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12/07/2010 | FRANCE | N°08LY01966

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 12 juillet 2010, 08LY01966


Vu la requête, enregistrée le 21 août 2008, présentée pour M. Malick A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0603359 du 10 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 octobre 2005 par laquelle le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer a annulé la décision du 16 mai 2005 par laquelle l'inspecteur du travail des transports de Lyon II a refusé d'autoriser son licenciement pour faute, et autorisé son licenciement ;

2°) d'ann

uler pour excès de pouvoir la décision ministérielle susmentionnée ;

3°) de mettre...

Vu la requête, enregistrée le 21 août 2008, présentée pour M. Malick A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0603359 du 10 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 octobre 2005 par laquelle le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer a annulé la décision du 16 mai 2005 par laquelle l'inspecteur du travail des transports de Lyon II a refusé d'autoriser son licenciement pour faute, et autorisé son licenciement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision ministérielle susmentionnée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Securitas transport aviation security SAS la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- il n'a pas été justifié que le signataire de la décision ministérielle en litige était compétent pour signer ladite décision, en vertu d'une délégation de compétence régulièrement édictée et publiée ;

- c'est à tort que le Tribunal a considéré que son refus de procéder aux palpations de sécurité sur un passager, le 4 avril 2005, était constitutif d'un comportement fautif justifiant l'autorisation de procéder à son licenciement, alors qu'il ne lui appartenait pas, eu égard à l'effectif réduit d'agents présents au poste de filtrage, et à une impossibilité médicale dont il avait informé sa hiérarchie, de réaliser lui-même les palpations des passagers qui déclenchaient l'alarme du portique, et qui auraient dû être soumis à une vérification au magnétomètre, dans le cadre de procédures mal définies, et qu'il a rappelé à ses supérieurs que la procédure réservait cette vérification à un autre agent de sûreté ; les représentants du personnel étaient légitimement conduits à interroger leur hiérarchie sur les limites exactes de cette mission, sans obtenir d'éclaircissements ; des passagers ayant déclenché l'alarme du portique, le 5 février 2005, n'avaient pas fait l'objet de palpations, sans qu'aucune sanction n'ait alors été prise ;

- la demande d'autorisation de licenciement a été prise en lien avec son activité syndicale, ainsi que l'avait relevé l'inspecteur du travail dans sa décision du 16 mai 2005, sans que le ministre, dans la décision en litige, n'indique les motifs de son appréciation sur l'absence de lien entre la procédure de licenciement et l'exercice de ses mandats ;

- c'est à tort que le Tribunal n'a pas relevé qu'en s'abstenant de retenir un motif d'intérêt général pour refuser son licenciement, le ministre a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 décembre 2008, présenté par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- la légalité de la décision prise par délégation le 25 octobre 2005 ne peut être discutée sur le moyen de l'incompétence de son auteur, dont la compétence est fondée par l'arrêté du 21 septembre 2005, publié au Journal Officiel ;

- dès lors qu'aucune circonstance n'est recevable à justifier le contournement, par M. A, de la réglementation communautaire, nationale, ainsi que des directives écrites de son employeur, l'intéressé a, d'une manière délibérée et répétitive, contrevenu aux règles formalisées et disponibles sur son lieu de travail, en refusant d'exécuter l'activité de palpation qu'elles prévoient et ne peut sérieusement justifier ce refus en évoquant le caractère non systématique de la palpation, alors que son employeur était en droit d'exiger la réalisation de cette obligation contractuelle ; le refus de M. A, intervenu en dehors de tout cadre de contestation sociale, constitue, outre l'inexécution de son contrat de travail, par insubordination, une violation caractérisée des règles relatives à la sécurité des passagers, et une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;

- il ne peut être reproché à l'employeur d'avoir fondé la mesure litigieuse sur la qualité de salarié subordonné qui oblige tout salarié, même protégé, à répondre de l'inexécution fautive des obligations nées de son contrat de travail, le requérant ne démontrant pas l'existence d'une discrimination imputable à cet employeur ;

- l'implication de M. A dans les fonctions représentatives ne lie pas l'administration quant à l'appréciation de l'intérêt général ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 mars 2009, présenté pour la société Securitas transport aviation security, qui conclut au rejet de la requête ;

Elle soutient que :

- la décision en litige a été prise par un auteur compétent, bénéficiant d'une délégation de signature, conformément aux dispositions du décret du 27 juillet 2005 ;

- contrairement à ce que soutient le requérant, il n'existe aucune ambiguïté sur le contenu de la procédure de sécurité relative aux palpations de sécurité des passagers, ni sur la nécessité de la respecter par l'agent présent au portique de sécurité, et malgré l'ensemble des directives, M. A a délibérément refusé d'appliquer la procédure, pourtant claire et obligatoire ; ce refus de se conformer aux directives et consignes de son employeur est constitutif d'une faute grave, de nature à justifier le licenciement de M. A, dont la gravité des faits reprochés avait déjà été admise auparavant ;

- la décision de procéder à son licenciement est sans lien avec ses mandats de représentant du personnel et syndicaux ;

- l'intérêt général ne pouvait être retenu, dans les circonstances de l'espèce, pour refuser d'autoriser le licenciement de M. A, qui n'a eu aucune incidence sur la survie des institutions dont il était membre ;

Vu l'ordonnance en date du 3 juillet 2009, par laquelle la date de la clôture de l'instruction a été fixée au 21 août 2009 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'aviation civile ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 juin 2010 :

- le rapport de M. Seillet, premier conseiller ;

