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23/09/2010 | FRANCE | N°07LY02872

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 5, 23 septembre 2010, 07LY02872


Vu, enregistrés les 19 décembre 2007 et 26 février 2008 la requête sommaire et le mémoire complémentaire présentés pour le CENTRE HOSPITALIER DE MONTLUCON dont le siège est 18 avenue du 8 mai 1945 à Montluçon (03113) ;

Il demande à la Cour :

1°) l'annulation du jugement n° 060026 du 2 octobre 2007 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand qui l'a condamné à verser à Mmes Maryse et Charlène A, en leur qualité d'ayants droit de M. A, leur mari et père, décédé des suites d'interventions subies au CENTRE HOSPITALIER DE MONTLUCON, la somme de 20 000 euros au

titre des préjudices subis par le défunt et, à titre personnel, les sommes respec...

Vu, enregistrés les 19 décembre 2007 et 26 février 2008 la requête sommaire et le mémoire complémentaire présentés pour le CENTRE HOSPITALIER DE MONTLUCON dont le siège est 18 avenue du 8 mai 1945 à Montluçon (03113) ;

Il demande à la Cour :

1°) l'annulation du jugement n° 060026 du 2 octobre 2007 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand qui l'a condamné à verser à Mmes Maryse et Charlène A, en leur qualité d'ayants droit de M. A, leur mari et père, décédé des suites d'interventions subies au CENTRE HOSPITALIER DE MONTLUCON, la somme de 20 000 euros au titre des préjudices subis par le défunt et, à titre personnel, les sommes respectives de 265 717,16 euros et 10 000 euros ainsi qu'à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier la somme de 7 424,70 euros ;

2°) le rejet des conclusions des consorts A et des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier ;

Il soutient que :

- aucune faute médicale ne peut être retenue à sa charge ;

- le retard de diagnostic s'explique par la difficulté de porter un tel diagnostic, les premiers signaux d'alerte survenus le 16 septembre 2004 n'ayant pas été sous estimés d'autant qu'ils n'étaient évocateurs que d'un état infectieux et non d'une péritonite et que l'éventuel défaut de coordination entre le chirurgien et l'anesthésiste est resté sans incidence sur le traitement à appliquer ;

- en outre M. A souffrait d'une leucopénie - insuffisance de globules blancs - alors qu'une péritonite entraîne en principe le symptôme inverse ;

- subsidiairement le Tribunal a mis à tort à sa charge la totalité du préjudice alors que M. A a subi une perte de chance de survivre qui ne peut être évaluée qu'à 20 % du préjudice total ;

- l'évaluation du préjudice de Mmes Maryse et Charlène A est excessive ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 16 juin 2008, le mémoire présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier, dont le siège est 9 et 11 rue Achille Roche à Moulins (03010), représentée par son directeur, qui conclut au rejet de la requête, à ce que le montant de l'indemnité forfaitaire allouée en première instance soit porté à 941 euros et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge du centre hospitalier ;

Elle expose que la responsabilité du centre hospitalier est engagée et qu'elle a versé une somme de 7 427,70 euros ;

Vu, enregistré le 30 juin 2008, le mémoire présenté pour l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (O.N.I.A.M.) dont le siège est Tour Gallieni II - 36 avenue Charles de Gaulle à Bagnolet (93 170), représenté par son directeur qui conclut à ce que le jugement attaqué, en ce qu'il le met hors de cause, soit confirmé ;

Il fait valoir qu'aucune conclusion n'a été présentée contre lui et que toute prétention formulée contre lui en appel serait nouvelle et donc irrecevable et qu'aucune réparation au titre de la solidarité nationale n'est engagée dés lors qu'une faute est imputable au centre hospitalier ;

Vu, enregistré le 30 juin 2008, le mémoire présenté pour Mmes Maryse et Charlène A domiciliées ... qui concluent au rejet de la requête et à la réformation du jugement attaqué, demandant le versement d'une somme de 150 333 euros au titre des pertes de revenus du défunt ainsi qu'une somme de 150 347 euros à Mme Maryse A, avec les intérêts légaux à compter du 20 septembre 2005 et leur capitalisation à partir du 24 avril 2007 et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du CENTRE HOSPITALIER DE MONTLUCON au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elles soutiennent que :

- la responsabilité du centre hospitalier est engagée ;

- une faute liée à un retard de diagnostic lui est imputable et cette faute est directement à l'origine du décès de l'intéressé ;

