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12/10/2010 | FRANCE | N°09LY00859

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 12 octobre 2010, 09LY00859


Vu, I, la requête, enregistrée le 21 avril 2009 sous le n° 09LY00863, présentée pour l'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER LOCAL DE LA REGION GRENOBLOISE dont le siège est 3 rue Malakoff à Grenoble (38000) ;

L'Etablissement public demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 08-2547 du Tribunal administratif de Grenoble du 19 février 2009 en tant qu'il a, à la demande de la Société Foncière du Dauphiné, annulé les deux décisions du directeur du 23 mai 2008 exerçant le droit de préemption de l'établissement ;

2°) de rejeter les demandes de la Société Fo

ncière du Dauphiné devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de la S...

Vu, I, la requête, enregistrée le 21 avril 2009 sous le n° 09LY00863, présentée pour l'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER LOCAL DE LA REGION GRENOBLOISE dont le siège est 3 rue Malakoff à Grenoble (38000) ;

L'Etablissement public demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 08-2547 du Tribunal administratif de Grenoble du 19 février 2009 en tant qu'il a, à la demande de la Société Foncière du Dauphiné, annulé les deux décisions du directeur du 23 mai 2008 exerçant le droit de préemption de l'établissement ;

2°) de rejeter les demandes de la Société Foncière du Dauphiné devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de la Société Foncière du Dauphiné le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

L'Etablissement public soutient que la Société Foncière du Dauphiné n'avait pas intérêt à agir, la caducité du compromis de vente ayant été acquise antérieurement à la décision de préemption ; que la délibération du conseil d'administration du 15 mai 2008 constitue la décision de préemption que le directeur a ensuite eu pour mission d'exécuter ; que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que le directeur avait agi en vertu d'une délégation irrégulière ; que la préemption s'intègre dans un vaste projet d'aménagement répondant aux exigences de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ; que la décision est motivée ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 novembre 2009, présenté pour la Société Foncière du Dauphiné qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER d'une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société soutient qu'elle a intérêt à agir ; que le compromis qui la liait à la société Castorama n'était pas résilié ; qu'en toute hypothèse la caducité d'un compromis ne prive pas l'acquéreur évincé d'un intérêt pour agir contre une décision de préemption ; que la délibération du conseil d'administration du 15 mai 2008 ne constitue pas la décision de préemption ; que, si elle la constituait, elle serait entachée d'incompétence ; qu'en revanche, le directeur était incompétent, le conseil d'administration ne pouvant déléguer ses attributions qu'au bureau ; que les mesures prises par le directeur en exécution de la délibération du conseil d'administration sont elles-mêmes entachées d'incompétence ; que la décision de préemption est insuffisamment motivée ; que les motifs avancés sont contradictoires et ne répondent pas aux exigences de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 mai 2010, présenté pour la COMMUNE de GRENOBLE qui conclut à l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué et à la mise à la charge de la Société Foncière du Dauphiné d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La COMMUNE de GRENOBLE soutient que les statuts et le règlement intérieur de l'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER ont prévu la possibilité pour son directeur d'exercer le droit de préemption ; que cette possibilité est conforme aux dispositions du code de l'urbanisme ;

Vu l'ordonnance fixant la clôture de l'instruction au 20 mai 2010 ;

Vu, II, la requête, enregistrée le 20 avril 2009 sous le n° 09LY00859, présentée pour la COMMUNE de GRENOBLE ;

La COMMUNE de GRENOBLE demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement susmentionné du Tribunal administratif de Grenoble n° 08-2547 du 19 février 2009 ;

2°) de rejeter les demandes de la Société Foncière du Dauphiné devant le Tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de la Société Foncière du Dauphiné le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La COMMUNE de GRENOBLE soutient que les statuts et le règlement intérieur de l'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER ont prévu la possibilité pour son directeur d'exercer le droit de préemption ; que cette possibilité est conforme aux dispositions du code de l'urbanisme ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 novembre 2009, présenté pour la Société Foncière du Dauphiné qui conclut au rejet de la requête par les mêmes moyens que ceux développés à l'encontre de la requête susvisée n° 09LY00863 ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 mai 2010, présenté pour la COMMUNE de GRENOBLE qui confirme ses précédentes conclusions en se référant aux mémoires qu'elle a présentés devant le tribunal administratif et dont elle joint copie ;

Vu l'ordonnance fixant la clôture de l'instruction au 20 mai 2010 ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 mai 2010, présenté pour L'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER LOCAL DE LA REGION GRENOBLOISE ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 septembre 2010 :

- le rapport de M. Fontbonne, président-assesseur ;

- les observations de Me Poncin, avocat de la Ville de Grenoble, celles de Me Cadet, avocat de la Société Foncière du Dauphiné, celles de Me Le Ber, avocat de l'Etablissement Public Foncier Local de la Région Grenobloise ;

- les conclusions de M. Besson, rapporteur public ;

- la parole ayant été à nouveau donnée aux parties présentes ;

