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22/07/2010 | FRANCE | N°08LY00538

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 22 juillet 2010, 08LY00538


Vu la requête, enregistrée le 7 mars 2008, présentée pour M. Guy B, domicilié ... ;

M. B demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0700381 du 4 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a déclaré le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand responsable seulement des conséquences dommageables du défaut d'information préalable sur les risques inhérents à l'intervention chirurgicale du 20 septembre 2000 et a rejeté sa demande d'indemnité provisionnelle ;

2°) à titre principal, de déclarer centre hospitali

er universitaire de Clermont-Ferrand entièrement responsable des conséquences dommageab...

Vu la requête, enregistrée le 7 mars 2008, présentée pour M. Guy B, domicilié ... ;

M. B demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0700381 du 4 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a déclaré le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand responsable seulement des conséquences dommageables du défaut d'information préalable sur les risques inhérents à l'intervention chirurgicale du 20 septembre 2000 et a rejeté sa demande d'indemnité provisionnelle ;

2°) à titre principal, de déclarer centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand entièrement responsable des conséquences dommageables de l'intervention du 20 septembre 2000 et le condamner à lui verser à titre provisionnel la somme de 139 120 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter de la demande préalable, les intérêts étant eux mêmes capitalisés ; à titre subsidiaire de confirmer le jugement ;

3°) de mettre à la charge de centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que les premiers juges ont omis de répondre aux moyens dont ils étaient saisis sur l'indication opératoire ainsi que sur la complication hémorragique et ont entaché leur jugement d'une contradiction de motifs en retenant une faute pour défaut d'information ce qui supposait qu'il y avait une alternative thérapeutique ; que l'indication chirurgicale était contestable et que l'intervention a aggravé le syndrome parkinsonien ; que la complication hémorragique est fautive en l'absence de toute autre cause non traumatique ; que la complication infectieuse même non fautive engage la responsabilité du centre hospitalier, sans considération du caractère endogène ou exogène du germe, dès lors que le germe a été introduit accidentellement dans l'organisme du patient ; qu'il appartient au centre hospitalier de prouver que l'infection est due à une cause étrangère, ce qu'il n'a pas fait, notamment en l'absence de production des résultats des examens bactériologiques ; que la seule circonstance que le germe ne soit pas multi résistant ne suffit pas à écarter une origine nosocomiale ; qu'il est fondé à rechercher la responsabilité sans faute, l'absence de caractère exceptionnel de la complication n'étant pas démontrée ; qu'une indemnisation provisionnelle était possible compte tenu des informations disponibles ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 juin 2008, présenté pour Mme Marie-Henriette B, M. Jean-Brice B et M. Géraud B lesquels déclarent reprendre l'instance en leur qualité d'héritiers de M. Guy B, à la suite du décès de ce dernier intervenu le 28 mars 2008 ;

Vu la mise en demeure adressée le 4 décembre 2009 au centre hospitalier de Clermont-Ferrand, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 janvier 2010, présenté pour le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand qui conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué et au rejet des conclusions de M. B et du RSI d'Auvergne, par les moyens que le Tribunal a commis une erreur d'appréciation en jugeant qu'il n'avait pas rapporté la preuve de ce que M. B avait été informé des complications inhérentes à l'intervention alors que l'expert a relevé plusieurs éléments qui permettent de retenir qu'une information précise et complète lui avait été donnée ; qu'en tout état de cause tout défaut d'information n'engage pas la responsabilités de l'hôpital lorsque comme en l'espèce l'état de santé du patient imposait cette opération et qu'il n'existait pas d'alternative thérapeutique ; que le Tribunal a entaché sa décision de contradiction de motifs en retenant la responsabilité tout en constatant qu'il n'y avait pas d'alternative thérapeutique ; qu'il appartenait au tribunal de vérifier si le malade pouvait avancer des raisons sérieuses pour refuser l'intervention ; que l'intervention chirurgicale se justifiait eu égard à l'aggravation des tremblements dont souffrait M. B et était la seule option médicale ; que les conclusions de l'expert ne permettent pas de retenir un geste médical fautif ; qu'eu égard au caractère endogène du germe à l'origine de l'infection, elle n'est pas susceptible d'engager la responsabilité du centre hospitalier ; que la complication hémorragique subie ne présentait pas un caractère exceptionnel et le dommage ne revêt pas un caractère d'extrême gravité au sens de la jurisprudence Bianchi ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 mars 2010, présenté pour les consorts B qui concluent à ce que le centre hospitalier soit condamné à leur verser une somme ramenée à 30 000 euros, par les mêmes moyens et par les motifs, en outre, qu'aucun des éléments avancés par le centre hospitalier ne permet de retenir que M. B ait été informé des risques de complication dont il a été victime, les correspondances échangées n'abordant pas la question des complications ; que s'agissant de remédier à une pathologie peu gênante, il est évident que les risques l'auraient conduit à renoncer à l'amélioration promise ;

Vu le mémoire enregistré le 23 juin 2010 par lequel le régime social des indépendants d'Auvergne (RSI) conclut à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à lui verser la somme de 36 348,63 euros, la somme de 966 euros au titre de l'indemnité forfaitaire et la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par les moyens que l'annulation du jugement s'impose pour les mêmes motifs que ceux exposés par M. et Mme B et qu'il a été amené à verser des prestations pour les soins nécessités par l'état de la victime en rapport avec la complication rencontrée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er juillet 2010 :

