La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/07/2010 | FRANCE | N°09LY02830

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 4ème chambre, 08 juillet 2010, 09LY02830


Vu la requête, enregistrée au greffe le 14 décembre 2009, présentée pour M. Najeh A, alors détenu à la maison d'arrêt de Corbas (Rhône) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0906751 en date du 13 novembre 2009, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 novembre 2009, par lequel le préfet de la Haute-Savoie a ordonné sa reconduite à la frontière, et de la décision du même jour fixant le pays de renvoi ;

2°) d'annuler cet arrêté

et cette décision pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lu...

Vu la requête, enregistrée au greffe le 14 décembre 2009, présentée pour M. Najeh A, alors détenu à la maison d'arrêt de Corbas (Rhône) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0906751 en date du 13 novembre 2009, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 novembre 2009, par lequel le préfet de la Haute-Savoie a ordonné sa reconduite à la frontière, et de la décision du même jour fixant le pays de renvoi ;

2°) d'annuler cet arrêté et cette décision pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 450 € par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 € en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son encontre le 10 novembre 2009 est entaché d'un défaut de base légale ; que le préfet de la Haute-Savoie a commis une erreur de droit au regard des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 511-4 de ce même code en édictant la décision contestée, dès lors qu'il contribue effectivement à l'éducation et à l'entretien de son enfant français ; que cette mesure d'éloignement porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît en cela les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet a méconnu l'article 3-1 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant dès lors que cette mesure d'éloignement a pour effet de le séparer de son enfant ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er juillet 2010 :

- le rapport de M. du Besset, président ;

- et les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité tunisienne, est entré irrégulièrement en France le 9 novembre 2009 et n'était pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité à la date de la mesure d'éloignement, le 10 novembre 2009 ; qu'ainsi, il entrait dans le cas prévu par les dispositions précitées du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ; qu'ainsi, le moyen tiré du défaut de base légale ne peut être qu'écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (... ) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ; (...) ; qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans et qu'aux termes de l'article L. 371-2 du Code civil : Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant ;

Considérant que M. A soutient qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant de nationalité française, qui est né le 27 novembre 2006 et a été placé auprès des services de l'aide sociale à l'enfance par jugement du juge des enfants du Tribunal de grande instance de Nanterre du 26 juin 2008 ; que, toutefois les pièces qu'il produit, - tickets de caisse non nominatifs et factures relatifs à des achats ponctuels de vêtements, de fournitures et de gâteaux, récépissé d'ouverture, le 19 décembre 2007, d'un livret A de la Caisse d'épargne au nom de son enfant, attestations de l'association auprès de laquelle il doit exercer son droit de visite sur son enfant, du 21 octobre 2009, certifiant qu'il fait usage de ce droit mais sans préciser depuis combien de temps, et du 23 octobre 2009, fixant ses prochaines dates de visite, prévues postérieurement à la date de la décision en litige -, ne suffisent pas à établir qu'il participe effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant depuis sa naissance ou au moins depuis deux ans à la date de l'arrêté de reconduite à la frontière en litige ; qu'en conséquence, il n'est pas fondé à soutenir qu'en prenant cet arrêté, le préfet de la Haute-Savoie a méconnu les dispositions précitées ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. et qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale ;

Considérant que M. A soutient que les décisions en litige le séparent de son épouse française et de leur fils, dont il s'occupe et sur lequel il exerce le droit de visite d'une heure et demie par mois qu'il a obtenu de l'autorité judiciaire ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A, qui a d'ailleurs fait l'objet, le 8 septembre 2009, d'une décision de refus de renouvellement de titre de séjour en tant que conjoint de ressortissant français en raison de l'absence de communauté de vie avec son épouse, ne vit pas avec celle-ci ; qu'il vit également sans son fils, qui, comme dit plus haut, a fait l'objet d'un placement auprès des services de l'aide sociale à l'enfance dès le mois de février 2008 ; que s'il fait valoir que ce placement est consécutif au comportement de son épouse et que celle-ci ne rend pas visite à leur enfant, il n'apporte, en tout état de cause, aucun justificatif à l'appui de cette allégation ; que les attestations mentionnées plus haut de l'association chargée d'organiser son droit de visite ne permettent pas d'établir l'ancienneté des relations qu'il entretiendrait avec son fils, alors, au demeurant, qu'il ressort des mentions figurant dans le jugement du 26 juin 2008 du juge pour enfants du Tribunal de grande instance de Nanterre, qu'il était resté absent de la vie de son enfant du fait de son incarcération ; que, dans ces conditions et eu égard aux conditions de son séjour en France, la décision attaquée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'elle méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 précité de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ; que la mesure d'éloignement n'a pas davantage méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Najeh A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Lu en audience publique, le 8 juillet 2010.

''

''

''

''

4

2

N° 09LY02830


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 09LY02830
Date de la décision : 08/07/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Emmanuel du BESSET
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : SHIBABA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-07-08;09ly02830 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award