La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/10/2010 | FRANCE | N°09LY01212

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 12 octobre 2010, 09LY01212


Vu la requête, enregistrée le 3 juin 2009, présentée pour la SOCIETE BRAKE FRANCE SERVICES, représentée par son président en exercice, dont le siège social est 13 rue Jean-Jacques Rousseau - RA les Radars - à Grigny (91350) ;

La SOCIETE BRAKE FRANCE SERVICES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 071322, 071378, 071390 du 24 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses demandes tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 11 juin 2007 du directeur des services fiscaux du Puy-de-Dôme lui refusant le d

égrèvement d'office de cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâti...

Vu la requête, enregistrée le 3 juin 2009, présentée pour la SOCIETE BRAKE FRANCE SERVICES, représentée par son président en exercice, dont le siège social est 13 rue Jean-Jacques Rousseau - RA les Radars - à Grigny (91350) ;

La SOCIETE BRAKE FRANCE SERVICES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 071322, 071378, 071390 du 24 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses demandes tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 11 juin 2007 du directeur des services fiscaux du Puy-de-Dôme lui refusant le dégrèvement d'office de cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties établies, au titre des années 2002 à 2004, à raison d'un établissement situé sur le territoire de la commune de Romagnat (Puy-de-Dôme) et à la décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties et de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie, au titre des années 2005 et 2006, à raison de cet établissement ;

2°) de prononcer l'annulation et la décharge demandées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'elle a contesté par la voie du recours pour excès de pouvoir la décision par laquelle le directeur des services fiscaux du Puy-de-Dôme a rejeté sa demande de dégrèvement d'office des cotisations de taxe foncière établies au titre des années 2002 à 2004, cette décision, fondée sur une prétendue tardiveté de la réclamation et sur l'affirmation qu'il n'est pas possible de revendiquer un dégrèvement d'office après expiration du délai de réclamation, étant entachée d'une double erreur de droit ; qu'en se fondant sur l'importance des moyens mis en oeuvre sur le site de son établissement de Romagnat pour juger que ce dernier devait être regardé comme présentant un caractère industriel, au sens des dispositions de l'article 1499 du code général des impôts, et en déduire que les immobilisations devaient être évaluées selon la méthode prévue par ces mêmes dispositions, sans rechercher quel était le coeur de l'activité déployée sur ce site, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a commis une erreur de droit ; qu'en ne répondant pas à son argumentation tirée de ce que les moyens techniques mis en oeuvre sur ce site étaient sans commune mesure avec ceux ayant donné lieu à la jurisprudence du Conseil d'Etat Entrepôts frigorifiques de Cabannes du 15 octobre 1997, le Tribunal administratif a insuffisamment motivé son jugement ; qu'en se fondant sur le rôle prépondérant des équipements et matériels dans l'activité qu'elle exerce, sans comparer le prix de revient de ces équipements à celui des immeubles affectés à cet établissement, le tribunal a méconnu les dispositions des articles 1498 et 1499 du code général des impôts ; que le tribunal n'a pas répondu à ses conclusions subsidiaires tendant à ce que les matériels et outillages utilisés dans les sites de stockage soient exclus de l'assiette de la taxe foncière sur les propriétés bâties et de la base imposable à la taxe professionnelle et méconnu les dispositions des articles 1381 et 1382 du code général des impôts ; que le prix de revient des matériels et équipements utilisés pour les besoins de l'activité ne représente que 30,19 % du prix de revient des constructions hors terrain de l'établissement ; que les outillages et matériels techniques intégrés dans une installation de stockage ne peuvent être pris en compte pour le calcul de la valeur locative de l'établissement ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 janvier 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que la mise en oeuvre de la procédure de dégrèvement d'office prévue à l'article R. 211-1 du livre des procédures fiscales ne constitue qu'une faculté pour l'administration et qu'il n'appartient pas à la juridiction administrative d'apprécier l'usage qui en est fait ; que les conclusions afférentes aux cotisations de taxe foncière établies au titre des années 2001 à 2004 doivent en conséquence être rejetées ; que lorsque sont en cause des entrepôts utilisant d'importantes installations techniques, la présence d'installations frigorifiques indispensables à l'activité exercée entraîne la reconnaissance du caractère industriel de l'établissement ; que la requérante n'est pas fondée à se prévaloir de décisions concernant des entrepôts dépourvus d'installations frigorifiques et qu'il appartient aux juges du fond d'apprécier la pertinence du rapport entre la valeur des installations et celles des constructions hors terrain comme critère de qualification ; que les ratios bilanciels n'ont jamais été retenus dans le cas d'entrepôts frigorifiques et que le Conseil d'Etat a admis le caractère industriel d'entrepôts où les installations techniques représentaient bien moins de 50 % des immobilisations hors terrains et constructions ; que si la Cour utilisait de tels ratios, elle devrait retrancher les matériels de transports des immobilisations prises en compte ; que l'importance des installations de stockage et d'emballage et la capacité des installations frigorifiques, d'une superficie globale de 1 730 m², qui ont un rôle prépondérant dans l'activité exercée, confèrent un caractère industriel à l'établissement ; que si les outillages et matériels intégrés aux installations ne doivent pas être inclus dans les bases d'imposition des biens passibles d'une taxe foncière, la requérante n'a jamais fourni, malgré plusieurs demandes de l'administration, les éléments permettant de déterminer la valeur pour laquelle de tels outillages et matériels techniques auraient été compris dans ses bases d'impositions ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 mars 2010, présenté pour la SOCIETE BRAKE FRANCE SERVICES, qui indique que son siège social a été transféré au 4 allée des Séquoia à Limonest (69760) et maintient ses conclusions par les moyens exposés dans sa requête ;

