Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 16 février 2010 présentée pour la SA ENYO, dont le siège social est 84 rue Duguesclin à Lyon (69006) ;
la SA ENYO demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 0904184 en date du 2 novembre 2009 par laquelle le Président de la 6ème chambre du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande en décharge des cotisations de taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006 et 2007 pour un montant total de 80 418 euros ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations en litige ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser les intérêts moratoires ;
4°) subsidiairement, de surseoir à statuer et de saisir à titre préjudiciel la Cour de justice des Communautés européennes afin qu'elle se prononce sur les questions de savoir si le droit communautaire, et notamment l'article 1er de la directive 73/388/CEE du 17 mai 1977 repris à l'article 1 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, s'oppose à une taxe telle que celle régie par l'article 231 du code général des impôts, et si les articles 43 et 49 du Traité CE, relatifs respectivement à la liberté d'établissement et à la libre prestation des services, s'opposent à une telle taxe ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que l'ordonnance dont s'agit est entachée d'irrégularités ; que les conditions d'application de l'article R. 222-1 du code de justice administrative n'étaient pas réunies ; que les questions dont était saisi le Tribunal administratif de Lyon n'avaient pas été tranchées par les trois décisions juridictionnelles auxquelles se réfère cette ordonnance ; que les moyens soulevés par la requérante étaient différents de ceux traités dans l'arrêt du Conseil d'Etat n° 295646 en date du 21 décembre 2007, et dans l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Lyon n° 99LY01797 du 9 juin 2005 ; que l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris n° 06PA03320 du 25 mars 2009 a fait l'objet d'un pourvoi en cassation en mai 2009 et n'était donc pas définitif à la date de l'ordonnance attaquée ; que cette ordonnance a donc été prise par une formation de jugement incompétente ; que, de plus, en violation de l'article L. 9 du code de justice administrative, elle n'était pas suffisamment motivée, compte tenu de l'argumentaire détaillé et de la démonstration minutieuse présentés par la société devant le premier juge ; qu'elle est fondée sur des arguments inopérants ; sur le fond, que la taxe sur les salaires ne présente aucune autonomie par rapport à la taxe sur la valeur ajoutée, ni quant au champ d'application, ni quant à l'assiette, lui étant indissociable et complémentaire ; qu'ainsi, en laissant subsister une taxe non prévue par la 6ème directive CEE, et non autonome par rapport à la taxe sur la valeur ajoutée, la France a violé l'article 1er de la 6ème directive et le système commun de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il y a lieu de se référer à ce propos à l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes C-391/85 du 4 févier 1988 ; que la taxe sur les salaires est incompatible avec les articles 43 (ex-article 52), 48 (ex-article 58) et 49 (ex-article 59) du Traité instituant la Communauté économique européenne ; qu'il ressort de ces trois textes que toute restriction à la libre prestation de services ou à la liberté d'établissement est susceptible d'être incompatible avec le droit communautaire ; qu'ainsi que l'a jugé la Cour de justice des communautés européennes dans ses arrêts n° 270/83, Commission des Communautés Européennes c/ République Française, du 28 janvier 1986, et C-279/93, Finanzamt Köln-Altstadt / Roland Schumacker, du 14 février 1995, les mesures fiscales nationales qui entravent l'exercice de ces libertés ne peuvent en effet être déclarées compatibles avec les exigences de l'ordre juridique communautaire que pour autant qu'elles soient justifiées par une considération relative à l'ordre public ou par une raison impérieuse d'intérêt général et qu'elles soient proportionnées ; que, selon les arrêts C-264/96 Imperial Chemical Industries PLC / Kenneth Hall Colmer du 16 juillet 1998 et C-294/97, Eurowings Luftverkehrs AG / Finanzamt Dortmund-UNNA du 26 octobre 1999, sauf à être justifiées et proportionnées, sont considérées comme restrictives non seulement les mesures qui dissuadent un ressortissant de s'établir ou proposer des services dans l'Etat membre qui est l'auteur de la mesure, mais aussi celles, émanant de l'Etat membre d'origine, qui dissuadent ce ressortissant ou cette entreprise de s'établir dans un autre Etat membre ou de proposer des services dont le destinataire se trouve dans un autre Etat membre ; que, par l'arrêt C-251/98, Baars, du 13 avril 2000, la Cour de justice des communautés européennes a jugé que l'article 43 du Traité CE s'oppose à ce qu'un Etat membre entrave l'établissement dans un autre Etat membre des ressortissants des Etats membres résidant sur son territoire et notamment que l'Etat d'origine entrave l'établissement dans un autre Etat membre de ses propres