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30/09/2010 | FRANCE | N°09LY00303

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 30 septembre 2010, 09LY00303


Vu la requête, enregistrée le 16 février 2009 au greffe de la Cour, présentée pour la société par actions simplifiées (SAS) ABB FRANCE, anciennement dénommée ABB Entrelec, venue aux droits et obligations de la société Entrelec Industries, dont le siège social est 9 avenue Edouard Belin, à Rueil-Malmaison (92500) ;

La société SAS ABB FRANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0603241, en date du 16 décembre 2008, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de la retenue à la source à laquelle elle a

été assujettie au titre de la période du 1er avril 1999 au 31 mars 2002, et des péna...

Vu la requête, enregistrée le 16 février 2009 au greffe de la Cour, présentée pour la société par actions simplifiées (SAS) ABB FRANCE, anciennement dénommée ABB Entrelec, venue aux droits et obligations de la société Entrelec Industries, dont le siège social est 9 avenue Edouard Belin, à Rueil-Malmaison (92500) ;

La société SAS ABB FRANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0603241, en date du 16 décembre 2008, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de la retenue à la source à laquelle elle a été assujettie au titre de la période du 1er avril 1999 au 31 mars 2002, et des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer le remboursement de la retenue à la source contestée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre des frais exposés par elle en appel et non compris dans les dépens ;

