La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/10/2010 | FRANCE | N°09LY02850

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 07 octobre 2010, 09LY02850


Vu la requête, enregistrée le 11 juillet 2003 sous le N° 03LY1220, présentée pour M. et Mme Paul A, M. Alexandre A et M. Samuel A, domiciliés ... ;

Les consorts A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0000785 du 4 juin 2003, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à ce que le centre hospitalier de Chambéry soit condamné à les indemniser des conséquences dommageables des soins et traitements reçus par M. A à la suite de l'accident de plongée dont il a été victime le 19 juin 1996 ;

2°) de condamner le

centre hospitalier de Chambéry à verser à M. A une somme globale de 95 070,70 euros, a...

Vu la requête, enregistrée le 11 juillet 2003 sous le N° 03LY1220, présentée pour M. et Mme Paul A, M. Alexandre A et M. Samuel A, domiciliés ... ;

Les consorts A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0000785 du 4 juin 2003, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à ce que le centre hospitalier de Chambéry soit condamné à les indemniser des conséquences dommageables des soins et traitements reçus par M. A à la suite de l'accident de plongée dont il a été victime le 19 juin 1996 ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Chambéry à verser à M. A une somme globale de 95 070,70 euros, ainsi que 7 622,45 euros à Mme A et à chacun de leurs deux enfants, lesdites sommes étant assorties des intérêts à compter de la requête en référé instruction ou, à tout le moins, à compter du recours préalable ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Chambéry une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que le centre hospitalier de Chambéry était responsable du centre 15 , contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal administratif de Grenoble, en sa qualité d'autorité médicale unique ; que le SMUR a commis plusieurs fautes de nature à engager sa responsabilité ; que M. A n'a été transféré au centre hyperbare de l'hôpital Edouard-Herriot de Lyon que quatre heures après son accident ; que la responsabilité sans faute du centre hospitalier de Chambéry, qui n'était pas équipé pour répondre à l'accident dont M. A a été victime, est susceptible d'être invoquée ; qu'il n'a pas été informé des risques de l'absence de transfert immédiat vers le centre hyperbare de Lyon ; que le préjudice subi est en lien avec les fautes commises et qu'il doit être indemnisé entièrement ; que ce n'est qu'à titre subsidiaire qu'ils demandent à être indemnisés sur le fondement de la perte de chance ; qu'il ne peut plus pratiquer des activités de loisir et qu'il est fondé à demander la réparation des différents chefs de préjudice en lien avec ces fautes ; que cet accident a eu des conséquences sur le déroulement de sa carrière professionnelle ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 octobre 2003, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon, qui demande à la Cour :

1°) de condamner le centre hospitalier de Chambéry à lui verser une somme de 21 727,98 euros en remboursement des débours exposés en lien avec l'état de M. A, ainsi que de 760 euros au titre de l'indemnité prévue par l'article L. 376-1 alinéa 5 du code de la sécurité sociale ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Chambéry une somme de 1 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que lors de l'audience à laquelle cette affaire a été appelée devant le Tribunal administratif de Grenoble, le centre hospitalier de Chambéry a confirmé le rattachement du SMUR d'Aix-les-Bains au SAMU de Chambéry ; qu'à la lecture du rapport de l'expert, la responsabilité de ce dernier ne peut qu'être retenue ; que le montant des prestations servies à M. A s'élève à la somme de 21 727,98 euros ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2004, présenté pour le centre hospitalier de Chambéry qui conclut au rejet de la requête par les moyens que les consorts A invoquent uniquement la faute du SMUR d'Aix-les-Bains ; que le SAMU constitue une unité individualisée même si le SMUR et le SAMU sont coordonnés par le centre 15 et qu'ils ne sont placés sous une autorité médicale unique que s'ils sont situés dans le même hôpital ; que les fautes commises par un SMUR ne peuvent engager que la responsabilité du centre hospitalier auquel il est rattaché ; que le défaut d'organisation relevé par l'expert ne peut qu'être imputé au SMUR d'Aix-les-Bains ; que les requérants ne sauraient rechercher sa responsabilité sans faute, dont les conditions d'application ne sont pas réunies ; que le défaut d'intervention du centre hospitalier de Chambéry ne peut également être utilement invoqué ; que les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon sont irrecevables car tardives ; que l'état de ses débours ne distingue pas les frais en rapport avec la faute qu'aurait pu commettre le SMUR d'Aix-les-Bains de ceux engendrés par l'accident initial ;

Vu le mémoire, enregistré le 16 avril 2007, par lequel M. A verse au dossier des pièces complémentaires à l'appui de sa requête ;

