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28/09/2010 | FRANCE | N°09LY00531

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 28 septembre 2010, 09LY00531


Vu la requête, enregistrée le 9 mars 2009, présentée pour Mlle Joëlle A, demeurant ... ;

Mlle A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600336-0604616 du 23 décembre 2008 du Tribunal administratif de Grenoble en tant que par ce jugement, le tribunal a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté en date du 29 novembre 2005 et de l'arrêté en date du 16 mars 2006 par lesquels le maire de Faverges a prononcé son exclusion temporaire du service et, d'autre part, à l'indemnisation du préjudice matériel et moral résultant de ce dernier

arrêté ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdits arrêtés ;

3°) de cond...

Vu la requête, enregistrée le 9 mars 2009, présentée pour Mlle Joëlle A, demeurant ... ;

Mlle A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600336-0604616 du 23 décembre 2008 du Tribunal administratif de Grenoble en tant que par ce jugement, le tribunal a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté en date du 29 novembre 2005 et de l'arrêté en date du 16 mars 2006 par lesquels le maire de Faverges a prononcé son exclusion temporaire du service et, d'autre part, à l'indemnisation du préjudice matériel et moral résultant de ce dernier arrêté ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdits arrêtés ;

3°) de condamner la commune de Faverges à lui verser une indemnité de 1189,27 euros par mois d'exclusion accomplis en réparation de sa perte financière et celle de 6 000 euros en réparation de ses préjudices moral et physique, outre intérêts à compter du dépôt de sa requête et capitalisation des intérêts ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Faverges une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que l'arrêté du 29 novembre 2005 a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que les pièces de son dossier n'étaient pas numérotées, que ses observations écrites n'ont pas été prises en compte, qu'elle n'a pas eu la possibilité de présenter des observations orales, que sa convocation à l'entretien du 12 octobre 2005 n'a pas été précédée d'une information sur ses droits ; que les faits reprochés de retard, non-respect des consignes, non respect du devoir de réserve, refus d'obtempérer ne sont pas établis ; que le seul fait retenu par le tribunal ne présentait pas un caractère fautif ; qu'elle a déjà fait l'objet d'une sanction pour ce fait ; qu'à supposer ce fait fautif, la sanction est manifestement disproportionnée ; que l'arrêté du 16 mars 2006 a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'elle n'a pas été informée de son droit à communication du dossier ; que les faits reprochés de non-respect des horaires, des consignes et du devoir de réserve, de refus d'obtempérer et d'enregistrements clandestins de conversations privées ne sont pas établis ; que ces mêmes faits ont déjà donné lieu à une sanction en date du 16 janvier 2006 ; qu'en supposant une faute établie, la sanction est manifestement disproportionnée ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2009, présenté pour la commune de Faverges, représentée par son maire en exercice, qui conclut au rejet de la requête et demande la condamnation de la requérante à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que la requête, insuffisamment motivée, est irrecevable ; que l'absence de numérotation des pièces du dossier individuel de l'agent n'est pas de nature à entacher d'illégalité l'arrêté du 28 novembre 2005 ; qu'aucune disposition légale ne fait obligation au maire, avant l'édiction d'une sanction du premier groupe, d'entendre l'intéressé ; que les faits de non-respect des horaires, des consignes, du secret professionnel et de refus d'obéir sont établis ; que la gravité de ces faits justifie l'exclusion prononcée par l'arrêté du 28 novembre 2005 ; que l'absence d'information de la requérante sur son droit à communication du dossier avant la sanction du 16 mars 2006 est sans influence sur la légalité de la décision dès lors que l'intéressée a effectivement consulté son dossier ; que l'ensemble des faits reprochés est établi et présente une gravité justifiant la sanction prononcée ; qu'en tout état de cause, la requérante ne justifie pas de ses préjudices ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 août 2009, présenté pour Mlle A qui persiste dans ses conclusions et moyens ; elle soutient en outre que les sanctions attaquées méconnaissent les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 août 2010, présenté pour la commune de Faverges qui persiste dans ses conclusions et moyens ; elle soutient que la requérante ne peut utilement invoquer la méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 septembre 2010 :

- le rapport de M. Givord ;

- les observations de Me Huard, représentant Mlle A, de Me Guillon, représentant la commune de Faverges ;