- il présentait un ensemble de symptômes qui auraient dû alerter l'hôpital ;

- il n'était exposé à aucun risque de décès et si l'opération avait eu lieu plus tôt il ne serait pas mort, sa perte de chance étant de 100 % ;

- il n'est pas démontré que leur préjudice aurait été évalué de manière excessive ;

- Mme A a subi des troubles dans les conditions d'existence et subi un préjudice correspondant à la perte de sa pension de réversion ;

- M. A a perdu des revenus propres ;

Vu, enregistré le 15 février 2010, le mémoire complémentaire présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier, qui persiste dans ses précédents moyens et conclusions, demandant en outre que l'indemnité forfaitaire allouée en première instance soit portée à 966 euros et que la capitalisation des intérêts soit ordonnée ;

Vu, enregistré le 26 mai 2010, le mémoire complémentaire présenté pour le CENTRE HOSPITALIER DE MONTLUCON qui, par les mêmes moyens, conclut aux mêmes fins que précédemment, soutenant en outre que :

- le retard de diagnostic a fait perdre une chance de survie à M. A qui doit être évaluée à 20 % au plus ;

- le préjudice lié à une perte de la pension de réversion n'est qu'éventuel ;

- la perte de revenus de Mme A est de 19 629,04 euros ;

Vu, enregistré le 4 août 2010, le mémoire présenté pour Mmes Maryse et Charlène A qui, par les mêmes moyens, concluent aux mêmes fins que précédemment, exposant en outre que :

- les conclusions du CENTRE HOSPITALIER DE MONTLUCON relatives à la détermination des condamnations prononcées à son encontre sont nouvelles en appel et donc irrecevables ;

- le document sur lequel se fonde le CENTRE HOSPITALIER DE MONTLUCON pour estimer le préjudice économique n'est pas probant ;

- il n'y a pas simplement une perte de chance qui si elle devait être retenue devrait être fixée à un niveau élevé ;

Vu, enregistré le 22 août 2010, le mémoire complémentaire présenté pour l'O.N.I.A.M. qui, persiste dans ses précédents moyens et conclusions, faisant par ailleurs valoir que :

- les fautes commises par le centre hospitalier ont fait perdre à M. A une chance d'éviter le décès s'élevant à 95 % ;

- si la fistule avait fait l'objet d'une prise en charge exempte de faute, il n'aurait pas conservé de séquelles atteignant le seuil de gravité requis par l'article L. 1142-1-II du code de la santé publique ;

Vu, enregistré le 27 août 2010, le mémoire complémentaire présenté pour le CENTRE HOSPITALIER DE MONTLUCON, qui persiste dans ses précédents moyens et conclusions, soutenant également qu'aucune fin de non recevoir n'est valablement opposable et que la demande de Mmes Maryse et Charlène A relative aux troubles dans les conditions d'existence est irrecevable voire excessive ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu les codes de la santé publique et de la sécurité sociale ;

Vu la loi du 4 mars 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 septembre 2010 :

- le rapport de M. Picard, premier conseiller ;

- les observations de Me Bonicel, avocat de Mmes A et de Me Michaud, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier ;

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;

La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 6 septembre 2010, déposée pour Mme A ;

Considérant que M. Marcel A, alors âgé de 57 ans, a été admis au CENTRE HOSPITALIER DE MONTLUCON où il a subi le 14 septembre 2004 une recto-sigmoïdectomie par voie laparoscopique ; que le 17 septembre suivant, des signes d'infection ayant été décelés, le CENTRE HOSPITALIER DE MONTLUCON a pratiqué une laparatomie exploratrice qui a révélé une péritonite diffuse consécutive à une fistule anastomotique entraînée par un lâchage des sutures ; que M. A est décédé le lendemain des suites d'un choc septique ; que Mmes Maryse et Marlène A, son épouse et sa fille, ont recherché la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER DE MONTLUCON devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand qui, par un jugement du 2 octobre 2007, a condamné ce dernier à leur verser, en leur qualité d'héritières de M. A, une somme de 20 000 euros ainsi que, à titre personnel , respectivement les sommes de 265 717,16 euros et 10 000 euros et, à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier, une indemnité de 7 424,70 euros ;

Considérant qu'en application de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, applicable s'agissant d'un dommage consécutif à une intervention pratiquée le 14 septembre 2004 : I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'incapacité permanente ou de la durée de l'incapacité temporaire de travail. Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'incapacité permanente supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret ;

Sur la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER DE MONTLUCON :