Elle soutient que c'est à tort, en ce qui concerne la société Entrelec Industries, que le Tribunal administratif de Lyon a estimé que l'analyse fonctionnelle des marges produites par l'administration fiscale permettait de considérer que la société Entrelec Industries assumait des tâches qui dépassaient largement celles d'une société de fabrication classique ; que c'est à tort que les premiers juges ont réputé identiques les fonctions et les tâches des sociétés Entrelec Services et Dicoesa ; que la société Dicoesa employait 42 personnes en fin d'exercice 2001/2002 et assumait notamment des fonctions de gestion des achats et des approvisionnements, de gestion de production et des flux logistiques, d'exportation, d'informatique et de commerce électronique ; que les fonctions et risques assumés par la société Dicoesa étaient notablement plus importants que ceux de la société Entrelec Services ; que la société Dicoesa gérait des actifs d'exploitation importants, tels que des stocks et des créances clients d'un montant non négligeable, et supportait les risques liés à ces actifs, notamment des risques de change et de non recouvrement de créances dans une partie de la zone d'exportation ; que son activité n'était pas limitée à une simple administration des ventes ; que la répartition de la marge globale entre les entités du groupe formé par les sociétés Entrelec Industries, Entrelec Services et Dicoesa qu'a opérée le service des impôts repose sur les seuls résultats d'une analyse fonctionnelle qui est insuffisante faute de reposer sur des comparaisons valables ; que l'absence de pertinence des résultats auxquels ont abouti les travaux de l'administration est manifestée par les importants écarts de répartition de marge constatés avant et après le passage du dossier devant la commission départementale des impôts ; que le type d'analyse validée par le Tribunal repose sur une méthode qui, selon les recommandations de l'OCDE, ne doit être utilisée qu'en dernier recours ou dans des situations très particulières ; que l'administration a effectué une analyse fonctionnelle sur la base de considérations erronées, sans justifier le recours à une méthode alternative, et sans études de termes comparables ; qu'à partir d'une sélection d'entreprises indépendantes du même secteur de fabrication et de chiffres d'affaires comparables, on peut voir que le rapport dégagé par la société Entrelec Industries entre l'excédent brut d'exploitation et le chiffre d'affaires, ou entre le résultat d'exploitation et le chiffre d'affaires n'est pas anormal, et se situe même au-delà de la médiane, compte tenu en plus du fait qu'elle n'est que locataire du fonds de commerce et qu'elle paie à ce titre une redevance de location-gérance de 5 % du chiffre d'affaires ; qu'il ressort des extraits de comptes de résultats de la société Dicoesa qu'elle dégage une marge nette globale pondérée de 32,00 % bien inférieure à celle de 72,46 % impliquée par le redressement ; que le résultat déficitaire de la société Entrelec Industries au 31 mars 2002 a des causes, liées à des sureffectifs et à une sous-activité, ainsi qu'à des frais d'intégration de la société au sein du groupe ABB, indépendantes de tout prix de transfert ; que la société requérante a sollicité l'ouverture de la procédure amiable prévue par l'article 27 de la convention fiscale bilatérale signée entre la France et la Suisse le 9 septembre 1956 ; que, dans un courrier du 12 mai 2006, l'administration fédérale helvétique a attesté que la marge réelle de la société Dicoesa était différente de celle qui a été retenue par l'administration fiscale française dans le cadre du rehaussement contesté et a émis des doutes sur la méthode de prix de transfert utilisée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, le mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir que la société Entrelec Industries supporte seule les frais de recherche et de développement qu'elle expose et ne les refacture pas aux autres sociétés de groupe ; qu'elle supporte intégralement les frais d'approvisionnement et de fabrication ; que son service marketing décide des prix de vente aux filiales, sans aucune intervention des sociétés intermédiaires de distribution Dicoesa et Entrelec Services ; qu'elle conçoit et réalise les brochures relatives aux produits, garantit les produits, gère les stocks ; que la société Entrelec Services a un rôle de commercialisation et supporte des frais d'administration des ventes et des risques liés au défaut de paiement des produits, risques qui sont à relativiser, d'une part, parce que la majeure partie des échanges se fait avec les sociétés du groupe, et, d'autre part, parce que la société Entrelec Services a souscrit une assurance client couvrant en grande partie les échanges commerciaux avec les sociétés tierces ; que la société Dicoesa ne supporte pas les charges normales d'une société pure de commercialisation, puisqu'elle se cantonne dans son rôle de simple intermédiaire pour une grande partie de son chiffre d'affaires ; qu'ainsi, l'organisation du circuit