ressortissants ou d'une société constituée en conformité avec sa législation ; que cette Cour a jugé que le bénéfice de la libre prestation des services peut être invoqué à l'égard de l'Etat où le prestataire est établi dès lors que ses services sont fournis à des destinataires établis dans un autre Etat membre et d'une façon générale dans tous les cas où un prestataire de services offre des services sur le territoire d'un Etat membre autre que celui dans lequel il est établi ; que des mesures en elles-mêmes non discriminatoires ou indistinctement applicables peuvent s'avérer incompatibles avec le droit communautaire et plus particulièrement avec les libertés de prestation de services (articles 49 et suivants du Traité CE) et d'établissement (articles 43 et suivants du Traité CE) ; qu'on peut invoquer sur ce point les décisions rendues par la Cour de justice des communautés européennes référencées C-9/02 du 11 mars 2004, C-134/03 du 17 février 2005, C-433/04 du 9 novembre 2006, C-76/90 du 25 juillet 1991, C-279/00 du 7 février 2002, C-131/01 du 13 février 2003, C-244/04 du 19 janvier 2006, et C-255/04 du 15 juin 2006 ; qu'il y a encore lieu de rappeler la jurisprudence née de la décision C-294/97, Eurowings Luftverkehrs AG / Finanzamt Dortmund-UNNA du 26 octobre 1999, les arrêts de la Cour de justice des communautés européennes C-55/98 du 28 octobre 1999, C-42/02 du 13 novembre 2003, et, enfin, l'arrêt C-334/02 du 4 mars 2004, qui transpose aux impôts directs une jurisprudence ancienne, issue de la décision n° 262/82 et 26/83 du 31 janvier 1984, selon laquelle les stipulations actuellement transférées sous l'article 49 du Traité CE protègent tant le prestataire que le bénéficiaire des services ; que les sociétés qui entendent s'établir sur le territoire d'un Etat membre doivent pouvoir choisir la forme sous laquelle elles s'implantent ; qu'il y a lieu de se référer, pour des restrictions fiscales à l'entrée , aux arrêts de la Cour de justice des communautés européennes C-307/97 du 21 septembre 1999 et C-253/03 du 23 février 2006 ; que la liberté d'établissement s'oppose à des mesures par lesquelles l'Etat d'origine entrave l'établissement dans un autre Etat membre d'une société constituée en conformité avec sa législation, ainsi que l'a jugé la Cour de justice des communautés européennes par ses décisions C-264/96 du 16 juillet 1998, C-168/01 du 18 septembre 2003 et C-418/07 du 27 novembre 2008 ; que le fait qu'il soit plus intéressant pour une société française de s'établir dans un autre Etat membre plutôt que d'y proposer des services mis en oeuvre depuis la France doit être analysé comme une atteinte à la libre prestation des services garantie par l'article 49 du traité CE ; qu'il y a lieu de se référer sur ce point aux arrêts de la Cour de justice des communautés européennes C-18/93 du 17 mai 1994 et C-381/93 du 5 octobre 1994 ; qu'en l'espèce, l'institution de la taxe sur les salaires contraint les sociétés françaises à privilégier l'établissement de l'activité dans tous les autres Etats membres, où cette taxe n'existe pas, sur l'établissement en France ; qu'il y a là une violation de l'article 49 du Traité CE ; que, par ailleurs, la législation française doit s'analyser comme une restriction à la liberté d'établissement garantie par les articles 43 et 48 du Traité CE dès lors qu'elle contraint une société française qui a décidé de créer une structure secondaire dans un autre Etat membre à privilégier la mutation de ses salariés dans cette structure au détriment de leur détachement, puisque leurs salaires ne seront pas assujettis à la taxe sur les salaires dans le premier cas ; que le premier juge a estimé à tort qu'il n'y avait pas là violation des trois dispositions rappelées du Traité CE ; qu'il y a lieu, subsidiairement, pour la Cour de saisir la Cour de justice des communautés européennes des questions préjudicielles indiquées plus haut ;
Vu l'ordonnance attaquée ;
Vu, le mémoire en défense, enregistré le 26 mai 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, qui conclut au rejet de la requête ;
Il fait valoir que le grief relatif à l'irrégularité de l'ordonnance attaquée n'est pas fondé ; que le Tribunal administratif de Lyon n'a pas fondé sa compétence sur le seul 6° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, mais également sur son 7° ; que l'ordonnance a répondu à la question de la compatibilité de la taxe sur les salaires avec l'article 1er de la 6ème directive CEE, ainsi qu'au moyen tiré du non-respect de la liberté d'établissement et de la libre prestation de services à l'intérieur de la Communauté Européenne ; que l'ordonnance dont il s'agit est suffisamment motivée ; que le Conseil d'Etat a jugé que la taxe sur les salaires était compatible avec l'article 33 de la 6ème directive CEE et avec le système commun de taxe sur la valeur ajoutée ; que la taxe sur les salaires, compte tenu de ses caractéristiques, constitue un prélèvement à part entière, proportionnel à la masse salariale, qui suit ses propres règles d'assiette et de liquidation, et qui intervient dans un champ où il ne se