Vu la requête, enregistrée au greffe le 13 janvier 2010, présentée pour le PREFET DU RHONE ;
Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0907323 en date du 14 décembre 2009, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 2 décembre 2009 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Léonice A et sa décision du même jour fixant le pays de renvoi, lui a enjoint de délivrer à celle-ci une autorisation provisoire de séjour, a mis une somme de 700 € à la charge de l'Etat et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme A ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A devant le Tribunal administratif de Lyon ;
3°) de mettre à la charge de Mme A la somme de 1 000 €, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que c'est à tort que le premier juge a annulé l'arrêté de reconduite à la frontière édicté à l'encontre de Mme A dès lors qu'il a procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressée qui entrait dans le champ d'application des dispositions du 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le jugement est entaché d'une erreur de droit dès lors qu'il n'a pas procédé à une substitution de base légale ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention internationale des droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
Vu l'accord du 8 mars 1993 entre la République française et la République portugaise sur la réadmission de personnes en situation irrégulière et le décret n° 95-876 du 27 juillet 1995 portant publication de cet accord ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er juillet 2010 :
- le rapport de M. du Besset, président ;
- et les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public ;
Considérant que, par arrêté en date du 2 décembre 2009, le PREFET DU RHONE a décidé de reconduire à la frontière Mme A, ressortissante brésilienne, et, par décisions du même jour, respectivement, fixé comme pays de destination soit le pays dont elle a la nationalité, soit le Portugal, au cas où cet Etat accepterait de la réadmettre sur son territoire, et ordonné son maintien en rétention administrative ; que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté, au motif que l'autorité administrative n'avait procédé à aucun examen de la situation personnelle de l'intéressée, et, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de renvoi, a enjoint au préfet du Rhône de délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour à Mme A, a condamné l'Etat à lui verser une somme de 700 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme A ; que la requête du préfet du Rhône doit être regardée comme tendant à l'annulation des articles 1er, 2 et 3 de ce jugement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, lorsqu'elle a été interpellée, le 1er décembre 2009, à l'aéroport de Lyon-Saint Exupéry, Mme A arrivait du Portugal, où elle séjournait irrégulièrement depuis le 5 août 2006 ; que si l'arrêté de reconduite à la frontière du 2 décembre 2009 a été pris notamment au motif qu'elle se maintenait sur le territoire français sans être titulaire d'un premier titre régulièrement délivré, alors que, venant juste d'entrer en France, elle ne s'était maintenue dans une telle situation qu'au Portugal, cette erreur ne saurait suffire à démontrer que le PREFET DU RHONE n'avait pas procédé à l'examen de sa situation personnelle avant de prendre l'arrêté en litige ; qu'il ressort par ailleurs des pièces du dossier que l'administration a utilisé les renseignements relatifs à la situation de Mme A, recueillis le 1er décembre 2009 lors de son audition par les services de police, pour en déduire notamment que celle-ci, entrée en France le 1er décembre 2009, n'avait pas de vie privée et familiale sur le territoire français, et pour estimer qu'il ne paraissait pas justifié de régulariser sa situation à titre exceptionnel ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon s'est fondé sur l'absence de tout examen de la situation personnelle de Mme A pour annuler l'arrêté de reconduite à la frontière du 2 décembre 2009 ainsi que, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de renvoi ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme A ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) II L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1º Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A, ressortissante brésilienne, ne peut justifier de la régularité de son entrée en France ; qu'elle se trouve ainsi dans le cas, visé par les dispositions précitées, où le préfet peut prendre une décision de reconduite à la frontière ; qu'il y a lieu, comme le demande le PREFET DU RHONE, de substituer ces dispositions à celles du 2° du II du même article, cette substitution ne privant Mme A d'aucune garantie ;
Considérant que l'arrêté et la décision en litige ont été signés par M. René Bidal, secrétaire général de la préfecture, qui avait reçu délégation à cet effet par arrêté du 9 juin 2008, régulièrement publié le même jour au numéro spécial du recueil des actes administratifs de la préfecture ; que, dès lors, les moyens tirés de l'incompétence du signataire de ces décisions doivent être écartés ;
Considérant que l'arrêté de reconduite à la frontière en litige précise les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'il est ainsi suffisamment motivé ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;
Considérant que si Mme A soutient que son ami habite en France et qu'elle a un projet de vie avec lui, cette allégation n'est assortie d'aucune précision de nature à permettre à la Cour d'en apprécier le bien-fondé ; qu'il ressort des pièces du dossier que, d'une part, Mme A est la mère d'une fille âgée de dix ans qui ne vit pas en France, et que, d'autre part, selon ses propres déclarations, elle avait l'intention de ne rester que quelques jours en France ; qu'ainsi l'arrêté de reconduite à la frontière en litige n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport à son objectif ; que, pour les mêmes motifs, il n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale ;
Considérant que l'arrêté de reconduite à la frontière en litige n'a pas pour effet, contrairement à ce que soutient Mme A, de la séparer de sa fille, alors que celle-ci n'est pas en France ; qu'il ne méconnaît donc pas les stipulations précitées ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'étranger qui ... doit être reconduit à la frontière est éloigné : / 1° A destination du pays dont il a la nationalité ... ; / 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; / 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible ;
Considérant que la décision relative au pays de renvoi, ainsi que dit plus haut, fixe comme pays de destination soit le pays dont Mme A a la nationalité, soit le Portugal, au cas où cet Etat accepterait de la réadmettre sur son territoire ; que, dans ces conditions, la circonstance que Mme A serait nécessairement admissible au Portugal est sans influence sur sa légalité ; que, dès lors, les moyens tirés de ce que le PREFET DU RHONE aurait, en fixant le Brésil comme pays de renvoi, méconnu l'accord du 8 mars 1993 entre la République française et la République portugaise et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et aurait en outre entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, ne peuvent qu'être écartés ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté et sa décision du 2 décembre 2009 ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de Mme A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement n° 0907323 en date du 14 décembre 2009 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par Mme A devant le Tribunal administratif de Lyon, tendant à l'annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière et de la décision fixant le pays de renvoi en date du 2 décembre 2009, à fin d'injonction et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par le PREFET DU RHONE au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire et à Mme Léonice A. Copie en sera adressée au PREFET DU RHONE.
Lu en audience publique, le 8 juillet 2010.
''
''
''
''
1
2
N° 10LY00046