de commercialisation entre les sociétés Entrelec Industries, Entrelec services, Dicoesa et les filiales a conduit à la limitation de la rémunération d'Entrelec Industries à celle d'un simple fabricant ; que la société Entrelec Services, puis la société Dicoesa ont récupéré la " marge tampon " définie par le solde restant entre la marge totale et les marges laissées à Entrelec Industries et aux filiales, ce qui correspond à un taux de marge des deux tiers, sans qu'aucune justification en termes de responsabilité et de risque ne puisse être présentée ; que le pouvoir de décision et la quasi-intégralité des risques et des charges sont attribués à la société Entrelec Industries et cette dernière doit donc être rémunérée en conséquence ; qu'au regard des principes de pleine concurrence définis par l'OCDE, la société Entrelec Industries a commis un acte anormal de gestion en attribuant une part très importante de la marge nette à une société qui ne supporte pas les risques lui permettant d'y prétendre ; que les ventes consenties à un prix manifestement minoré à une société soeur constituent un transfert de bénéfices ; que les charges, notamment de sureffectif, invoquées par la société requérante pour justifier la faiblesse des marges qu'elle a réalisées auraient pu et dû être répercutées sur les filiales de commercialisation ; que l'administration est en conséquence fondée à réintégrer aux résultats de la société Entrelec Industries la quote-part de la marge nette qui lui revient, au vu de l'analyse fonctionnelle à laquelle il a été procédé ; que, selon l'article 9 de la convention fiscale franco-suisse, lorsqu'une entreprise d'un Etat contractant participe directement ou indirectement à la direction, au contrôle ou au capital d'une entreprise de l'autre Etat contractant, ou que les mêmes personnes participent directement ou indirectement à la direction, ou au contrôle ou au capital d'une entreprise d'un Etat contractant et d'une entreprise de l'autre Etat contractant, et que, dans et l'un et l'autre cas, les deux entreprises sont, dans leurs relations commerciales ou financières, liées par des conditions acceptées ou imposées, qui diffèrent de celles qui seraient conclues entre des entreprises indépendantes, les bénéfices qui, sans ces conditions, auraient été obtenus par l'une des entreprises mais n'ont pu l'être en fait à cause de ces conditions, peuvent être inclus dans les bénéfices de cette entreprise et imposés en conséquence ; qu'en vertu de l'article 57 du code général des impôts, pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités ; qu'il est procédé de même à l'égard des entreprises qui sont sous la dépendance d'une entreprise ou d'un groupe possédant également le contrôle d'entreprises situées hors de France ; que le vérificateur a, à partir de l'examen des comptes d'exploitation de la société Entrelec Services, déterminé une marge brute sur les achats réalisés par cette société auprès de la société Entrelec Industries de 51, 92 % et une marge nette de 72, 46 % de la marge brute ; qu'il a ainsi abouti à la fixation d'un pourcentage de marge normal dans le groupe assigné à la société Dicoesa de 10 % au titre des affaires réalisées au cours des exercices clos en 2000 et 2001 par la société Entrelec Industries et de 20 % pour la période correspondant à l'exercice clos par cette même société Entrelec Industries en 2002 ; qu'à la suite de l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, les pourcentages de 80 et 90 %, symétriquement obtenus pour la société Entrelec Industries, déterminés comme il vient d'être dit, ont été ramenés à 66, 66 % ; que l'administration a ensuite reconstitué, en retenant le coefficient de marge brut de la société Entrelec Services, et à partir du recensement des ventes, produit par produit, faites à la société Dicoesa par la société Entrelec Industries, et en appliquant au final une réfaction de 27,54 % pour tenir compte des coûts indirects liés à l'administration des ventes, les résultats nets d'exploitation qu'aurait dû normalement réaliser la société Dicoesa en conséquence du courant d'affaires existant entre elle et la société Entrelec Industries ; que l'analyse fonctionnelle opérée par le service des impôts est valide ; que les tableaux présentés par la société ne permettent pas de remettre en cause l'analyse des fonctions des sociétés du groupe faite par l'administration ; que les études comparatives proposées par la société ne retiennent pas des critères pertinents ; qu'au surplus les résultats de la comparaison opérée par l'entreprise requérante confirment la position de l'administration ; que les informations fournies en dernier lieu par le groupe ABB sont partielles et peu fiables ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 28 décembre 2009, présenté pour la SAS ABB FRANCE, qui tend aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire en défense complémentaire, enregistré le 18 février 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, qui conclut comme précédemment au rejet de la requête, par les mêmes moyens ;