- et les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

La parole ayant été, de nouveau, donnée aux parties présentes ;

Considérant que par la présente requête, Mlle A, gardien de police municipale, demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 23 décembre 2008 en tant que par ce jugement, le tribunal a, d'une part, rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 29 novembre 2005 par lequel le maire de Faverges lui a infligé la sanction de trois jours d'exclusion temporaire de fonction, d'autre part, rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 mars 2006 par lequel le maire l'a sanctionnée de six mois d'exclusion du service et à l'indemnisation des préjudices résultant de cette décision ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête :

Sur la légalité de l'arrêté du 29 novembre 2005 :

Sur les moyens de légalité externe :

Considérant qu'aux termes de l'article 19 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 : Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination. / Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. (...) et qu'aux termes de l'alinéa premier de l'article 18 de la même loi : Le dossier du fonctionnaire doit comporter toutes les pièces intéressant la situation administrative de l'intéressé, enregistrées, numérotées et classées sans discontinuité. ; que la circonstance que les pièces du dossier communiqué à Mlle A n'étaient pas numérotées et classées sans discontinuité ne constitue pas par elle-même un vice de procédure de nature à entraîner l'annulation de la mesure disciplinaire attaquée ; que si la requérante allègue que le dossier dont elle a reçu communication était incomplet en raison de l'absence d'une lettre par laquelle son supérieur hiérarchique informait le maire qu'il avait effacé un fichier informatique, il ne ressort pas des pièces du dossier que la sanction intervenue à son encontre ait été prise au vu de pièces autres que celles figurant au dossier dont elle a pris connaissance ;

Considérant que la seule circonstance que l'arrêté mentionne que les observations de la requérante ont été produites au-delà du délai qui avait été fixé, n'établit pas que le maire aurait refusé de prendre connaissance des observations de celle-ci ;

Considérant qu'aucune disposition légale ou principe général n'impose qu'un agent soit mis à même de présenter des observations orales avant l'édiction d'une sanction du premier groupe ; que la circonstance que l'agent avait été convoqué à un entretien, le 12 octobre 2005, avec le maire, sans information préalable de ses droits dans le cadre d'une procédure disciplinaire, est sans influence sur la légalité de la sanction ;

Considérant que l'arrêté attaqué retire un arrêté du même jour entaché d'une erreur matérielle sur la désignation des jours d'exclusion temporaire du service ; qu'ainsi, d'une part, il n'a pas retiré une décision créatrice de droit et, dès lors, n'avait pas à faire sur ce point l'objet d'une procédure contradictoire préalable à sa modification ; que d'autre part, le maire n'a pas méconnu le principe non bis in idem en prenant la décision attaquée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle A n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté en litige aurait été édicté à l'issue d'une procédure irrégulière ;

Sur les moyens de légalité interne :

Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle A a pris, à l'automne 2005, à plusieurs reprises, son service en retard ; qu'elle a, le 28 septembre, perçu avec retard les droits de place du marché et ainsi désorganisé le fonctionnement du service ; que, d'autre part, elle a, en méconnaissance des ordres donnés, refusé de procéder à la destruction d'un fichier de données personnelles relatives aux étrangers résidant sur le territoire communal ; que les explications données par la requérante ne sont pas de nature à ôter à ces manquements à ses obligations professionnelles leur caractère fautif ;

Considérant que si le manquement au devoir de réserve et le non-respect des consignes de sécurité relatives à la fermeture des portes du bureau de police reprochés ne sont pas établis, il résulte de l'instruction que le maire aurait pris la même décision au vu des seules fautes avérées ; qu'eu égard à la gravité de ces fautes, la sanction d'exclusion temporaire des fonctions pour trois jours n'est pas manifestement disproportionnée ;

Considérant que la circonstance que Mlle A a fait l'objet de poursuites pénales pour avoir volontairement enregistré, à plusieurs reprises, dans le bureau de police, les conversations de ses collègues au cours de la première quinzaine du mois de janvier 2006 est sans influence sur la légalité de la sanction disciplinaire ; que par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de l'arrêté du 16 mars 2006 :

Sur la légalité externe :