- les observations de Me Gebel, pour la société Securitas transport aviation security ;

- et les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Gebel ;

Considérant que M. A, employé en qualité d'opérateur sûreté à l'aéroport de Lyon Saint-Exupéry par la société Securitas transport aviation security, exerçait, au sein de cette entreprise, des mandats de délégué syndical, de délégué du personnel, de représentant syndical au comité d'entreprise, ainsi que de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; que, par une lettre du 20 avril 2005, la société Securitas transport aviation security a sollicité l'autorisation de licencier M. A au motif d'un non respect des procédures de sûreté par l'intéressé, qui avait refusé, le 4 avril 2005, de procéder, malgré la demande de son supérieur hiérarchique, à la palpation d'un passager à la suite du déclenchement de l'alarme du portique magnétique ; que, par une décision du 16 mai 2005, l'inspecteur du travail des transports a refusé d'autoriser ce licenciement ; que, sur recours hiérarchique de la société Securitas transport aviation security, le ministre des transports, par une décision du 25 octobre 2005, a annulé ladite décision de l'inspecteur du travail des transports et autorisé le licenciement pour faute de M. A : que ce dernier fait appel du jugement du 10 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ladite décision ministérielle du 25 octobre 2005 ;

Sur la compétence du signataire de la décision en litige :

Considérant que, par arrêté du 21 septembre 2005 publié au Journal Officiel de la République française du 29 septembre 2005, Mme Marchant, signataire de la décision ministérielle du 25 octobre 2005 en litige, a reçu délégation, pour signer, dans la limite de ses attributions et au nom du ministre chargé des transports tous actes, arrêtés et décisions, à l'exclusion des décrets ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision ministérielle en litige doit être écarté ;

Sur le bien-fondé de la décision en litige :

Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, notamment les articles L. 236-11, L. 412-18, L. 425-1 et L. 436-1 alors en vigueur, le licenciement des membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, est subordonné à une autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit, M. A a délibérément refusé, le 4 avril 2005, malgré l'injonction de son supérieur hiérarchique, alerté sur le comportement de l'intéressé au cours de sa vacation à un poste de filtrage des passagers, de procéder à la palpation d'un passager, qui avait déclenché l'alarme du portique de sécurité ; que de tels faits constituent, outre l'inexécution de son contrat de travail par le salarié, par insubordination, une violation caractérisée des règles relatives à la sécurité des passagers, qui a, au demeurant, conduit le responsable de la sûreté de l'aéroport à reprocher à l'employeur de M. A, dès le lendemain, un manquement grave au cahier des charges ; que M. A ne peut utilement se prévaloir, pour justifier son refus, nonobstant l'injonction de son supérieur hiérarchique, d'effectuer des actes entrant dans le champ des missions prévues par son contrat de travail et ne dépassant pas sa qualification professionnelle, des circonstances, à les supposer établies, tenant à la présence, au poste d'inspection filtrage auquel il était affecté, d'un nombre d'agents inférieur à celui prévu, de ce qu'il n'y aurait pas été affecté aux opérations de palpation des passagers, et de ce que les palpations seraient à l'origine de difficultés avec les passagers ; que, contrairement à ce que soutient M. A, les mesures de palpations des passagers s'inscrivent dans un cadre juridique précis résultant à la fois de la réglementation communautaire, de la réglementation nationale et des directives formalisées par écrit au niveau de l'entreprise, au demeurant affichées sur les lieux de travail des agents et dont il avait été également informé lors de formations récentes ; qu'en se bornant à affirmer qu'il avait, le 3 avril, informé oralement son supérieur hiérarchique direct de son état de santé et sollicité l'affectation, qu'il avait obtenue, sur un poste isolé de contrôle des personnels de l'aéroport, M. A, qui reconnaît n'avoir alors fourni aucun document écrit relatif à son état de santé ni avoir effectué la même demande, le 4 avril, ne démontre pas avoir été dans l'impossibilité d'accomplir, à cette date, sa mission, pour un motif de santé qu'il n'allègue d'ailleurs pas avoir alors mentionné pour justifier son refus de procéder à la palpation d'un passager ; qu'eu égard tant à la nature des fonctions de M. A qu'au caractère délibéré de son refus d'accomplir des actes relevant de sa mission malgré l'injonction de son supérieur hiérarchique, les faits, de nature fautive, établis à son encontre sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que d'autres agents n'auraient fait l'objet d'aucune mesure disciplinaire pour avoir, comme le requérant, refusé de procéder à la palpation de passagers du même sexe, ni que des faits de refus de palpation de passagers commis par d'autres agents auraient été portés à la connaissance de leur employeur ; qu'ainsi, il n'en ressort pas que la demande d'autorisation de licenciement de M. A, justifiée, ainsi qu'il vient d'être dit, par le comportement gravement fautif de l'intéressée, ait été liée à l'exercice de ses mandats ;

Considérant, en dernier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un motif d'intérêt général, tiré notamment de la nécessité de maintenir une représentation des salariés dans l'entreprise et de permettre la continuation du fonctionnement des institutions représentatives dont M. A était membre, aurait dû conduire le ministre chargé des transports à refuser l'autorisation de procéder au licenciement de l'intéressé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que doivent être également rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Malick A, au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer et à la société Securitas transport aviation security.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2010, à laquelle siégeaient :

M. Givord, président de formation de jugement,

MM. Reynoird et Seillet, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 12 juillet 2010.

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N° 08LY01966

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08LY01966
Date de la décision : 12/07/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GIVORD
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : CROZIER MARIE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-07-12;08ly01966 ?
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