Elle soutient en outre que l'administration a retenu des méthodes d'évaluation différentes pour plusieurs de ses établissements bien qu'ils aient des activités identiques ; qu'à la suite d'un contrôle de ses établissements en 2007, l'administration fiscale a fait une application limitée d'interprétations administratives antérieures reconnaissant un caractère commercial à certains de ses établissements ; que les ratios afférents au site de Romagnat ont été versés au dossier, les surfaces frigorifiées représentant 60 % des surfaces de l'établissement, la valeur brute des biens non passibles de la taxe foncière représentant 21,60 % de la valeur brute des biens immobiliers passibles de cette taxe et le ratio des matériels hors transports sur les constructions hors terrains étant de 30,19 % ; que les matériels de levage et manutention sont des matériels sans moteur et que sur un effectif de 48 personnes, 26 sont des commerciaux et 10 sont affectées à la réception des marchandises et à la préparation des commandes ; que l'administration fiscale a méconnu les dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales et les principes de sécurité juridique et de confiance légitime en refusant de faire une application générale de ses propres interprétations formelles antérieures ; que le site de Romagnat ne correspond pas à une zone de stockage d'une ampleur industrielle et qu'il n'est pas privé d'une activité commerciale et administrative très développée, la taille de l'établissement étant dictée par la nécessité de respecter la chaîne du froid et non par une structure de distribution en cascade d'un gros entrepôt vers un entrepôt de taille moyenne et d'un entrepôt de taille moyenne vers un petit entrepôt ; que des moyens similaires sont mis en oeuvre sur des sites différents pour une activité qui ne ressemble en rien à celle de la grande distribution ou à celle des centres automatisés de réception d'achats en masse en vue de leur reconditionnement ; que la part des matériels et équipements affectés à la production du froid et à la préparation des commandes n'est ni importante (moins de 13 % du total du bilan dans chacun des établissements de l'entreprise) ni prépondérante, la production de froid n'étant qu'un des éléments nécessaires à l'activité de l'entreprise qui nécessite aussi une main d'oeuvre importante et des matériels de transports pour les livraisons ; que la qualification industrielle donnée à l'établissement résulte d'une appréciation erronée de ces faits et d'une dénaturation des éléments versés aux débats ; que le seul critère de l'importance des moyens mis en oeuvre ne permet pas de distinguer une activité industrielle d'une activité commerciale et que si le Conseil d'Etat n'a pas suivi Léon Blum et Laurent Olléon en retenant ce critère, il n'entend pas accepter une extension inconsidérée de la méthode d'évaluation comptable ; qu'elle ne spécule pas sur des moyens de production, qui ne sont ni robotisés, ni mécanisés, ni informatisés, mais qu'elle se borne à utiliser des locaux de stockage à température contrôlée pour une activité commerciale ; que l'extension du champ d'application de la méthode comptable poursuivie par l'administration ne reposait sur aucun texte avant la loi de finances rectificative pour 2008 et la loi de finances pour 2010, qui ne sont pas applicables au présent litige ;

