, toutefois, par un arrêt du 14 juin 2010, dont la société Ennemond Preynat, qui était partie à l'instance, a nécessairement eu connaissance, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt de la Cour et a confirmé le jugement du Tribunal administratif de Lyon du 25 mai 2004 rejetant les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 juillet 2000 ; que, par suite, le MINISTRE DE L'ECOLOGIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal a prononcé ladite annulation par voie conséquence ;
Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Ennemond Preynat, en première instance comme en appel ;
Considérant, en premier lieu, que les erreurs ou omissions qui entacheraient les visas de l'arrêté attaqué, ainsi que de la mise en demeure du 7 juillet 2000, sont sans incidence sur la légalité de ces décisions ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-1 du code de l'environnement, qui reprend les dispositions de l'article 16 de la loi susvisé
du 19 juillet 1976 : Les installations qui, après avoir été régulièrement mises en service, sont soumises, en vertu d'un décret relatif à la nomenclature des installations classées, à autorisation ou à déclaration peuvent continuer à fonctionner sans cette autorisation ou déclaration à la seule condition que l'exploitant se soit déjà fait connaître du préfet ou se fasse connaître de lui dans l'année suivant la publication du décret (...) ; que le bénéfice d'antériorité consacré par cette disposition ne peut être conservé qu'en l'absence de modification apportée, postérieurement à son classement, aux conditions d'exploitation de l'activité en cause ;
Considérant, d'une part, qu'en appel, le MINISTRE DE L'ECOLOGIE se prévaut du décret n° 73-438 du 27 mars 1973, modifiant le tableau annexé au décret n° 53-578 du 20 mai 1953 relatif à la nomenclature des établissements classés comme dangereux, insalubres ou incommodes, pour soutenir que la société Ennemond Preynat ne peut se prévaloir du bénéfice de l'antériorité consacrée par les dispositions précitées de l'article L. 513-1 du code de l'environnement ; que, contrairement à ce que soutient cette société, l'administration, qui avait la qualité de défendeur devant le Tribunal administratif de Lyon, peut présenter tout moyen nouveau en appel ; qu'au surplus, l'invocation dudit décret constitue un simple argument à l'appui du moyen relatif au bénéfice de l'antériorité déjà invoqué devant ce Tribunal ;
Considérant, d'autre part, que l'activité de traitement chimique de surface des métaux que la société Ennemond Preynat exerce depuis le début du XXème siècle figurait dans la nomenclature des installations classées, sous le n° 288, à tout le moins depuis le décret précité du 27 mars 1973, modifiant et complétant le décret du 20 mai 1953 et dont les dispositions ont été expressément maintenues en vigueur par l'article 44 du décret du 21 septembre 1977 pris pour l'application de la loi du 19 juillet 1976 ; que, si l'atelier de la société Ennemond Preynat pouvait, après l'entrée en vigueur dudit décret du 27 mars 1973, continuer à fonctionner, à conditions constantes, en vertu de ses droits acquis, en revanche, son transfert, postérieurement à cette date, dans une autre commune était soumis, en vertu de l'article 31 du décret du 1er avril 1964 relatif aux établissements dangereux, insalubres ou incommodes, alors en vigueur, à une nouvelle autorisation ; que, par suite, ce transfert a fait perdre à l'exploitant le bénéfice de son antériorité ;
Considérant, enfin, que relève du régime de l'autorisation, au titre de la rubrique
n° 288, devenue la rubrique n° 2565, de la nomenclature des installations classées, actuellement annexée à l'article R. 511-9 du code de l'environnement, le traitement de surfaces de métaux, par voie électrolytique ou chimique, lorsque le volume des cuves de traitement est supérieur à 1 500 litres ; qu'il n'est pas contesté que l'activité litigieuse remplit ces conditions ; qu'il n'est pas non plus contesté qu'aucun dossier complet n'a été déposé à la suite de l'arrêté du 7 juillet 2000, par lequel le préfet de la Loire a mis en demeure la société Ennemond Preynat de déposer un dossier de demande d'autorisation ; que, dès lors, cette société ne peut soutenir que l'arrêté attaqué, qui fait suite à cette mise en demeure et suspend l'exploitation de traitement de surface jusqu'à ce qu'une décision soit prise sur une demande d'autorisation, est entaché d'illégalité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECOLOGIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté litigieux du 22 novembre 2005 ; qu'il y a lieu d'annuler ce jugement, en tant qu'il procède à cette annulation, et de rejeter la demande d'annulation de cet arrêté présentée par la société Ennemond Preynat ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, soit condamné à payer à la société Ennemond Preynat la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Lyon du 13 mars 2008 est annulé en tant qu'il annule l'arrêté du 22 novembre 2005 par lequel le préfet de la Loire a suspendu l'exploitation des installations de traitement de surface de la société Ennemond Preynat jusqu'à ce qu'une décision soit prise sur une demande d'autorisation d'exploiter.
Article 2 : La demande d'annulation de cet arrêté présentée par la société Ennemond Preynat devant le Tribunal administratif de Lyon est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la société Ennemond Preynat tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié AU MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER, EN CHARGE DES TECHNOLOGIES VERTES ET DES NEGOCIATIONS SUR LE CLIMAT et à la société Ennemond Preynat.
Délibéré après l'audience du 5 octobre 2010 à laquelle siégeaient :
M. Bézard, président de chambre,
M. Chenevey et Mme Chevalier-Aubert, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 26 octobre 2010.
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N° 08LY01162
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