Considérant que les requêtes susvisées présentant à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Considérant que la société immobilière Castorama a déposé, le 31 mars 2008, deux déclarations d'intention d'aliéner portant sur deux parcelles contiguës, l'une cadastrée H1 10 pour 86 831 m² située sur le territoire de la COMMUNE de GRENOBLE, l'autre, cadastrée AB 83 pour 8 620 m² appartenant au territoire de la commune d'Echirolles ; que, par arrêtés des 6 et 13 mai 2008 les maires de Grenoble et d'Echirolles ont respectivement délégué l'exercice du droit de préemption institué par l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, à l'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER LOCAL DE LA REGION GRENOBLOISE (EPFLRG) pour l'acquisition de ces deux parcelles ; que, par délibération du 15 mai 2008, le conseil d'administration dudit établissement public a approuvé cette opération ; que, par deux décisions du 23 mai 2008, le directeur a exercé le droit de préemption sur chacune des deux parcelles susmentionnées ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a, à la demande de la Société Foncière du Dauphiné, acquéreuse évincée, prononcé l'annulation de ces deux décisions ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant que la promesse synallagmatique de vente conclue, le 7 juin 2005, et renouvelée, le 21 mars 2007, entre la société Castorama et la Société Foncière du Dauphiné prévoyait qu'en l'absence de réalisation de la vente au 30 avril 2007, le vendeur serait libéré de son engagement huit jours après la notification faite à l'acquéreur de son intention de se libérer ; qu'en outre, la convention contenait une clause stipulant la caducité de cette promesse de vente en cas d'exercice du droit de préemption ;

Considérant, d'une part que la circonstance que la promesse de vente comporte une clause fixant une date à partir de laquelle le vendeur a la faculté de se libérer de son engagement ne fait pas obstacle à ce que, d'un commun accord, les parties donnent suite à leur engagement réciproque au-delà du délai prévu ; que l'envoi, le 31 mars 2008, d'une déclaration d'intention d'aliéner établit que le vendeur n'entendait pas user de la faculté de se libérer, mais au contraire poursuivre la vente ; que, d'autre part, la présence dans la promesse de vente d'une clause de caducité en cas d'exercice du droit de préemption ne fait pas obstacle à ce qu'en cas d'annulation de la décision de préemption, et, si le propriétaire et l'acquéreur en sont d'accord, la vente se poursuive ; que, par suite, l'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER n'est pas fondé à soutenir que la Société Foncière du Dauphiné ne justifiait pas de la qualité d'acquéreuse évincée et n'avait pas intérêt à contester la légalité de la décision de préemption ;

Sur la légalité des décisions du directeur de l'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER du 23 mai 2008 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 324-1 du code de l'urbanisme : Ils (les établissements fonciers) peuvent exercer, par délégation de leurs titulaires, les droits de préemption définis par le présent code ; qu'aux termes de l'article L. 324-5 : Le conseil d'administration règle par ses délibérations les affaires de l'établissement. A cet effet, notamment : 1° Il détermine l'orientation de la politique à suivre et fixe le programme pluriannuel d'intervention et les tranches annuelles ; 2° Il vote l'état prévisionnel des recettes et des dépenses, autorise les emprunts, approuve les comptes et se prononce sur l'affectation du résultat ; 3° Il nomme le directeur sur proposition du président et met fin à ses fonctions dans les mêmes conditions ; il élit en son sein un président et un ou plusieurs vice-présidents. ; qu'aux termes de l'article L. 324-6 : Le Directeur est ordonnateur des dépenses et des recettes. Il représente l'établissement en justice et dans tous les actes de la vie civile. Il passe des contrats et signe tous les actes pris au nom de l'établissement. Il prépare et exécute les décisions de l'assemblée générale et du conseil d'administration. Il recrute le personnel et a autorité sur lui. Il peut déléguer sa signature ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 324-6 du code de l'urbanisme : Le conseil d'administration élit un bureau, auquel il peut déléguer tout ou partie de ses attributions, à l'exception de celles mentionnées aux 1°, 2°, 3° et 4° de l'article R. 324-5. Le président et les vice-présidents du conseil d'administration sont de droit membres du bureau. Le bureau est présidé et convoqué par le président du conseil d'administration, qui fixe l'ordre du jour des séances et dirige les débats. Il règle les affaires qui lui sont envoyées par le conseil d'administration et participe à la préparation et à la mise en oeuvre de l'ensemble des décisions du conseil d'administration. Il rend compte de son activité au conseil d'administration ; qu'aux termes de l'article R. 324-9 : Le président prépare et présente les orientations de l'établissement. Il présente le budget et le programme annuel d'intervention. Il est ordonnateur des dépenses et des recettes. Il représente l'établissement en justice, passe en son nom tous actes et contrats. Il convoque le conseil d'administration, fixe l'ordre du jour et dirige les débats ; qu'aux termes de l'article R. 324-10 : Le directeur de l'établissement public foncier dirige l'établissement dans le cadre des orientations fixées par le conseil d'administration. Il prépare le programme annuel d'intervention et le budget. Il recrute le personnel et a autorité sur lui. Il peut, en outre, être chargé d'autres attributions par délégation du président. ... ;