Vu le mémoire, enregistré le 16 juin 2010, présenté pour la SOCIETE BRAKE FRANCE SERVICES, qui demande à la Cour, à l'appui de son recours tendant à la décharge des impositions en litige, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles 1388, 1498 et 1499 du code général des impôts et de surseoir à statuer sur les conclusions de sa requête dans l'attente de la réponse à cette question ;

Elle soutient que les dispositions des articles 1388, 1498 et 1499 du code général des impôts, applicables au litige, n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel, la décision n° 75-57 DC du Conseil constitutionnel ne pouvant être regardée comme ayant validé l'article 16 de la loi n° 75-678 du 29 juillet 1975, instituant la taxe professionnelle, dont est issu l'article 1499 du code général des impôts, et celle n° 68-35 DC relative à la loi n° 68-108 n'ayant pas porté sur la distinction des méthodes d'évaluation applicables aux établissements commerciaux et aux établissements industriels ; qu'elle est fondée à invoquer, en premier lieu, le principe de légalité de l'impôt ou du consentement à l'impôt, résultant de l'article 14 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de l'article 34 de la constitution, qui exige que le législateur détermine précisément l'assiette de l'impôt, alors qu'il n'existe pas de dispositions législatives définissant les notions d'immobilisations industrielles et d'établissements industriels, en deuxième lieu, le principe d'égalité devant l'impôt et celui de liberté d'entreprendre, qui comporte un principe d'égalité des chances dans la concurrence, la distinction opérée par l'administration n'étant ni fondée sur l'intérêt général, ni conforme à la jurisprudence administrative, ni conforme avec les articles 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du protocole additionnel en tant qu'elle n'applique pas un traitement différent à des personnes dont la situation est sensiblement différente, et, en dernier lieu, le principe de la clarté de la loi qui fonde les exigences de sécurité juridique, de prévisibilité et de confiance légitime, dès lors qu'elle n'a fait qu'appliquer à tous ses établissements une méthode admise par l'administration avant que cette dernière ne prenne aubaine d'une décision du Conseil d'Etat ;

Vu l'ordonnance en date du 21 juin 2010 fixant la clôture d'instruction au 30 juillet 2010, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 6 juillet 2010 et régularisé par courrier le 7 juillet 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, qui demande à la Cour de rejeter la demande de transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité présentée pour la requérante ;

Il soutient qu'ayant entendu se référer à une interprétation jurisprudentielle constante et sans équivoque d'une expression que contenait déjà la loi du 15 juillet 1880, le législateur de 1968 ne pouvait être considéré comme tenu d'en énoncer une nouvelle définition et qu'il n'a donc pas méconnu l'étendue de sa compétence ; qu'en tout état de cause, les dispositions de l'article 14 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen n'instituent pas un droit ou une liberté qui puisse être invoqué à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité ; qu'en supposant même que la qualification d'établissement industriel n'ait pas été appliquée de manière homogène à des établissements comparables, la loi ne détermine pas en elle-même une rupture d'égalité entre des contribuables se trouvant dans une situation identique ; que la dualité des régimes d'évaluation repose sur un critère objectif lié à la consistance des immeubles et à l'importance des équipements qu'ils renferment et que la méthode retenue pour les établissements industriels n'est pas systématiquement moins favorable que celle retenue pour les établissements commerciaux ; que les modalités d'imposition d'une entreprise ne sauraient caractériser par elles-mêmes une atteinte à la liberté d'entreprendre ; que l'intelligibilité de la loi est un objectif à valeur constitutionnelle et non un droit subjectif invocable dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité ; que le Conseil constitutionnel a déjà précisé la portée des principes de légalité de l'impôt et d'égalité devant l'impôt et que la question ne présente pas un caractère nouveau et sérieux ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 juillet 2010, présenté pour la SOCIETE BRAKE FRANCE SERVICES, qui maintient les conclusions de son mémoire précédent tendant à la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat ;