Vu le mémoire en réponse, enregistré le 18 avril 2007, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens et par le moyen, en outre, que contrairement à ce que soutient le centre hospitalier de Chambéry, ses conclusions ne sont pas tardives et sont par suite recevables ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 avril 2007, présenté pour le centre hospitalier de Chambéry, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens et par les moyens, en outre, qu'à supposer même que le SMUR d'Aix-les-Bains dépende du centre hospitalier de Chambéry, la responsabilité de ce dernier ne saurait être engagée ; que le délai mis à transférer M. A vers un établissement disposant d'un caisson hyperbare ne lui a fait perdre aucune chance réelle et sérieuse d'éviter les préjudices qu'il a subis ;

Vu l'arrêt en date du 15 mai 2007 par lequel la Cour a rejeté la requête des consorts A et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon ;

Vu, enregistré le 14 décembre 2009 sous le N° 09LY02850, la décision en date du 9 décembre 2009 par laquelle le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Lyon du 15 mai 2007 et renvoyé l'affaire à la Cour ;

Vu le mémoire, enregistré le 16 février 2010, présenté pour les consorts A qui portent à 103 323,10 euros le montant des conclusions indemnitaires présentées pour M. A, à 5 000 euros la somme sollicitée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et demandent la capitalisation des intérêts ; pour le surplus ils concluent aux mêmes fins que précédemment par les moyens que la responsabilité du centre hospitalier de Chambéry est engagée en droit au regard de la réglementation présidant à l'organisation du SAMU, le SMUR étant placé sous la responsabilité de ce dernier lors de sa prise en charge ; qu'il apparait fautif d'avoir mis plus de quatre heures après l'accident pour le transférer au centre hyperbare de Lyon ; que l'expert a relevé qu'il y a eu faute dans l'organisation du service, le transfert n'ayant été décidé qu'à la suite de pressions extérieures et aucun protocole n'étant prévu ; que subsidiairement il y a eu des fautes médicales, les soins et diagnostics pratiqués par le personnel médical du centre hospitalier n'étant pas conformes aux données actuelles de la science et n'étant pas en rapport avec l'état de santé présenté par la victime, et le personnel ayant méconnu la gravité de son état lors de son arrivée au centre hospitalier d'Aix-les-Bains ; qu'infiniment subsidiairement, il y a responsabilité sans faute ou encore plus subsidiairement défaut d'information sur les risques de transfert au centre hospitalier d'Aix-les-Bains au lieu de Lyon ; que ses séquelles résultent bien de l'accident de décompression ; que la perte de chance n'étant pas retenue en présence d'une faute dans le fonctionnement et l'organisation des services hospitaliers, le préjudice doit être indemnisé dans son entier ; que les fautes commises par le SMUR d'Aix-les-Bains engagent la responsabilité du centre hospitalier de Chambéry au regard des dispositions de la convention qui les lient ; qu'il a été en incapacité temporaire totale pendant trois mois, conserve une incapacité permanente partielle de 12 % et a été contraint d'arrêter la plongée ainsi que toute activité sportive avec effort ; qu'il a souffert de douleurs physiques morales et d'un préjudice sexuel ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 avril 2010 par lequel la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon porte à 966 euros la somme demandée au titre de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 761-1 du code de justice administrative et pour le surplus conclut aux mêmes fins que précédemment ;

Vu, en date du 26 mai 2010, la mise en demeure adressée au centre hospitalier de Chambéry, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, de produire un mémoire dans un délai d'un mois ;

Vu le mémoire enregistré le 1er juillet 2010 par lequel le centre hospitalier de Chambéry conclut au rejet de la requête et des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie par les motifs que sa responsabilité n'est pas engagée dès lors que le fait d'avoir minimisé l'accident n'est pas fautif eu égard aux signes cliniques présentés lors de sa prise en charge et que rien ne permet d'affirmer qu'à l'époque de l'accident la règle était d'emmener automatiquement une victime d'accident de décompression dans un centre hyperbare ; que l'absence de protocole dans le cas des accidents de plongée n'est pas fautive ; que sa responsabilité sans faute n'est pas engagée les séquelles étant en lien avec son état initial et ne présentant pas un caractère d'extrême gravité ; que subsidiairement, M. A ne saurait, au mieux, qu'être indemnisé au titre de la perte de chance ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 septembre 2010 :

- le rapport de Mme Verley-Cheynel, président-assesseur ;

- les observations de Me Klinz, avocat des consorts A, de Me Demailly, avocat du centre hospitalier de Chambéry et de Me Michaud, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon ;

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;

La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes.

