Vu la requête, enregistrée au greffe le 18 mars 2010, présentée pour M. Ahamed A, dont le domicile est ... ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1001123 en date du 2 mars 2010 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 février 2010, par lequel le préfet de l'Isère a ordonné sa reconduite à la frontière, et de la décision du même jour fixant le pays de renvoi ;
2°) d'annuler cet arrêté et cette décision pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et d'examiner à nouveau sa situation administrative, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 € par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient qu'en ce qui concerne son moyen tiré du défaut de base légale le jugement n'est pas suffisamment motivé ; que la reconduite à la frontière n'a pas de base légale dès lors qu'il ne se trouvait pas dans le cas, prévu au 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où le préfet pouvait décider sa reconduite à la frontière ; que la décision de refus de titre en date du 1er octobre 2009 est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et a violé les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant ; que, cette décision étant illégale, la mesure d'éloignement doit être annulée par voie de conséquence ; que le premier juge a dénaturé les faits relatifs à sa vie privée et familiale en estimant que le refus de titre contesté n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée ; que la décision de refus de titre est entachée d'erreur de droit dès lors que le préfet n'a pas examiné sa demande de titre au regard de l'intérêt supérieur de son enfant ; que la décision de reconduite à la frontière du préfet de l'Isère en date du 26 février 2010 est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et a violé les mêmes stipulations ; que le premier juge a entaché sa décision d'une insuffisance de motivation et d'une contradiction de motifs en rejetant les moyens dirigés contre la mesure d'éloignement par simple renvoi aux motifs retenus pour rejeter les moyens soulevés, par la voie de l'exception, contre la décision de refus de titre ; que le premier juge a commis une erreur de droit en rejetant les conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination au motif que les moyens tirés de la violation de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 et de la loi du 11 juillet 1979 n'étaient pas opérants ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré le 23 juin 2010, le mémoire en défense du préfet de l'Isère, irrégulièrement présenté par télécopie ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er juillet 2010 :
- le rapport de M. du Besset, président,
- les observations de Me Tomasi, représentant le préfet de l'Isère,
- les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public,
la parole ayant été de nouveau donnée à Me Tomasi ;
Considérant que, pour répondre au moyen tiré de ce que l'arrêté de reconduite à la frontière du 26 février 2010 était dépourvu de base légale, le jugement du 2 mars 2010, s'il rappelle les dispositions du 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne précise pas pour quelle raison la situation de M. A entre dans le champ d'application de ces dispositions ; qu'en l'absence de motivation sur ce point ce jugement est irrégulier et doit être annulé en tant qu'il statue sur les conclusions dirigées contre l'arrêté de reconduite à la frontière du 26 février 2010 et la décision du même jour fixant le pays de renvoi ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Lyon ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière du 26 février 2010 :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 2º Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité comorienne, entré en France en juillet 2008, s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté de reconduite à la frontière du 26 février 2010 serait dépourvu de base légale doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, que M. A ne peut utilement invoquer l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour prise par le préfet de l'Isère le 1er octobre 2009, cette décision ne constituant pas le fondement légal de l'arrêté du 26 février 2010 ;
Considérant, en troisième lieu, que l'arrêté du 26 février 2010 a été signé par M. Charlot, secrétaire général adjoint de la préfecture de l'Isère, régulièrement habilité à cet effet par arrêté du 19 février 2010, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 22 février suivant ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cet arrêté doit, dès lors, être écarté ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;
Considérant que M. A soutient qu'entré en France en juillet 2008 il vit maritalement avec une compatriote, qui est en situation régulière, et fait valoir qu'il a reconnu, le 12 septembre 2008, l'enfant qu'elle a eu en France le 20 octobre 2007 ; que toutefois la production d'attestations de proches, qui ne comportent aucune indication concernant la réalité de leur vie de couple, d'un accusé de réception de demande de titre de séjour daté du 17 juin 2009 et d'une lettre de la Caisse d'allocations familiales du 25 février 2010 indiquant leur adresse commune, ne suffit pas à établir la réalité et la stabilité de la relation maritale alléguée ; que les certificats émanant de médecins et les attestations rédigées par des proches ne permettent pas d'établir la réalité de la participation de M. A à l'entretien et à l'éducation de son fils ; qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales aux Comores où réside au moins sa soeur ; que, dans ces conditions, alors même qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche en France, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision de reconduite à la frontière du 26 février 2010 n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; que par suite, le préfet de l'Isère n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde et des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, il n'a pas davantage commis une erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne les conséquences de sa décision sur la situation personnelle et familiale de M. A ;
Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale ;
Considérant que si M. A soutient que la mesure d'éloignement en litige est contraire à l'intérêt de son fils né en France, qui souffre de problèmes de santé et a besoin de la présence de son père pour assurer le suivi médical, il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi qu'il vient d'être dit ci-dessus, qu'il participe effectivement à l'entretien et à l'éducation de cet enfant ; que, dans ces conditions, le préfet de l'Isère n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur de celui-ci et, ainsi, n'a pas méconnu les stipulations précitées ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
Considérant qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 : Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi nº 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : (...) 3º Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière ; qu'il résulte des dispositions des articles L. 512-2 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative ordonne la reconduite à la frontière d'un étranger et fixe le pays de renvoi ; qu'en particulier, lesdites dispositions ouvrent un recours suspensif devant le juge administratif, organisent les garanties dont bénéficie l'étranger pour pouvoir exercer utilement ce recours et fixent les délais dans lesquels le recours doit être présenté et jugé ; que, par suite, M. A ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, pour contester la décision fixant le pays de renvoi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est fondé à demander l'annulation ni de l'arrêté du 26 février 2010, par lequel le préfet de l'Isère a ordonné sa reconduite à la frontière, ni de la décision du même jour fixant le pays de renvoi ; que ses conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées par voie de conséquence ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1001123 en date du 2 mars 2010 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions dirigées contre l'arrêté de reconduite à la frontière du 26 février 2010 et la décision du même jour fixant le pays de renvoi.
Article 2 : Les conclusions dirigées contre l'arrêté de reconduite à la frontière du 26 février 2010 et la décision du même jour fixant le pays de renvoi, présentées par M. A devant le Tribunal administratif de Lyon, et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Ahamed A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Lu en audience publique, le 8 juillet 2010.
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N° 10LY00617