Elle soutient en outre que la jurisprudence antérieure à 1958 ne saurait être utilisée, la question prioritaire de constitutionnalité portant sur la loi de 1975 et non sur l'interprétation, au demeurant incertaine, qu'en a donnée la jurisprudence ; que l'objectif du législateur n'était pas de pénaliser les établissements industriels mais de les favoriser ; qu'il incombe au Conseil constitutionnel et non au juge de l'impôt de définir la portée des objectifs de valeur constitutionnelle ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son préambule et ses articles 13, 34 et 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 septembre 2010 :

- le rapport de M. Pourny, premier conseiller ;

- les observations de Me Vidal, avocat de la SOCIETE BRAKE FRANCE SERVICES ;

- et les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;

La parole ayant à nouveau été donnée à Me Vidal ;

Considérant que la SOCIETE BRAKE FRANCE SERVICES a été assujettie à des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties et de taxe professionnelle au titre des années 2002 à 2006 à raison d'un établissement situé sur le territoire de la commune de Romagnat (Puy-de-Dôme) au sein duquel elle exploitait une activité de négoce en gros de crèmes glacées et de produits surgelés ; que la valeur locative de cet établissement ayant été déterminée selon la méthode définie à l'article 1499 du code général des impôts pour les immobilisations industrielles et non selon l'une des méthodes définies à l'article 1498 du même code applicables aux locaux commerciaux, elle a présenté au directeur des services fiscaux du Puy-de-Dôme plusieurs réclamations tendant au dégrèvement d'office des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2002 à 2004 et à la décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties et de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2005 et 2006 ; que ces réclamations ayant été rejetées, elle a porté le litige devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand qui a rejeté ses demandes par le jugement du 24 mars 2009 dont elle demande l'annulation ;

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

Considérant, qu'aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : Lorsque à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. (...) ; qu'aux termes de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, modifiée, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1388 du code général des impôts : La taxe foncière sur les propriétés bâties est établie d'après la valeur locative cadastrale de ces propriétés déterminée conformément aux principes définis par les articles 1494 à 1508 et 1516 à 1518 B et sous déduction de 50 % de son montant en considération des frais de gestion, d'assurances, d'amortissement, d'entretien et de réparation. ; qu'aux termes de l'article 1498 du même code : La valeur locative de tous les biens autres que (...) les établissements industriels visés à l'article 1499 est déterminée au moyen de l'une des méthodes indiquées ci-après : / 1° Pour les biens donnés en location à des conditions de prix normales, la valeur locative est celle qui ressort de cette location ; / 2° a. Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison. (...) / 3° A défaut de ces bases, la valeur locative est déterminée par voie d'appréciation directe. et qu'aux termes de l'article 1499 dudit code : La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat (...) ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 : Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux- mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée. ; qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : La loi fixe les règles concernant (...) l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures (...). Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique (...) ; que les dispositions de l'article 14 de la Déclaration de 1789 sont mises en oeuvre par l'article 34 de la Constitution et n'instituent pas un droit ou une liberté qui puisse être invoqué, à l'occasion d'une instance devant une juridiction, à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution ; que le moyen tiré de ce que les dispositions précitées du code général des impôts méconnaîtraient les dispositions de l'article 14 de la Déclaration de 1789 et celles de l'article 34 de la Constitution ne saurait dès lors être retenu ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en prévoyant différentes méthodes d'évaluation selon le régime applicable aux biens à évaluer, les dispositions précitées des articles 1388, 1498 et 1499 du code général des impôts prennent en compte, au regard de l'objet de la loi, la différence de situation des biens en question ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que ces dispositions porteraient atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques ne présente pas un caractère sérieux ;