cumule pas avec la taxe sur la valeur ajoutée ; que la taxe sur les salaires n'est pas indissociable de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'elle n'a ni une nature, ni une portée équivalentes ; qu'elle n'en présente pas les caractéristiques essentielles ; qu'elle constitue une contribution autonome qui ne porte pas atteinte au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ; que le moyen tiré de la violation de l'article 1er de la 6ème directive CEE n'est donc pas fondé ; que la taxe sur les salaires n'est pas incompatible avec les principes de liberté d'établissement et de libre disposition des services ; que la taxe sur les salaires ne pourrait être regardée comme une entrave au principe de la libre prestation des services que dans la mesure où les prestations de services réalisées entre des opérateurs français et des opérateurs établis dans d'autres Etats membres de la Communauté Européenne seraient soumises à des conditions plus rigoureuses que celles auxquelles sont soumises des prestations de services analogues réalisées entre opérateurs français ; que la démonstration d'une disparité de traitement entre destinataires de services en fonction de l'établissement des prestataires n'est pas apportée ; que les dispositions des articles 231 et suivants du code général des impôts n'empêchent pas, en tant que telles, une entreprise française ou une entreprise de la Communauté Européenne de créer un établissement dans un autre Etat membre ; que la liberté de choix de la forme juridique de l'établissement secondaire que l'entreprise souhaite créer ne peut dépendre uniquement de l'obligation de devoir payer ou non la taxe sur les salaires ; que, de la même façon, il ne peut être utilement fait valoir qu'une société ayant son siège en France serait contrainte de privilégier la mutation de ses salariés au détriment de leur détachement lorsqu'elle s'établit dans un autre Etat, sans mettre en parallèle les prélèvements fiscaux que cette société serait amenée à supporter dans l'Etat d'installation, du fait de ces mutations ; qu'il n'est donc pas établi que le dispositif de la taxe sur les salaires constitue une entrave à l'établissement d'une société française dans un autre Etat membre, ni une restriction à l'établissement en France de ressortissants d'autres Etats membres ; qu'en tout état de cause la taxe sur les salaires ne comporte aucun effet discriminatoire ou protecteur et ne vise pas de manière discriminatoire les agents économiques des autres Etats membres en vue de les décourager de venir s'établir en France ; que les griefs de violation des articles 43 et 49 du Traité CE ne sauraient don être retenus ; que ces moyens ont d'ailleurs été déjà écartés par le juge de l'impôt par l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris n° 06PA03320 du 25 mars 2009 et par l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Lyon n° 99LY01797 du 9 juin 2005 ; que la Cour n'est pas tenue de saisir la Cour de justice des communautés européennes d'une question préjudicielle, la 6ème directive CEE constituant un acte clair, dont l'application a été précisée par les décisions de la Cour de justice des communautés européennes et du Conseil d'Etat ; qu'il en va de même de l'application des articles 43 et 49 du Traité CE ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 28 juin 2010, présenté pour la SA ENYO, tendant aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens, en soulignant que l'administration retient une définition trop restrictive de la notion d'entrave et qu'elle inverse la charge de la preuve en cette matière ; qu'il appartient à l'administration, pour justifier une entrave, de démontrer l'existence d'une raison impérieuse d'intérêt général, l'aptitude du dispositif incriminé à répondre à cette dernière et une stricte proportionnalité ;
Vu le mémoire, enregistré le 20 juillet 2010, présenté pour la SA ENYO, informant la Cour de ce que le Conseil d'Etat a, par arrêt n° 338581 du 24 juin 2010, transmis au Conseil Constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité à la Constitution des dispositions de l'article 231 du code général des impôts, au motif que le moyen tiré de ce qu'elles portent atteinte au principe d'égalité des contribuables devant les charges publiques soulève une question présentant un caractère sérieux ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité instituant la Communauté européenne ;
Vu la sixième directive n° 77/388 du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 modifiée, relative à l'harmonisation des législations des Etats membres en matière de taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme ;
Vu la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 septembre 2010 :
- le rapport de M. Bernault, président ;
- les observations de Me Rodolphe Mossé, avocat de la SA ENYO ;
- et les conclusions de M. Monnier, rapporteur public ;