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 19 juin 1996, M. A a été victime d'un accident de plongée au lac du Bourget ; qu'à son arrivée à 16 h 55, le médecin du service mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) d'Aix-les-Bains a examiné la patient, lui a prodigué les premiers soins et a décidé de le transférer au centre hospitalier d'Aix-les-Bains où il est arrivé à 17 h 42 ; qu'il a été finalement décidé, après 19 h 10, de transférer le patient au centre hospitalier Edouard Herriot de Lyon, qui dispose d'un caisson hyperbare, où il est arrivé à 20 h 25 ; que M. A, qui conserve des séquelles de cet accident a recherché la responsabilité du centre hospitalier de Chambéry auquel il impute un retard dans sa prise en charge ;

Considérant que par sa décision du 9 décembre 2009 le Conseil d'Etat a jugé qu'il résultait des dispositions de la convention conclue le 8 novembre 1993 par les centres hospitaliers de Chambéry et d'Aix-les-Bains, à l'effet de créer un SMUR commun aux deux centres hospitaliers généraux, placé sous la responsabilité du chef de service du SAMU 73 et rattaché administrativement au centre hospitalier de Chambéry , que le SMUR constituait un service unique rattaché au centre hospitalier de Chambéry et placé sous la responsabilité du chef du service du SAMU, également rattaché à cet établissement et que, par suite, et alors même que le dommage est imputé à une faute de l'équipe basée au centre hospitalier d'Aix-les-Bains, le fonctionnement défectueux du SMUR est de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Chambéry ; que, dès lors, M. A et autres sont fondés à demander l'annulation du jugement en date du 4 juin 2003, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté comme mal dirigée leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Chambéry ;

Considérant qu'il résulte du rapport de l'expert désigné en référé devant le Tribunal administratif de Grenoble que les services du SMUR, qui étaient avertis dès l'origine de l'accident de décompression dont M. A venait d'être victime, ont minimisé l'état de santé du patient et, de ce fait, tardé à l'orienter vers un service disposant d'un caisson hyperbare ; qu'il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier de Chambéry, il était connu dès l'époque de l'accident que le placement en caisson hyperbare était la seule thérapeutique à même de permettre une amélioration, voire une guérison de la victime de ce type d'accident ; que, par suite, le centre hospitalier de Chambéry a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité ;

Considérant, toutefois, que dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu ; que la réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que compte tenu du délai de réalisation du transfert vers Lyon, celui-ci aurait dû normalement intervenir à partir de 18 h pour une arrivée possible à 19 h, au lieu de 20 h 25 ; que l'état du dossier ne permet pas à la Cour de se prononcer sur l'incidence précise de ce retard sur l'état de M. A et sur l'ampleur de la chance qu'il a éventuellement perdue d'échapper à ces séquelles du fait de son transfert avec une heure et vingt-cinq minutes de retard ; qu'il y a lieu, par suite, d'ordonner une expertise aux fins d'évaluer les conséquences pour le requérant de sa prise en charge tardive en caisson hyperbare et de chiffrer la perte de chance pour M. BERTRAND d'éviter que le dommage corporel dont il est atteint soit advenu du fait de ce retard ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0000785 du 4 juin 2003 du Tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : Il sera, avant de statuer sur la demande de M. A et autres, procédé à une expertise médicale aux fins de :

1. déterminer les conséquences sur l'état de M. A du retard d'une heure et vingt-cinq minutes de transfert dans un centre disposant d'un caisson hyperbare et, le cas échéant, évaluer le taux de perte de chance que ce retard a entraîné pour M. A d'échapper aux séquelles qu'il conserve.

2. déterminer, la date de consolidation de l'état de l'intéressé, la durée de l'incapacité temporaire totale, le taux de l'incapacité permanente partielle, de préciser l'importance des troubles dans les conditions d'existence et de déterminer l'importance des souffrances endurées, des préjudices esthétique et d'agrément.

3. faire toutes constatations utiles.

Article 3 : Pour l'accomplissement de sa mission, l'expert convoquera les parties, examinera M. A, se fera remettre l'ensemble de ses dossiers médicaux, le rapport de l'expertise en référé ainsi que tous les documents utiles à l'accomplissement de sa mission et pourra entendre tous sachants. Il communiquera un pré-rapport aux parties, en vue d'éventuelles observations, avant l'établissement de son rapport définitif.

Article 4 : L'expert sera désigné par le président de la Cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 et R. 621-14 du code de justice administrative.

Article 5 : Tous droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Paul A, à M. Alexandre A, à M. Samuel A, à la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon, au SDIS du Rhône et au centre hospitalier de Chambéry.

Délibéré après l'audience du 16 septembre 2010 à laquelle siégeaient :

Mme Verley-Cheynel, président de la formation de jugement,

M. Picard et M. Stillmunkes, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 7 octobre 2010.

''

''

''

''

1

6

N° 09LY02850


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY02850
Date de la décision : 07/10/2010
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : Mme VERLEY-CHEYNEL
Rapporteur ?: Mme Geneviève VERLEY-CHEYNEL
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : CHOULET-BOULOUYS-KLINZ AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-10-07;09ly02850 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award