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24/08/2010 | FRANCE | N°09LY02036

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 24 août 2010, 09LY02036


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 24 août 2009, puis régularisée par courrier le 26 août 2009, présentée pour M. Gustave A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901324 du 21 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 16 avril 2009 par lesquelles le préfet de la Nièvre a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai d'un mois et fixé la République Démocratique du Congo comme pays

à destination duquel il pourra être reconduit ;

2°) d'annuler lesdites décisions ;

...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 24 août 2009, puis régularisée par courrier le 26 août 2009, présentée pour M. Gustave A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901324 du 21 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 16 avril 2009 par lesquelles le préfet de la Nièvre a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai d'un mois et fixé la République Démocratique du Congo comme pays à destination duquel il pourra être reconduit ;

2°) d'annuler lesdites décisions ;

3°) de faire injonction au préfet de la Nièvre de lui délivrer un titre de séjour dès la notification du présent arrêt ;

Le requérant soutient, sur la régularité du jugement, que le tribunal administratif a méconnu le principe du contradictoire en ne lui laissant pas le temps de répliquer au mémoire en défense ; que l'arrêté du préfet est entaché d'incompétence dès lors que ce dernier ne justifie pas de la délégation de signature de son secrétaire général ; que le refus de délivrer un titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il vit avec la mère de ses deux enfants depuis 2005, que la concubine avec qui il vivait au Congo est décédée, qu'il dispose d'une promesse d'embauche sérieuse ; qu'il encourt de forts risques s'il est reconduit dans son pays d'origine ; que le reconduire à la frontière dans tout autre pays porterait une atteinte disproportionnée à sa vie familiale ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 23 octobre 2009 présenté par le préfet de la Nièvre, qui conclut au rejet de la requête ;

Le préfet soutient :

- sur la régularité du jugement, que le principe du contradictoire n'a pas été méconnu par le Tribunal administratif de Dijon dès lors que M. A a pu bénéficier d'une réouverture d'instruction de quatre jours pour pouvoir réfuter des observations qui portaient uniquement sur son propre argumentaire ;

- sur le fond, que le moyen tiré de l'absence de délégation de signature manque en fait ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté dès lors qu'une communauté de vie entre Mme Kenga B et M. A n'est pas établie et que le requérant a encore de la famille au Congo ; que la décision fixant le pays de destination ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que M. A n'établit pas être menacé dans son pays d'origine ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 15 décembre 2009, accordant à M. A le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu le mémoire en réplique enregistré le 11 janvier 2010 présenté pour M. A qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire enregistré le 11 mars 2010 présenté par le préfet du Rhône qui conclut aux mêmes fins que son mémoire précédent par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance en date du 27 avril 2010 fixant la clôture d'instruction au 28 mai 2010, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement avertie du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 juillet 2010 :

- le rapport de M. Monnier, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Gimenez, rapporteur public ;

Considérant que, par le jugement du 21 juillet 2009 attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de M. A tendant à l'annulation des décisions du 16 avril 2009 par lesquelles le préfet de la Nièvre a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois à destination de la République Démocratique du Congo ou de tout autre pays où il établirait être légalement admissible ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : ( ...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes ... ; qu'en vertu du principe du contradictoire, le premier mémoire présenté par chaque défendeur avant la clôture de l'instruction doit être communiqué aux parties en leur laissant un délai suffisant afin de pouvoir présenter leurs observations ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Nièvre a télécopié son premier mémoire en défense devant les premiers juges, le 25 juin 2009, jour de la clôture de l'instruction fixée par ordonnance du président du Tribunal du 9 juin 2009 ; que si le Tribunal a communiqué le jour même ce mémoire en défense et les pièces jointes au conseil de M. A, l'ordonnance d'ouverture d'instruction du 26 juin 2009, date à laquelle l'original du mémoire du préfet a été enregistré au greffe du tribunal, n'a été notifiée au conseil du requérant que le mardi 30 juin 2009 ; que l'instruction a été à nouveau close trois jours avant l'audience du mardi 7 juillet, soit le vendredi 3 juillet 2009 à minuit, en application des dispositions des articles R. 613-4 et R. 613-2 du code de justice administrative ; que le délai de moins de quatre jours dont a disposé l'avocat du demandeur entre la réception du mémoire en défense avec les 38 pièces qui y étaient annexées, et l'audience, n'a pas été suffisant, compte tenu des éléments nouveaux de fait apportés par ces pièces sur lesquelles le tribunal s'est appuyé pour rejeter la demande, pour que le caractère contradictoire de l'instruction ait été respecté ; qu'ainsi, M. A est fondé à soutenir que le jugement attaqué a méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure contentieuse ; qu'il doit, par suite, être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Dijon ;