- la parole ayant à nouveau été donnée à Me Rodolphe Mossé, avocat de la SA ENYO ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : (...) 6° Statuer sur les requêtes relevant d'une série, qui, sans appeler de nouvelle appréciation ou qualification de faits, présentent à juger en droit, pour la juridiction saisie, des questions identiques à celles qu'elle a déjà tranchées ensemble par une même décision passée en force de chose jugée ou à celles tranchées ensemble par une même décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux ou examinées ensemble par un même avis rendu par le Conseil d'Etat en application de l'article L. 113-1. 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. (...) ; que ces dispositions permettent au juge de statuer par ordonnance sur les requêtes relevant d'une série, dès lors que ces contestations ne présentent à juger que des questions de droit déjà tranchées par la même juridiction, par une décision passée en force de chose jugée, ou par le Conseil d'Etat, et qu'il se borne à constater matériellement des faits, susceptibles de varier d'une affaire à l'autre, sans avoir toutefois à les apprécier ou à les qualifier ; qu'elles permettent également le rejet par ordonnance des requêtes ne comportant que des moyens inopérants ;
Considérant qu'aucune décision du Tribunal administratif de Lyon ou du Conseil d'Etat n'avait, antérieurement à l'ordonnance attaquée, tranché explicitement et ensemble la question de savoir si la taxe sur les salaires est ou non une taxe autonome par rapport à la taxe sur la valeur ajoutée et si elle constitue une taxe venant en remplacement de la taxe sur la valeur ajoutée, la question de sa contrariété avec le principe de neutralité qui fonde le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée d'amont, et la question de sa conformité avec les stipulations des articles 43 et 49 du traité instituant la Communauté européenne en tant que constituant une restriction non discriminatoire à la libre prestation des services ; que le Tribunal administratif de Lyon était ainsi amené à se prononcer pour la première fois sur l'ensemble de ces questions ; que la circonstance qu'elles aient été tranchées par d'autres juridictions administratives est sans incidence ; que les moyens touchant ces questions, et notamment ceux tirés de la non-conformité de la taxe en cause avec les stipulations des articles 43 et 49 du traité instituant la Communauté européenne, ne sont pas inopérants ; que c'est donc à tort que le président de la sixième chambre du Tribunal administratif de Lyon a cru pouvoir faire application des dispositions du 6° et du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ; que, dès lors, la SA ENYO est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens tirés de l'irrégularité de cette ordonnance ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SA ENYO devant le Tribunal administratif de Lyon ;
Sur la compatibilité de l'article 231 du code général des impôts avec la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977, relative à l'harmonisation des législations des Etats membres en matière de taxe sur le chiffre d'affaires : les Etats membres adaptent leur régime actuel de taxe sur la valeur ajoutée aux dispositions des articles suivants. Ils prennent les dispositions législatives, réglementaires et administratives pour que leur régime ainsi adapté soit mis en vigueur dans les meilleurs délais et au plus tard le 1er janvier 1978. ; qu'aux termes de l'article 1er de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée : 1 La présente directive établit le système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). 2 Le principe du système commun de TVA est d'appliquer aux biens et aux services un impôt général sur la consommation exactement proportionnel au prix des biens et des services, quel que soit le nombre des opérations intervenues dans le processus de production et de distribution antérieur au stade d'imposition. A chaque opération, la TVA, calculée sur le prix du bien ou du service au taux applicable à ce bien ou à ce service, est exigible déduction faite du montant de la taxe qui a grevé directement le coût des divers éléments constitutifs du prix. Le système commun de TVA est appliqué jusqu'au stade du commerce de détail inclus. ; qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 33 de la même directive, dont les dispositions sont reprises à l'article 401 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 : Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, notamment de celles prévues par les dispositions communautaires en vigueur relatives au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise, les dispositions de la présente directive ne font pas obstacle au maintien ou à l'introduction par un Etat membre de taxes sur les contrats d'assurance, sur les jeux et paris, d'accises, de droits d'enregistrement, et, plus généralement, de tous impôts, droits et taxes n'ayant pas le caractère de taxes sur le chiffre d'affaires, à condition, toutefois, que ces impôts, droits et taxes ne donnent pas lieu dans les échanges entre Etats membres à des formalités liées au passage d'une frontière. ;
