Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 8 janvier 2010, présentée pour le PREFET DU RHONE ;
Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0907387 du 10 décembre 2009 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 7 décembre 2009 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Khalid A, ainsi que ses décisions du même jour fixant le pays de destination et ordonnant le placement en rétention administrative de l'intéressé, et a mis à la charge de l'Etat la somme de 400 €, au profit du conseil de M. A, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
2°) de mettre à la charge de M. A la somme de 1 000 € en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que M. A était dans le cas prévu au 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où il pouvait faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière dès lors qu'il n'a pu justifier être entré régulièrement en France ni être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité à la date de la mesure d'éloignement ; qu'il conteste l'authenticité de la carte d'identité italienne et du permis de séjour italien produits par M. A dès lors que ce dernier n'a produit que des photocopies peu lisibles desdits documents et que le centre de coopération policière et douanière de Vintimille a indiqué que, si l'intéressé a détenu un titre de séjour en Italie, ce dernier est périmé depuis le 7 juin 2001 ; que sa mesure d'éloignement du 7 décembre 2009 n'est pas une décision de remettre l'intéressé aux autorités italiennes prise sur le fondement des dispositions de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le premier juge a commis une erreur de droit en jugeant que M. A relevait de la procédure prévue à l'article L. 531-1 précité et ne pouvait faire l'objet d'une reconduite à la frontière dès lors que l'autorité administrative n'était pas tenue de faire application des dispositions de l'article L. 531-1 et pouvait décider de renvoyer l'intéressé en Italie en cas d'accord des autorités de ce pays pour l'admettre sur leur territoire ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré au greffe le 5 mai 2010, présenté pour M. A, qui conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 €, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; il soutient que l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière n'a pas de base légale ; qu'il relevait de la procédure prévue à l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'entrait pas dans le cas prévu au 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en effet, il était en possession d'une carte d'identité italienne et d'un permis de séjour italien en cours de validité à la date de la mesure d'éloignement en litige ; que la circonstance que le PREFET DU RHONE avait saisi les autorités italiennes d'une demande de réadmission et que celles-ci n'y avaient pas répondu à la date de la mesure d'éloignement en litige, est sans incidence sur l'illégalité de cette dernière décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er juillet 2010 :
- le rapport de M. du Besset, président,
- les observations de Me Bouchet, représentant M. A,
- les conclusions de Mme Gondouin , rapporteur public,
la parole ayant été de nouveau donnée à Me Bouchet ;
Considérant, en premier lieu, que, d'une part, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) , et, aux termes de l'article L. 511-2 : les dispositions du 1° du II de l'article L. 511-1 sont applicables à l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne : / a) S'il ne remplit pas les conditions d'entrée prévues à l'article 5 de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 ; / b) Ou si, en provenance directe du territoire d'un Etat partie à cette convention, il ne peut justifier être entré sur le territoire métropolitain en se conformant aux stipulations de ses articles 19, paragraphe 1 ou 2, 20, paragraphe 1, et 21, paragraphe 1 ou 2 ; que, d'autre part, aux termes de l'article L. 531-1 du même code : Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-2 à L. 512-4 (1), L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne... et, selon le 3e alinéa de l'article L. 531-2, les dispositions de l'article L. 531-1 sont applicables à l'étranger détenteur d'un titre de résident de longue durée-CE en cours de validité accordé par un autre Etat membre qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions combinées que, d'une part, l'étranger détenteur d'un titre de résident de longue durée-CE en cours de validité accordé par un Etat membre de l'Union européenne peut être remis aux autorités compétentes de cet Etat, que, d'autre part, cet étranger ne peut pas faire l'objet de la procédure de reconduite à la frontière prévue à l'encontre des étrangers se trouvant dans le cas défini par le 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que l'article L. 511-2, s'il permet d'appliquer cette procédure à des étrangers en provenance directe du territoire d'un Etat partie à cette convention, ne vise pas le cas de ceux qui détiennent un tel titre de résident ;
Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a présenté un titre de résident de longue durée-CE en cours de validité, délivré par les autorités italiennes le 29 juillet 2003 ; que, si le PREFET DU RHONE soutient que ce document est faux, d'une part cette allégation n'est elle-même assortie d'aucune précision de nature à permettre à la Cour d'en apprécier le bien-fondé, d'autre part, le seul document produit, émanant du centre de coopération policière et douanière de Vintimille, et selon lequel M. A a eu en Italie un titre de séjour qui est périmé depuis le 7 juin 2001, ne suffit pas à l'établir ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU RHONE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 7 décembre 2009 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A ainsi que, par voie de conséquence, les décisions du même jour, prises sur son fondement, fixant le pays de destination et plaçant l'intéressé en rétention administrative ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A, qui n'est pas la partie perdante dans la présente affaire, quelque somme que ce soit au profit de l'Etat ;
Considérant, d'autre part, que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, au titre de ces dispositions, le versement d'une somme de 800 € à Me Martine Bouchet, avocat de M. A, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;
DECIDE :
Article 1er : La requête présentée par le PREFET DU RHONE est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 800 € à Me Martine Bouchet, sous réserve qu'elle renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, à M. Khalid A et au PREFET DU RHONE. Copie en sera adressé à Me Bouchet.
Lu en audience publique, le 8 juillet 2010.
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N° 10LY00034