Sur la légalité des décisions attaquées :

En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant que l'arrêté préfectoral attaqué a été signé par M. Michel Paillissé, secrétaire général de la préfecture de la Nièvre, qui avait reçu délégation de signature du préfet de la Nièvre, par arrêté du 29 avril 2008, régulièrement publié le 30 avril 2008 au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Nièvre, à l'effet de signer tous arrêtés et décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception de certaines décisions au nombre desquelles ne figurent pas les décisions refusant un titre de séjour, faisant obligation de quitter le territoire et désignant le pays de destination ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions en litige ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne la légalité interne :

S'agissant du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée.(...) et qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : Pour l'application du 11º de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin inspecteur départemental de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé et, à Paris, par le médecin, chef du service médical de la préfecture de police. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la population et des migrations, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé ;

Considérant que si M. A, ressortissant de la République Démocratique du Congo, né le 16 février 1974, fait valoir qu'il est entré sur le territoire français le 8 octobre 2003, qu'il vit en concubinage depuis 2005 avec Mme Kenga B, également de nationalité congolaise, titulaire d'une carte vie privée familiale , avec laquelle il a eu un fils, né le 27 mars 2007, et une fille, née le 25 octobre 2008, qu'il a désormais l'essentiel de ses attaches en France et qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche, les pièces qu'il produit sont insuffisantes pour établir l'ancienneté et la stabilité de sa vie commune avec Mme Kenga B, laquelle perçoit au demeurant l'allocation parent isolé depuis le mois de juillet 2006 ; qu'à la date de la décision attaquée, le 16 avril 2009, il n'avait pas encore reconnu sa fille ; qu'il s'est maintenu sur le territoire français en dépit d'une invitation à quitter le territoire qui lui a été notifiée, suite au rejet de sa demande d'asile, le 9 mars 2006 ; que le requérant n'est pas dénué de toutes attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 29 ans et où réside toujours son père ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment des conditions du séjour de l'intéressé, les décisions portant refus de titre séjour et obligation de quitter le territoire français n'ont pas porté au droit de celui-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ces deux décisions ont été prises ; qu'elles n'ont ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, ces deux décisions ne sont pas davantage entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'étranger qui est obligé de quitter le territoire français ou qui doit être reconduit à la frontière est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Commission des recours des réfugiés lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ;

Considérant que M. A fait valoir que sa vie est menacée en République Démocratique du Congo en raison de son appartenance à une assemblée chrétienne dont le chef spirituel aurait été condamné à vingt ans de prison ; que, toutefois, le requérant, dont la demande de reconnaissance de la qualité de réfugié politique a été rejetée par l'Office français de protection des apatrides (OFPRA) le 25 mai 2004, décision confirmée le 25 janvier 2005 par la Commission de recours des réfugiés, ne produit aucun document ou élément de nature à justifier la réalité des risques auxquels il se dit ainsi personnellement exposé ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination a méconnu les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, enfin, que pour les mêmes motifs que ceux énoncés au titre de l'atteinte disproportionnée de sa vie privée et familiale par le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français, la décision, en tant qu'elle fixe le cas échéant comme destination tout pays pour lequel M. A établirait être légalement exposé, ne méconnaît pas les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions du 16 avril 2009 par lesquelles le préfet de la Nièvre a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai d'un mois à destination de la République démocratique du Congo ou de tout autre pays où il établirait être légalement admissible ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de remboursement de frais doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 21 juillet 2009 du Tribunal administratif de Dijon rejetant la demande de M. A est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Dijon et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Gustave A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet de la Nièvre.

Délibéré après l'audience du 6 juillet 2010 à laquelle siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

MM. Monnier et Segado, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 24 août 2010.

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N° 09LY02036


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY02036
Date de la décision : 24/08/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. Pierre MONNIER
Rapporteur public ?: M. GIMENEZ
Avocat(s) : THURIOT STRZARLKA LEVOIR

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-08-24;09ly02036 ?
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