En qui concerne le retard de diagnostic :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des rapports des experts missionnés tant par le Tribunal que par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales d'Auvergne que, le 16 septembre 2004 au soir, M. A, dont la fistule post opératoire était survenue très inhabituellement de manière précoce, ne présentait aucun des signes cliniques caractéristiques de la péritonite, qu'il s'agisse en particulier de contractures abdominales, d'écoulement anormal par les drains ou d'augmentation des globules blancs, malgré la persistance de douleurs abdominales, l'apparition de sueurs et la froideur des extrémités ; que si l'administration de doses importantes d'antalgiques a pu entraîner une sous estimation des douleurs dont souffrait M. A, ces dernières n'étaient pas, à elles seules, de nature à emporter le diagnostic de péritonite post-opératoire qui, selon les experts, nécessite la conjonction de plusieurs séries de critères, dont ceux évoqués ci-dessus et, surtout, est l'un des plus difficiles de la pathologie chirurgicale ; qu' aucun défaut de coordination entre les médecins n'est au demeurant établi ; que même si les médecins avaient reconnu dans la soirée du 16 septembre l'état toxi-infectieux du patient, celui-ci ne préjugeait en rien d'une péritonite en l'absence de signes révélateurs d'une telle affection ; qu'en opérant M. A le lendemain dans la matinée, les médecins, qui ont pratiqué les investigations requises par l'état du patient, n'ont ainsi commis aucune faute de nature à engager la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER DE MONTLUCON ; que, par suite, le CENTRE HOSPITALIER DE MONTLUCON est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a retenu sa responsabilité à raison d'un retard dans le diagnostic de la péritonite post opératoire qui a frappé M. A ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mmes Maryse et Charlène A tant devant le tribunal administratif qu'en appel ;

En ce qui concerne le droit à information :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver. Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. La volonté d'une personne d'être tenue dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic doit être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission. ... En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen ; qu'il résulte de l'instruction, qu'à plusieurs reprises, M. A a été reçu seul en consultation par le chirurgien de l'hôpital qui lui a expliqué la nature de l'intervention envisagée, notamment à l'aide d'un schéma, et l'a prévenu des risques opératoires et anesthésiques encourus ; que si Mmes Maryse et Charlène A affirment que le centre ne fournit pas la preuve de ce que M. A aurait été informé des risques de décès que comportait l'opération, elles n'apportent aucun élément suffisamment précis de nature à remettre en cause les explications données par le centre ; qu'elles ne sont dès lors pas fondées à soutenir que le CENTRE HOSPITALIER DE MONTLUCON aurait manqué à son devoir d'information ;

Sur l'indemnisation au titre de la solidarité nationale :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que si le décès de M. A est imputable à l'intervention dont il a fait l'objet le 14 septembre 2004, le lâchage des sutures à l'origine de la fistule anastomotique et de la péritonite qui a provoqué son décès est sans aucun lien avec la sigmoïdite aigüe dont il souffrait ; que compte tenu de son état de santé antérieur comme de l'évolution prévisible de celui-ci, son décès est une conséquence anormale de cet acte alors que rien ne permet de penser que son affection initiale l'exposait de manière certaine et directe à un tel risque ; que l'accident dont a été victime M. A est, en application de l'article L. 1142-1 précité du code de la santé publique, de nature à ouvrir aux consorts A droit à réparation au titre de la solidarité nationale ; que les conclusions présentées par ce derniers tendant à mettre en jeu la responsabilité sans faute du CENTRE HOSPITALIER DE MONTLUCON ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;

Considérant toutefois que l'O.N.I.A.M. fait valoir qu'en l'absence de toutes conclusions à fin d'indemnisation dirigées contre lui dans la présente instance, aucune condamnation ne saurait être prononcée à son encontre au titre de la solidarité nationale ;