Considérant que l'objet de ces stipulations est d'éviter que soient instaurés ou maintenus des impôts, droits et taxes qui, du fait qu'ils grèvent la circulation des biens et des services d'une façon comparable à la taxe sur la valeur ajoutée, compromettent le fonctionnement du système commun de cette dernière ; que doivent être considérés comme tels les impôts, droits et taxes qui présentent les caractéristiques essentielles de cette taxe ; qu'elles ne font en revanche pas obstacle au maintien ou à l'introduction d'autres types d'impôts, droits et taxes, et en particulier de taxes assises sur les salaires versés par les entreprises, dès lors que ces impôts, droits ou taxes ne présentent pas les caractéristiques essentielles de la taxe sur la valeur ajoutée ;
Considérant que la taxe sur la valeur ajoutée s'applique de manière générale aux transactions ayant pour objet des biens ou des services, qu'elle est proportionnelle au prix de ces biens et de ces services, qu'elle est perçue à chaque stade du processus de production et de distribution et, enfin, qu'elle s'applique à la valeur ajoutée des biens et des services, la taxe due lors d'une transaction étant calculée après déduction de celle qui a été payée lors de la transaction précédente ;
Considérant, en deuxième lieu, que la taxe sur les salaires, dont la société requérante soutient que le maintien est prohibé par la sixième directive CEE, est régie par les dispositions du 1 de l'article 231 du code général des impôts, aux termes desquelles, dans leur rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : Les sommes payées à titre de rémunérations sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4,25 % de leur montant (...), à la charge des personnes ou organismes, à l'exception des collectivités locales et de leurs groupements, des services départementaux de lutte contre l'incendie, des centres d'action sociale dotés d'une personnalité propre lorsqu'ils sont subventionnés par les collectivités locales, du centre de formation des personnels communaux et des caisses des écoles, qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en totalité ou sur 90 % au moins de son montant, ainsi que le chiffre d'affaires total mentionné au dénominateur du rapport s'entendent du total des recettes et autres produits, y compris ceux correspondant à des opérations qui n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée mentionné au numérateur du rapport s'entend du total des recettes et autres produits qui n'ont pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (...) ; que les articles 141 à 144 de l'annexe II au code général des impôts précisent les règles d'application des taux majorés prévus à l'article 231 du même code ; que les articles 50 et 51 de l'annexe III au code général des impôts sont pris pour l'application des règles relatives au champ d'application et à la base de la taxe sur les salaires, et les articles 369 et 374 de la même annexe précisent les règles de recouvrement de cette taxe ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte de ces dispositions que les cotisations de taxe sur les salaires, qui sont assises sur les rémunérations ou une partie des rémunérations versées par ses redevables, ne sont pas établies d'une manière générale sur la base des transactions réalisées par ceux-ci et portant sur des biens ou des services, ni calculées proportionnellement au prix acquitté par le client, ni perçues à chaque stade du processus de production et de distribution, après déduction des droits acquittés lors de la transaction précédente ; que, dans ces conditions, la taxe sur les salaires ne présente pas les caractéristiques essentielles de la taxe sur la valeur ajoutée qui ont été mentionnées plus haut ;
Considérant, d'autre part, que la circonstance que la taxe sur les salaires ne frappe que les entreprises exonérées de taxe sur la valeur ajoutée ou non soumises à cette taxe sur au moins 90 % de leur chiffre d'affaires n'a pas pour effet de lui conférer le caractère d'une taxe sur le chiffre d'affaires prohibée par l'article 33 de la sixième directive ; qu'eu égard aux différences entre les caractéristiques de ces deux impôts, les circonstances que le champ d'application de la taxe sur les salaires est défini négativement par rapport à celui de la taxe sur la valeur ajoutée, et que son assiette est, en raison de ses modalités de calcul, corrélée au montant ou à la proportion des recettes n'ouvrant pas droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée d'amont ne confèrent pas à la taxe sur les salaires le caractère d'une taxe non autonome par rapport à la taxe sur la valeur ajoutée ; que ces circonstances ne créent pas une situation d'incompatibilité avec les exigences des stipulations précitées de l'article 1er de la 6ème directive CEE et de l'article 1er de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ; que, s'agissant d'une taxe qui ne revêt pas les caractères d'une taxe sur le chiffre d'affaires, la société requérante ne saurait soutenir que la perception de la taxe sur les salaires accroît les rémanences de taxe sur la valeur ajoutée pesant sur les entreprises et qu'elle est contraire au le principe de neutralité qui fonde le mode de fonctionnement du droit à déduction ; que le fait que les entreprises susceptibles d'opter pour l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée prennent en compte la taxe sur les salaires pour évaluer l'intérêt de l'option est sans incidence ; que l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes n° C-391/85 du 4 février 1988 cité à ce titre par la société requérante ne conduit pas à donner des directives européennes alléguées une interprétation différente ; qu'ainsi la SA ENYO n'est pas fondée à soutenir que la taxe sur les salaires aurait été instituée et maintenue en violation des stipulations de l'article 1er de la sixième directive CEE et de l'article 1er de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;