- le rapport de Mme Verley-Cheynel, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;

Considérant que M. Guy B qui avait subi, le 20 septembre 2000, une opération neurochirurgicale au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, a mis en cause la responsabilité de cet établissement auquel il reprochait la dégradation consécutive de son état ; qu'il a fait appel du jugement du 4 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a écarté ses moyens fondés sur la responsabilité sans faute et sur la faute d'ordre médical et a seulement déclaré le centre hospitalier responsable d'un défaut d'information préalable sur les risques de l'intervention ; que M. B étant décédé le 28 mars 2008, sa veuve et ses enfants ont repris l'instance devant la Cour ; que de son côté, le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, par la voie de l'appel incident, a conclu à l'annulation dudit jugement en tant qu'il retient sa responsabilité et a décidé une expertise avant-dire-droit sur l'évaluation des préjudices en lien avec la faute ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que la validité d'une indication thérapeutique étant distincte de son caractère indispensable, les premiers juges ont pu, sans entacher leur jugement de contradiction dans ses motifs, retenir que l'indication opératoire n'était pas fautive tout en reconnaissant une faute d'information ayant privé le patient de la possibilité de se soustraire à l'intervention en cause ;

Considérant qu'il ressort des termes mêmes du jugement contesté que l'omission à statuer invoquée par les consorts B quant aux moyens relatifs à l'indication thérapeutique et à l'origine de l'hémorragie manque en fait ; qu'il en va de même du grief tiré de l'insuffisance de motivation ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée en référé devant le tribunal administratif, que M. B, qui était né en 1937, présentait depuis l'enfance un tremblement essentiel familial pour lequel il a été suivi en consultation au service de neurologie du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à partir de 1996 ; que le syndrome parkinsonien qui a été découvert au même moment, pathologie distincte de ses tremblements initiaux, a fait l'objet d'une prise en charge médicamenteuse améliorant son état, tandis que son tremblement d'attitude demeurait rebelle aux thérapeutiques ; que pour remédier à l'aggravation de son tremblement, lequel s'était notamment bi-latéralisé en mars 2000, une intervention chirurgicale de stimulation thalamique bilatérale a été pratiquée ; que dans les suites de l'implantation des électrodes, effectuée le 20 septembre 2000 au service de neurochirurgie du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, M. B a été victime de complications, hémorragie et oedème de la région des noyaux gris centraux et de la région frontale ainsi que syndrome infectieux, qui ont conduit à reporter la mise en place du stimulateur, laquelle a été réalisée en janvier 2001 ; que M. B présentait depuis lors un syndrome frontal, un syndrome dépressif majeur et une aggravation du syndrome parkinsonien ;

Considérant, en premier lieu, que pour handicapantes qu'elles aient pu être pour la victime, il ne résulte toutefois pas de l'instruction que les séquelles attribuées par le requérant à l'intervention en litige aient présenté le caractère d'extrême gravité de nature à engager la responsabilité sans faute de l'établissement ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que, compte tenu de la pathologie dont souffrait M. B, l'indication chirurgicale de stimulation thalamique était conforme aux données actuelles de la science et aux règles de l'art ; que, par ailleurs, contrairement à ce qui est allégué par les héritiers de M. B, il ne résulte pas de l'instruction qu'une faute dans la réalisation du geste opératoire soit à l'origine de la complication hémorragique dont il a été victime ;

Considérant, en troisième lieu, que si les requérants soutiennent que M. B a été victime d'une infection nosocomiale, il ne résulte pas non plus de l'instruction que les séquelles dont ils demandent réparation soient en lien avec le syndrome infectieux dont il a été affecté dans les suites de l'intervention ;

Considérant, en dernier lieu, que s'il est constant que la réalisation de l'intervention chirurgicale en litige a été longuement évoquée avant que la décision d'y recourir soit arrêtée et que M. B, lequel était très réticent, a pu s'en entretenir avec différents médecins, il ne résulte pas pour autant de l'instruction que le patient ait reçu une information quant aux risques notamment hémorragiques que comportait cette opération ; que ce défaut d'information qui a privé M. B de la possibilité de renoncer à cette intervention et donc d'une chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé est constitutif d'une faute de nature, ainsi que l'a jugé le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, à engager la responsabilité du centre hospitalier universitaire ;

Sur l'allocation provisionnelle :

Considérant qu'en l'absence d'éléments au dossier permettant de connaître l'étendue du dommage en lien avec la faute tirée du défaut d'information, les conclusions aux fins d'allocation provisionnelle ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts B ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le Tribunal n'a pas retenu à la charge de l'établissement hospitalier sa responsabilité sans faute ou une faute de nature à engager sa responsabilité totale ; que le centre hospitalier n'est pas non plus fondé à soutenir que c'est à tort qu'il a été déclaré responsable des conséquences dommageables du défaut d'information ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête des consorts B et les conclusions du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Marie-Henriette B, à M. Jean-Brice B, à M. Géraud B, au régime social des indépendants d'Auvergne et au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand. Copie en sera adressée à l'expert.

Délibéré après l'audience du 1er juillet 2010 à laquelle siégeaient :

Mme Serre, présidente de chambre,

Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,

M. Stillmunkes, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 juillet 2010.

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N° 08LY00538


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08LY00538
Date de la décision : 22/07/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme SERRE
Rapporteur ?: Mme Geneviève VERLEY-CHEYNEL
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : DOMINIQUE CARTRON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-07-22;08ly00538 ?
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