Considérant qu'en vertu de l'article L. 1142-22 du code de la santé publique : L'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est un établissement public à caractère administratif de l'Etat, placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé. Il est chargé de l'indemnisation au titre de la solidarité nationale, dans les conditions définies au II de l'article L. 1142-1 ... ; qu'en application de l'article L. 1142-21 du code de la santé publique: Lorsque la juridiction compétente, saisie d'une demande d'indemnisation des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins dans un établissement de santé, estime que les dommages subis sont indemnisables au titre du II de l'article L. 1142-1 ou au titre de l'article L. 1142-1-1, l'office est appelé en la cause s'il ne l'avait pas été initialement. Il devient défendeur en la procédure ... ; qu'en application de ces dispositions, si les dommages allégués entrent dans les prévisions des articles L. 1142-1 ou L. 1142-1-1 du code de la santé publique et sont, de ce fait, indemnisables au titre de la solidarité nationale, il appartient au juge, même d'office, de substituer, dans la qualité de défendeur, l'O.N.I.A.M., appelé en la cause, à l'établissement public de santé dont la responsabilité avait été préalablement recherchée ; que même en l'absence de conclusions à fin d'indemnisation présentées contre l'O.N.I.A.M, les ayants droit de la victime décédée peuvent obtenir de ce dernier réparation des préjudices subis tant comme héritiers de la victime qu'à titre personnel ;

Considérant qu'il y a lieu, dans ces conditions, de mettre à la charge de l'O.N.I.A.M. l'indemnisation des préjudices subis par Mmes Maryse et Marlène A en leur qualité d'héritières de M. Marcel A mais également à titre personnel ;

Considérant en revanche que l'O.N.I.A.M. n'ayant pas la qualité de tiers responsable au sens de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier tendant au remboursement par le CENTRE HOSPITALIER DE MONTLUCON d'une somme de 7 424,70 euros correspondant à un capital décès versé à Mme A ne peuvent être regardées comme dirigées contre l'office ;

En ce qui concerne les conclusions de Mmes Maryse et Charlène A en leur qualité d'héritières de M. A :

Considérant que le droit à la réparation d'un dommage, quelle que soit sa nature, s'ouvre à la date à laquelle se produit le fait qui en est directement la cause ; que si la victime du dommage décède avant d'avoir elle-même introduit une action en réparation, son droit, entré dans son patrimoine avant son décès, est transmis à ses héritiers ; que le droit à réparation du préjudice résultant pour elle de la douleur morale qu'elle a éprouvée du fait de la conscience d'une espérance de vie réduite en raison d'une faute du service public hospitalier dans la mise en oeuvre ou l'administration des soins qui lui ont été donnés, constitue un droit entré dans son patrimoine avant son décès qui peut être transmis à ses héritiers ; qu'il n'en va en revanche pas de même du préjudice résultant des revenus futurs perdus par suite d'une mort précoce dès lors que cette perte n'apparaît qu'au jour du décès de la victime et n'a pu donner naissance à aucun droit entré dans son patrimoine avant ce jour ;

S'agissant des préjudices à caractère patrimonial :

Considérant que, compte tenu de ce qui précède, les requérantes ne sont pas fondées à demander, en leur qualité d'héritières de M. A, réparation du préjudice subi par ce dernier du fait de ses pertes de ressources futures ;

S'agissant des préjudices d'ordre personnel :

Considérant que M. A a enduré des souffrances physiques évaluées à 6 sur une échelle de 7 entre les 16 et 18 septembre 2004 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de fixer le montant de ce préjudice, qui est entré dans le patrimoine de Mmes Maryse et Marlène A, à la somme de 3 000 euros et de le mettre à la charge de l'office ;

En ce qui concerne les conclusions de Mmes Maryse et Charlène A au titre de leurs préjudices propres :

S'agissant des préjudices à caractère patrimonial :

Quant aux pertes de revenus de Mme A :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, eu égard aux revenus perçus par le couple, dont la fille unique était âgée de 15 ans à la date de l'accident, et à la part du budget du ménage consacrée à Mme A, pouvant être estimée à 65 %, le décès de M. A a entraîné pour son épouse, après déduction de ses revenus propres et compte tenu de la perspective d'un départ à la retraite de son époux à l'âge de 60 ans, une perte de revenus pouvant être évaluée, dans les circonstances de l'espèce, à 50 000 euros en capital ; qu'il ne résulte en revanche pas de l'instruction que les droits à pension de réversion que Mme A pourra faire valoir au-delà de la date à laquelle son époux aurait dû partir à la retraite ne compenseraient pas entièrement ses pertes de revenus ; qu'il y a donc lieu de mettre à la charge de l'office le paiement à cette dernière d'une somme de 50 000 euros au titre de ses pertes de revenus ;

Quant aux autres dépenses liées au dommage corporel :

Considérant que les frais d'obsèques exposés par Mme A, d'un montant de 7 464,86 euros ont été compensés à hauteur de 7 424,70 euros par le capital décès versé par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier ; qu'à ce titre, il y a lieu de mettre à la charge de l'office une somme de 40,16 euros ;