Vu la lettre en date du 2 juillet 2010 adressée aux parties par la Cour en vue de la communication d'un moyen d'ordre public, et la réponse, enregistrée le 8 juillet 2010, faite par la SAS ABB FRANCE ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention franco-suisse du 9 septembre 1966 en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 septembre 2010 :

- le rapport de M. Bernault, président ;

- et les conclusions de M. Monnier, rapporteur public ;

Considérant que la société Entrelec Industries, aux droit et obligations de laquelle vient la SAS ABB Entrelec, nouvellement dénommée SAS ABB FRANCE, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté, en matière d'impôt sur les sociétés, sur les exercices clos le 31 mars des années 2000, 2001 et 2002 ; que ce contrôle a abouti à la remise en cause de la répartition de la marge commerciale comptabilisée par la société Entrelec Industries sur les affaires faites avec la société française Entrelec Services et avec la société suisse Dicoesa, les trois sociétés appartenant à la holding suisse Entrelec Group, devenue société ABB, qui détient la totalité du capital de la société ABB France et de celui de la société Dicoesa ; que la société Entrelec Industries a vu sa marge nette rehaussée au détriment de celles comptabilisées par ses deux sociétés-soeurs Entrelec Services et Dicoesa ; que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, dans son avis du 29 avril 2004, a modifié la clé de répartition faite par l'administration de la marge nette globale réalisée entre la société Entrelec Industries et ses deux sociétés-soeurs ; que, s'agissant des affaires faites avec la société Dicoesa, le montant correspondant au rehaussement de marge a été considéré par l'administration fiscale comme des revenus distribués au profit de cette dernière entreprise, entraînant une retenue à la source de 2 149 758 euros, pénalités comprises, au titre de la période du 1er avril 1999 au 31 mars 2002, mise en recouvrement le 7 mars 2005 ; que la SAS ABB ENTRELEC, après avoir formé une réclamation préalable, le 29 septembre 2005, auprès du directeur des services fiscaux compétent, qui l'a rejetée par décision du 7 avril 2006, a saisi du litige le Tribunal administratif de Lyon ; que la SAS ABB FRANCE fait appel du jugement du 16 décembre 2008 par lequel ce Tribunal a rejeté sa demande en décharge de la retenue à la source à laquelle elle a ainsi été assujettie ;

Sur le bien-fondé de la retenue à la source :

Considérant qu'aux termes de l'article 9 de la convention fiscale franco-suisse susvisée dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque a) une entreprise d'un Etat contractant participe directement ou indirectement à la direction, au contrôle ou au capital d'une entreprise de l'autre Etat contractant, ou que b) les mêmes personnes participent directement ou indirectement à la direction, ou au contrôle ou au capital d'une entreprise d'un Etat contractant et d'une entreprise de l'autre Etat contractant, et que, dans l'un et l'autre cas, les deux entreprises sont, dans leurs relations commerciales ou financières, liées par des conditions acceptées ou imposées, qui diffèrent de celles qui seraient conclues entre des entreprises indépendantes, les bénéfices qui, sans ces conditions, auraient été obtenus par l'une des entreprises mais n'ont pu l'être en fait à cause de ces conditions, peuvent être inclus dans les bénéfices de cette entreprise et imposés en conséquence " ; que ces stipulations permettent à l'administration fiscale française de faire application de l'article 57 du code général des impôts, rendu applicable en matière d'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code, et aux termes duquel : " Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. Il est procédé de même à l'égard des entreprises qui sont sous la dépendance d'une entreprise ou d'un groupe possédant également le contrôle d'entreprises situées hors de France. (...)" ; que ces dispositions instituent, dès lors que l'administration établit l'existence d'un lien de dépendance et d'une pratique entrant dans leurs prévisions, une présomption de transfert indirect de bénéfices, qui ne peut utilement être combattue par l'entreprise imposable en France qu'à charge, pour celle-ci, d'apporter la preuve que les avantages qu'elle a consentis ont été justifiés par l'obtention de contreparties favorables à sa propre exploitation ; qu'aux termes de l'article 119 bis du même code, dans sa rédaction alors applicable : " (...) 2. Sous réserve des dispositions de l'article 239 bis B, les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187-1. lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France. Un décret fixe les modalités et conditions d'application de cette disposition. (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article 11 de la convention franco-suisse du 9 septembre 1966 susvisée : " (...) 2. a) Les dividendes visés au paragraphe 1 sont aussi imposables dans l'Etat contractant d'où ils proviennent, et selon la législation de cet Etat, mais si le bénéficiaire effectif des dividendes est un résident de l'autre Etat contractant, l'impôt ainsi établi ne peut excéder 15 % du montant brut des dividendes " ;