Considérant, en troisième lieu, qu'en prévoyant différentes méthodes d'évaluation selon le régime applicable aux biens à évaluer, les dispositions précitées des articles 1388, 1498 et 1499 du code général des impôts ne sauraient être regardées comme portant atteinte à la liberté d'entreprendre ou au principe de sécurité juridique qui découle de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ;

Considérant, en quatrième lieu, que si l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, impose au législateur d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques, sa méconnaissance ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution ; qu'en tout état de cause les dispositions précitées des articles 1388, 1498 et 1499 du code général des impôts, dont la portée a été précisée par la jurisprudence, ne présentent pas de difficulté particulière d'interprétation ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'elles méconnaîtraient le principe de clarté de la loi découlant de l'article 34 de la Constitution ne présente pas un caractère sérieux ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'un grief tiré du défaut de compatibilité d'une disposition législative aux engagements internationaux de la France ne saurait être regardé comme un grief d'inconstitutionnalité ; que la requérante ne saurait ainsi se prévaloir d'une méconnaissance des stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou de celles de l'article 1er du protocole additionnel ou d'une méconnaissance du principe communautaire de confiance légitime à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la SOCIETE BRAKE FRANCE SERVICES ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que si la requérante soutient que le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a ignoré ses conclusions subsidiaires tendant à la réduction des impositions en litige et omis de répondre au moyen opérant tiré de ce que la valeur locative des outillages et matériels techniques intégrés à ses installations devait être exclue de ses bases d'impositions à la taxe foncière sur les propriétés bâties, il ressort des motifs du jugement attaqué que les premiers juges ont considéré qu'elle avait renoncé à sa contestation de la valeur comptable des immobilisations en cause en abandonnant l'argumentation correspondante ; qu'ainsi, et alors que les premiers juges se sont prononcés sur les conclusions en décharge des impositions en litige dont ils étaient saisis, le moyen tiré de ce qu'ils auraient omis de statuer sur l'ensemble des conclusions des demandes et sur l'argumentation relative à la valeur des immobilisations en cause doit être écarté ;

Considérant que le Tribunal administratif, qui n'était pas tenu d'écarter l'ensemble des arguments soulevés par la requérante, a répondu de manière suffisamment motivé à l'ensemble des conclusions et moyens qui lui étaient présentés ; que la circonstance qu'il n'a pas répondu à l'argument de la requérante tiré de ce que les moyens techniques mis en oeuvre dans son établissement de Romagnat étaient sans commune mesure avec ceux mis en oeuvre dans l'établissement de la société Entrepôts frigorifiques de Cabannes est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué ;

Sur les cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties établies au titre des années 2002 à 2004 :

En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision de refus de dégrèvement d'office :

Considérant que le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté les conclusions de la demande de la SOCIETE BRAKE FRANCE SERVICES tendant à l'annulation de la décision du directeur des services fiscaux du Puy-de-Dôme lui refusant le dégrèvement d'office des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2002 à 2004 en leur opposant une irrecevabilité tirée du défaut de moyen opérant ; qu'en se bornant à soutenir que la décision du directeur des services fiscaux rejetant sa réclamation est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur sur le décompte du délai prévu à l'article R. 211-1 du code général des impôts, la requérante ne critique pas le bien-fondé de cette irrecevabilité qu'il n'appartient pas à la Cour d'examiner d'office ; que, dès lors, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;

En ce qui concerne les conclusions tendant à la décharge ou à la réduction de ces impositions :

Considérant qu'aux termes de l'article R.* 196-2 du livre des procédures fiscales : Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts directs locaux et aux taxes annexes, doivent être présentées à l'administration des impôts au plus tard le 31 décembre de l'année suivant, selon le cas : / a) L'année de la mise en recouvrement du rôle ; / b) L'année de la réalisation de l'événement qui motive la réclamation ; / c) L'année de la réception par le contribuable d'un nouvel avis d'imposition réparant les erreurs d'expédition que contenait celui adressé précédemment ; / d) L'année au cours de laquelle le contribuable a eu connaissance certaine de cotisations d'impôts directs établies à tort ou faisant double emploi. ;