Considérant qu'aux termes de l'article 4 du décret susvisé du 18 septembre 1989 : L'autorité investie du pouvoir disciplinaire informe par écrit l'intéressé de la procédure disciplinaire engagée contre lui, lui précise les faits qui lui sont reprochés et lui indique qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel au siège de l'autorité territoriale et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs conseils de son choix. / L'intéressé doit disposer d'un délai suffisant pour prendre connaissance de ce dossier et organiser sa défense. Les pièces du dossier et les documents annexés doivent être numérotés. ; que si la lettre du 16 janvier 2006 informant Mlle A de l'ouverture à son encontre d'une procédure disciplinaire a omis de mentionner le droit de celle-ci à la communication de son dossier, il résulte de l'instruction que, d'une part, l'intéressée a consulté son dossier le 23 janvier 2006 et, d'autre part, que par une lettre du 25 janvier 2006, le maire a rappelé à l'agent les droits qu'il tenait des dispositions précitées de l'article 4 et, notamment, son droit à communication de son dossier ; que dès lors Mlle A n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ;

Sur la légalité interne :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment d'une lettre qu'elle a adressée le 16 novembre 2005 au service étranger de la préfecture de la Haute-Savoie et d'une note manuscrite qu'elle a portée sur un dossier de demande de titre de séjour, que Mlle A a persisté à contester auprès du préfet de la Haute-Savoie le bien-fondé de la destruction d'un fichier informatique de données personnelles des étrangers résidant sur le territoire de la commune, ordonnée par le maire ; qu'elle a donné à des usagers des renseignements erronés sur les heures d'ouverture du bureau de police et a tardé à instruire des demandes d'autorisation de stationnement de véhicules de vente ; qu'il résulte d'une décision définitive du juge pénal, dont la constatation des faits s'impose au juge administratif, qu'elle a volontairement enregistré, à plusieurs reprises, dans le bureau de police, les conversations de ses collègues au cours de la première quinzaine du mois de janvier 2006 ; que ces faits constituent des manquements aux obligations de l'agent justifiant une sanction disciplinaire ; que si les faits de méconnaissance du devoir de réserve et d'absence de ponctualité ne sont pas établis par l'instruction, il ressort des pièces du dossier que l'autorité administrative aurait pris la même sanction au vu des seuls faits établis ;

Considérant que si Mlle A soutient que les faits sanctionnés par l'arrêté en litige avaient déjà fait l'objet d'une sanction en date du 16 janvier 2006 et de la sanction d'exclusion de trois jours du 29 novembre 2005, il résulte des pièces du dossier que la réalité de la sanction du 16 janvier 2006 n'est pas établie et que la sanction édictée le 16 mars 2006 est motivée par de nouvelles fautes commises par l'agent ; que dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté méconnaîtrait le principe non bis in idem ;

Considérant qu'eu égard à la gravité des faits reprochés et au fait que la manière de servir de l'intéressée avait déjà donné lieu à une sanction disciplinaire, la sanction infligée de six mois d'exclusion temporaire de fonctions n'est pas manifestement disproportionnée aux fautes commises ;

Considérant que la circonstance que Mlle A a fait l'objet de poursuites pénales pour avoir volontairement enregistré, à plusieurs reprises, dans le bureau de police, les conversations de ses collègues au cours de la première quinzaine du mois de janvier 2006 est sans influence sur la légalité de la sanction disciplinaire ; que par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur les conclusions indemnitaires :

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'en sanctionnant Mlle A de six mois d'exclusion temporaire de fonctions, le maire n'a pas commis de faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Faverges ; que dès lors, les conclusions de la requérante tendant à la condamnation de celle-ci à l'indemniser des préjudices résultant de l'arrêté du 16 mars 2006 doivent être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal Administratif de Grenoble a rejeté ses demandes susvisées ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la requérante la somme que la commune demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que les dispositions du même article font par ailleurs obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par la requérante soient mises à la charge de la commune, qui n'est pas la partie perdante ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mlle A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Faverges tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Joëlle A et à la commune de Faverges.

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2010, à laquelle siégeaient :

M. Givord, président assesseur,

M. Reynoird, et Mme Dèche, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 28 septembre 2010.

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N° 09LY00531


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY00531
Date de la décision : 28/09/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GIVORD
Rapporteur ?: M. Pierre Yves GIVORD
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : BALESTAS et DETROYAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-09-28;09ly00531 ?
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