Considérant qu'à la suite du contrôle, il a paru au vérificateur que la société Entrelec Industries assumait la majeure partie des fonctions, y compris commerciales, et des risques du groupe de sociétés formé entre cette entreprise et ses deux filiales de commercialisation, les sociétés Entrelec Services et Dicosea, et que cette dernière entreprise n'assurait pour sa part que des fonctions restreintes d'administration des ventes ; qu'à partir d'une analyse des fonctions accomplies par les trois sociétés Entrelec Industries, Entrelec Services et Dicoesa, et selon la méthode dite de répartition des marges, le vérificateur a, pour les exercices clos en 2000, 2001 et 2002, déterminé la marge nette globale qu'aurait dû, selon lui, dégager la société Entrelec Industries en conséquence des courants d'affaires existant entre elle et les sociétés Entrelec Services et Dicoesa ; que cette marge normale a été fixée à 80 % de la marge totale générée par le courant d'affaires existant avec la société Entrelec Industries ; que la marge normale a été fixée à 90 % (au titre des exercices clos en 2000 et 2001) et 80 % (au titre de l'exercice clos en 2002) de la marge totale générée par le courant d'affaire existant avec la société Dicoesa ; que, pour déterminer, en ce qui concerne plus spécialement les rapports commerciaux entre les sociétés Entrelec Industries et Dicoesa, ces marges estimées normales, le vérificateur, se fondant sur le fait que les conditions d'exploitation des deux sociétés Entrelec Services et Dicoesa étaient sensiblement les mêmes, s'est livré à l'examen de la marge dégagée par la première de ces entreprises ; qu'il a entendu tenir compte de ce que la société Entrelec Industries, entreprise de fabrication de commutateurs et d'éléments de connexion, était dotée, outre des ateliers de production et le recours à la sous-traitance, d'un bureau d'études composé d'une quarantaine de personnes, qui accomplissait un travail de conception et d'industrialisation des produits nouveaux, de maintenance et de gestion industrielle, et qu'elle était également chargée de l'étude de l'évolution des normes mondiales, du dépôt des demandes d'agrément aux organismes de certification et de la réalisation de prototypes, assumant des tâches qui semblaient au service dépasser largement celles d'une société de fabrication classique, alors que la rémunération qu'elle percevait dans ses relations commerciales avec les deux autres sociétés se limitait à celle d'un simple fabricant ; que le vérificateur a, à partir de l'examen des comptes d'exploitation de la société Entrelec Services, déterminé une marge brute sur les achats réalisés par cette société auprès de la société Entrelec Industries de 51, 92 % et une marge nette de 72, 46 % de la marge brute ; qu'il a ainsi abouti à la fixation d'un pourcentage de marge normal dans le groupe assigné à la société Dicoesa de 10 % au titre des affaires réalisées au cours des exercices clos en 2000 et 2001 par la société Entrelec Industries et de 20 % pour la période correspondant à l'exercice clos par cette même société Entrelec Industries en 2002 ; qu'à la suite de l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, les pourcentages de 80 et 90 %, symétriquement obtenus pour la société Entrelec Industries, déterminés comme il vient d'être dit, ont été ramenés à 66, 66 % ; que l'administration a ensuite reconstitué, en retenant le coefficient de marge brut de la société Entrelec Services, et à partir du recensement des ventes, produit par produit, faites à la société Dicoesa par la société Entrelec Industries, et en appliquant au final une réfaction de 27,54 % pour tenir compte des coûts indirects liés à l'administration des ventes, les résultats nets d'exploitation qu'aurait dû normalement réaliser la société Dicoesa en conséquence du courant d'affaires existant entre elle et la société Entrelec Industries ; que les écarts entre ces résultats et ceux résultant des données comptabilisées par la société Entrelec Industries et relatives aux ventes faites à la société Dicoesa et aux coûts correspondants ont été regardés comme des éléments de chiffres d'affaires et de bénéfices auxquels la société Entrelec Industries avait anormalement renoncé et ont donné lieu à la retenue à la source, assise au taux de 15 % autorisé par les stipulations précitées de l'article 11 de la convention franco-helvétique, sur le supplément de marge ainsi dégagé avec la société Dicoesa ;