Considérant que la réclamation de la SOCIETE BRAKE FRANCE SERVICES tendant à la décharge ou à la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2002 à 2004 dans les rôles de la commune de Romagnat a été présentée au directeur des services fiscaux le 20 décembre 2006 ; que cette réclamation étant tardive et par suite irrecevable, les conclusions de la SOCIETE BRAKE FRANCE SERVICES tendant à la décharge ou à la réduction de ces impositions ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les impositions établies au titre des années 2005 et 2006 :

Considérant que les règles suivant lesquelles est déterminée la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties sont différemment définies, à l'article 1496 du code général des impôts pour ce qui est des locaux affectés à l'habitation ou servant à l'exercice d'une profession autre qu'agricole, commerciale, artisanale ou industrielle , à l'article 1498 en ce qui concerne tous les biens autres que les locaux d'habitation ou à usage professionnel visés à l'article 1496-I et que les établissements industriels visés à l'article 1499 , et à l'article 1499 s'agissant des immobilisations industrielles ; que revêtent un caractère industriel, au sens de cet article, les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les locaux de l'établissement susmentionné, d'une superficie totale de 2 000 m² étaient équipés de chambres froides d'une superficie totale de 1 730 m² et que le prix de revient de ces équipements de production du froid, auxquels s'ajoutaient des matériels de manutention et d'empaquetage, était, selon la déclaration de la requérante pour 2004, de 305 550 euros ; que les moyens techniques utilisés pour l'activité de la requérante dans son établissement de Romagnat doivent ainsi être regardés comme importants, quand bien même ils seraient moins importants que ceux mis en oeuvre par la société Entrepôts frigorifiques de Cabannes, et, le maintien de la chaîne du froid étant indispensable à l'exercice d'une activité de négoce de crèmes glacées et de produits surgelés, comme ayant un rôle prépondérant dans l'activité exercée, même s'ils ne représentent que 30 % du prix de revient des constructions hors terrains ; que, dès lors, sans que puisse y faire obstacle la nature commerciale de l'activité de la contribuable, c'est à bon droit que l'administration a estimé que les immobilisations dont a disposé l'intéressée devaient être évaluées selon la méthode définie à l'article 1499 du code général des impôts ;

Considérant que si la requérante soutient à l'appui de ses conclusions subsidiaires tendant à la réduction des impositions en litige que les outillages et matériels techniques intégrés dans une installation de stockage doivent être exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties et exclus du calcul de la valeur locative de son établissement, elle n'a fourni, malgré les demandes de l'administration fiscale, aucun élément relatif aux outillages et matériels qu'elle entendait voir exonérer, alors qu'elle avait admis, dans son mémoire enregistré le 26 février 2008 au greffe du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, que la détermination des éléments à prendre en compte pour le calcul de la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière n'avait pas à être rectifiée ; que, dès lors, il ne résulte pas de l'instruction que des outillages et matériels techniques intégrés dans ses installations aient été inclus dans ses bases d'imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties ; que ce moyen doit par suite être écarté ;

Considérant qu'en l'absence de tout rehaussement de ses bases d'imposition, la société requérante ne peut pas invoquer utilement les dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ; que les principes de sécurité juridique et de confiance légitime ne sauraient en tout état de cause être interprétés comme imposant à l'administration fiscale d'étendre à l'établissement de Romagnat des prises de positions formelles concernant d'autres établissements ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE BRAKE FRANCE SERVICES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses demandes ; que les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La demande de transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la SOCIETE BRAKE FRANCE SERVICES est rejetée.

Article 2 : La requête de la SOCIETE BRAKE FRANCE SERVICES est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE BRAKE FRANCE SERVICES et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.

Délibéré après l'audience du 21 septembre 2010 à laquelle siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

MM. Pourny et Segado, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 12 octobre 2010.

''

''

''

''

1

2

N° 09LY01212

fa


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY01212
Date de la décision : 12/10/2010
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. François POURNY
Rapporteur public ?: Mme JOURDAN
Avocat(s) : COLBERT et ASSOCIES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-10-12;09ly01212 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award