Sur la conformité de l'article 231 du code général des impôts et de l'ensemble des dispositions de ce code afférentes à la taxe sur les salaires aux règles communautaires relatives à la concurrence :
Considérant que, contrairement à ce que soutient la société requérante, aucune règle communautaire relative à la concurrence ne fait obstacle à l'institution d'une taxe présentant la nature et les règles d'assiette de la taxe sur les salaires critiquée ; que les filiales françaises des sociétés ayant leur siège dans un autre Etat membre sont soumises à la taxe sur les salaires dans les mêmes conditions que les sociétés françaises ; que les dispositions de l'article 231 du code général des impôts et des textes subséquents relatifs à la taxe sur les salaires n'introduisent par elles-mêmes aucune discrimination entre les entreprises en fonction de leur nationalité, ni en fonction de l'objet ou de la destination de leurs activités, ou encore du lieu où sont délivrées les prestations ; que ces mêmes dispositions n'ont pas non plus pour objet de favoriser la création par les entreprises françaises d'établissements dans d'autres Etats membres, ni de faire obstacle, dans un certain nombre d'hypothèses, à l'implantation par les entreprises étrangères de filiales en France, ou de rendre plus difficile une telle implantation ; que si la société fait valoir que ces dispositions auraient pour effet d'inciter les entreprises à créer des établissements secondaires dans les Etats membres où elles entendent développer leurs activités et d'inciter les sociétés d'un autre Etat membre à créer en France des succursales non dotées de personnalité juridique propre plutôt que d'y ouvrir un établissement secondaire sous la forme d'une filiale, de telles conséquences ne seraient pas de nature à caractériser une restriction, interdite par les articles 43 et 49 du traité instituant la Communauté européenne, soit à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre, soit à la libre prestation des services à l'intérieur de la Communauté ; que la circonstance qu'en raison de la réglementation relative à la taxe sur les salaires, les entreprises seraient incitées à privilégier la mutation des salariés dans les filiales européennes plutôt que leur détachement dans ces entités n'est pas non plus par elle-même de nature à constituer une entrave au libre établissement ; que les arrêts de la Cour de justice des communautés européennes cités par la société dans sa requête n'amènent pas, s'agissant de la taxe sur les salaires, à une interprétation différente des stipulations pertinentes du Traité CE ; qu'il en va de même de l'arrêt n° C-96/08 du 15 avril 2010 de ladite Cour qui a seulement dit pour droit que les articles 43 CE et 48 CE s'opposaient à une réglementation d'un État membre en vertu de laquelle une entreprise dont le siège social est situé dans cet État est obligée de payer une contribution telle que la contribution à la formation professionnelle dont le montant est calculé sur la base de ses coûts salariaux, y compris ceux relatifs à une succursale de cette entreprise établie dans un autre État membre si, dans la pratique, une telle entreprise est empêchée, à l'égard d'une telle succursale, de bénéficier des possibilités prévues par cette réglementation de réduire ladite contribution ou d'avoir accès à celles-ci ; qu'en effet la législation présentement en cause n'emporte pas les conséquences discriminatoires qu'entraîne la réglementation visée par l'arrêt allégué ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice des Communautés européennes à titre préjudiciel, que la SA ENYO n'est pas fondée à demander la décharge de la taxe sur les salaires en litige ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 0904184 en date du 2 novembre 2009 du Président de la 6ème chambre du Tribunal administratif de Lyon est annulée.
Article 2 : La demande présentée par la SA ENYO devant le Tribunal administratif de Lyon et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SA ENYO et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.
Délibéré après l'audience du 16 septembre 2010 à laquelle siégeaient :
M. Bernault, président de chambre,
M. Montsec, président-assesseur,
Mme Besson-Ledey, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 septembre 2010.
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N° 10LY00517