Considérant que, pour pertinents en apparence que soient les principes qui fondent les considérations qui ont présidé aux calculs opérés par le vérificateur, ces calculs, basés sur la méthode des coûts fonctionnels, qui ne sont pas tirés directement de la comptabilité de l'entreprise, laquelle n'a pas été remise en cause, et ne sont pas validés par un examen des prix pratiqués par elle au regard des conditions de marché, ni, d'ailleurs, comme le fait observer la société requérante, par une confrontation des marges assignées aux trois entreprises ABB FRANCE, Entrelec Services et Dicoesa avec les chiffres d'affaires réels dégagées par elles, ne sauraient être regardés comme démontrant l'anormalité des rapports commerciaux existant entre les trois sociétés visées ; que les calculs auxquels s'est livré le service des impôts ne tiennent pas compte, en particulier, de la circonstance que la société Entrelec Industries devait acquitter des redevances de location-gérance due à la société Entrelec SA, ni des charges, notamment de sureffectif, survenues au cours de l'exercice clos en 2002, exercice pour lequel la réintégration de marge nette est la plus élevée ; que l'affirmation du ministre selon laquelle ces charges auraient pu et dû être répercutées sur les filiales de commercialisation n'est assortie d'aucun commencement de justification ; que les comparaisons faites avec les marges obtenues par des entreprises de nature, de taille et d'activités comparables, telles qu'elles ressortent des tableaux présentés par la société requérante, qui, contrairement à ce que soutient le ministre, a précisé les critères de sélection des termes de comparaison choisis par elle, ne font pas ressortir que les marges effectivement dégagées par l'entreprise seraient d'un niveau anormalement bas ; qu'enfin, il ne résulte pas de l'instruction que la société Dicoesa, qui gérait des actifs d'exploitation importants, tels que des stocks et des créances clients d'un montant non négligeable, et qui supportait les risques liés à ces actifs, et notamment des risques de change et de non recouvrement de créances dans une partie de la zone d'exportation, ait vu, comme le prétend l'administration, son activité limitée à une simple administration des ventes ; qu'ainsi l'administration ne démontre pas être en présence, de la part de la SAS ABB FRANCE, d'un acte anormal de gestion générant un transfert de bénéfices à l'étranger entrant dans les prévisions des dispositions précitées des articles 57, 111 et 119 bis du code général des impôts ; que la SAS ABB FRANCE est donc fondée à soutenir qu'il n'est pas établi qu'elle ait procédé, en fixant des prix de transfert dans ses relations commerciales avec la société Dicoesa, à une distribution de dividendes, au sens de la convention franco-helvétique précitée, au profit de cette dernière ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SAS ABB FRANCE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande, en tant qu'elle doit être interprétée comme tendant à la décharge de la retenue à la source contestée ;

Sur les conclusions de la requête en tant qu'elles tendent au remboursement de la retenue à la source litigieuse :

Considérant qu'aux termes de l'article L 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal (...), les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt légal (...) " ;

Considérant qu'il n'existe, sur la question du remboursement de la retenue à la source, aucun litige né et actuel entre la SAS ABB FRANCE et le comptable responsable du remboursement ; que, dés lors, les conclusions de la requête, en tant qu'elles tendent au remboursement de la retenue, sont prématurées, et, partant, irrecevables ;

Sur les conclusions de la SAS ABB FRANCE tendant à ce qu'il soit fait application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, au profit de la SAS ABB FRANCE, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0603241 du 16 décembre 2008 du Tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La SAS ABB FRANCE est déchargée de la retenue à la source mise en recouvrement sous avis de mise en recouvrement n° 05025000 du 28 février 2005.

Article 3 : L'Etat paiera à la SAS ABB FRANCE la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS ABB FRANCE et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.

Délibéré après l'audience du 16 septembre 2010 à laquelle siégeaient :

M. Bernault, président de chambre,

M. Montsec, président-assesseur,

Mme Besson-Ledey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 septembre 2010.

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N° 09LY00303


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY00303
Date de la décision : 30/09/2010
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. BERNAULT
Rapporteur ?: M. François BERNAULT
Rapporteur public ?: M. MONNIER
Avocat(s) : BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-09-30;09ly00303 ?
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