S'agissant des préjudices d'ordre personnel :

Considérant qu'il sera fait une juste évaluation des préjudices personnels de Mme A et de sa fille Charlène, compte tenu en particulier du préjudice moral et des troubles dans les conditions de leur existence exposés à la suite du décès de leur mari et père, en les estimant respectivement à 25 000 euros et à 15 000 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'O.N.I.A.M. doit être condamné à verser à Mmes Maryse et Marlène A, en leur qualité d'héritières de M. A, la somme de 3 000 euros, et à Mmes Maryse et Marlène A, à titre personnel, respectivement les sommes de 75 040, 16 euros et de 15 000 euros ;

Sur les intérêts :

Considérant que Mmes Maryse et Marlène A ont droit aux intérêts sur les sommes allouées par la présente décision à compter du 20 septembre 2005, date de leur réclamation préalable ; qu'elles ont demandé la capitalisation des intérêts le 24 avril 2007 ; qu'à cette date il était dû plus d'un an d'intérêts ; que la capitalisation doit être ordonnée à cette date et à chaque échéance annuelle ultérieure ;

Sur les frais et honoraires d'expertise :

Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'O.N.I.A.M. les frais et honoraires d'expertise taxés et liquidés à la somme de 400 euros par l'ordonnance du président du Tribunal du 27 mai 2005 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER DE MONTLUCON est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le Tribunal l'a condamné à indemniser Mmes Maryse et Marlène A et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier des conséquences dommageables résultant du décès de M. A ;

Sur les frais irrépétibles :

Considérant qu'il y a lieu, en l'espèce de mettre à la charge de l'O.N.I.A.M. le paiement à Mmes Maryse et Marlène A d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que la demande présentée sur ce même fondement par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier ne peut qu'être rejetée ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Clermont Ferrand du 2 octobre 2007 est annulé.

Article 2 : L'O.N.I.A.M. est condamné à verser à Mmes Maryse et Marlène A, en leur qualité d'héritières de M. A, la somme de 3 000 euros et, à titre personnel, respectivement les sommes de 75 040,16 euros et de 15 000 euros. Les sommes allouées porteront intérêts aux taux légal à compter du 20 septembre 2005. Les intérêts seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts le 24 avril 2007 et à chaque échéance annuelle ultérieure.

Article 3 : Les frais et honoraires d'expertise taxés et liquidés à la somme de 400 euros sont mis à la charge de l'O.N.I.A.M..

Article 4 : L'O.N.I.A.M. versera à Mmes Maryse et Marlène A une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier sont rejetées.

Article 6 : Le surplus des conclusions de Mmes Maryse et Charlène A est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER DE MONTLUCON, à Mme Maryse A, à Mlle Charlène A, à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier et à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux (O.N.I.A.M).

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2010 à laquelle siégeaient :

Mme Serre, présidente de chambre,

M. Fontbonne et Mme Verley-Cheynel, présidents-assesseurs,

MM. Picard et Stillmunkes, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 23 septembre 2010.

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N° 07LY02872


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 5
Numéro d'arrêt : 07LY02872
Date de la décision : 23/09/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04 RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE. RÉPARATION. - 1) PORTÉE DE LA NOTION D'ANORMALITÉ PRÉVUE AU II DE L'ARTICLE L. 1142-22 DU CODE DE LA SANTÉ PUBLIQUE 2) POSSIBILITÉ POUR LES AYANTS DROIT D'UNE VICTIME DÉCÉDÉE, AGISSANT AU TITRE DE LA SOLIDARITÉ NATIONALE, D'OBTENIR DE L'OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MÉDICAUX, DES AFFECTIONS IATROGÈNES ET DES INFECTIONS NOSOCOMIALES, RÉPARATION DES PRÉJUDICES ENCOURUS À TITRE PERSONNEL- EXISTENCE.

60-04 1) La notion d'anormalité posée au II de l'article L. 1142-22 du code de la santé publique s'apprécie dans des conditions analogues à celle du « dommage sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état » issue de l'arrêt du Conseil d'Etat du 4 avril 1993 « Bianchi »... ...2) En cas de décès de la victime ouvrant droit à réparation au titre de la solidarité nationale, ses ayants droit peuvent obtenir de l'O.N.I.A.M réparation des préjudices subis à titre personnel.


Composition du Tribunal
Président : Mme SERRE
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : LE PRADO ; LE PRADO ; LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-09-23;07ly02872 ?
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