Considérant que la délibération du 15 mars 2008 du conseil d'administration de l'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER se borne à approuve(r) l'acquisition des parcelles mises en vente par la société Castorama et à autorise(r) le directeur à réaliser cette mutation selon les conditions définies ce jour ... et à procéder à la mise en oeuvre de la présente décision ; que les arrêtés du directeur du 23 mai 2008, ont pour objet l' exercice... du droit de préemption et disposent dans leur article 1 que le droit de préemption dont dispose l'EPFL-RG est exercé ; que, dans ces conditions ces arrêtés qui ont, d'ailleurs, été seuls notifiés au vendeur des parcelles en cause, constituent la décision de préemption ;

Considérant que le droit de préemption appartenant à la COMMUNE DE GRENOBLE une fois délégué à l'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER par arrêté du maire de Grenoble du 6 mai 2008, devait ensuite être exercé par cet établissement public suivant les règles propres à son fonctionnement ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées du code de l'urbanisme que l'exercice du droit de préemption délégué à l'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER appartient au seul conseil d'administration, que, contrairement à ce que soutient la COMMUNE de GRENOBLE, le titulaire d'une délégation de pouvoirs n'a la possibilité de subdéléguer la compétence qui lui a été conférée que si une disposition législative ou réglementaire l'y habilite expressément ; qu'il ne peut y procéder sans habilitation même en l'absence de texte contraire ; que, par suite, le conseil d'administration n'avait pas la possibilité de subdéléguer au directeur l'exercice du droit de préemption qui lui avait été délégué ; que, dans ces conditions, sa délibération du 2 février 2006 modifiant le règlement intérieur de l'établissement en autorisant le directeur à exercer le droit de préemption délégué par une collectivité publique est, dès lors, intervenue en méconnaissance des dispositions précitées du code de l'urbanisme ; que l'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER et la COMMUNE de GRENOBLE ne peuvent, par suite, utilement se prévaloir de ce règlement intérieur entaché d'illégalité ; qu'ils ne sont, en conséquence, pas fondés à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Grenoble a jugé que les décisions litigieuses ont été prises par une autorité incompétente et en a prononcé l'annulation ;

Sur les frais irrépétibles :

Considérant que les conclusions de la COMMUNE de GRENOBLE et de l'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER LOCAL DE LA REGION GRENOBLOISE tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées dès lors qu'ils sont parties perdantes ; qu'il y a lieu de mettre à leur charge sur le fondement de ces mêmes dispositions, le versement à la Société Foncière du Dauphiné d'une somme de 600 euros chacun ;

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes de la COMMUNE de GRENOBLE et de l'ETABLISSEMENT PUBLIC LOCAL FONCIER DE LA REGION GRENOBLOISE sont rejetées.

Article 2 : Sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la COMMUNE de GRENOBLE et l'ETABLISSEMENT PUBLIC LOCAL FONCIER DE LA REGION GRENOBLOISE verseront chacun à la Société Foncière du Dauphiné une somme de 600 euros.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE GRENOBLE, à l'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER LOCAL DE LA REGION GRENOBLOISE, et à la Société Foncière du Dauphiné.

Délibéré après l'audience du 21 septembre 2010 à laquelle siégeaient :

M. Bézard, président de chambre,

M. Fontbonne, président-assesseur,

M. Chenevey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 octobre 2010.

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N°s 09LY00859, ...

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY00859
Date de la décision : 12/10/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01-01 URBANISME ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE. PROCÉDURES D'INTERVENTION FONCIÈRE. PRÉEMPTION ET RÉSERVES FONCIÈRES. DROITS DE PRÉEMPTION. DROIT DE PRÉEMPTION URBAIN (LOI DU 18 JUILLET 1985). - URBANISME. DÉLÉGATION DU DROIT DE PRÉEMPTION APPARTENANT À LA COMMUNE À L'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER. EXERCICE DU DROIT DE PRÉEMPTION PAR L'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER SUIVANT LES RÈGLES PROPRES À SON FONCTIONNEMENT.

68-02-01-01-01 Le droit de préemption appartenant à la commune une fois délégué à l'Etablissement public foncier, est exercé par cet établissement public suivant les règles propres à son fonctionnement.,,,Il résulte des dispositions des articles L. 324-1 et suivant du code de l'urbanisme que l'exercice du droit de préemption délégué appartient au seul conseil d'administration. En l'absence de disposition législative ou réglementaire le prévoyant expressément, et même en l'absence de texte s'y opposant, le conseil d'administration, ne peut subdéléguer ce pouvoir au directeur.


Composition du Tribunal
Président : M. BEZARD
Rapporteur ?: M. Gérard FONTBONNE
Rapporteur public ?: M. BESSON
Avocat(s) : CAILLAT DAY DREYFUS MEDINA FIAT

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-10-12;09ly00859 ?
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