Vu la requête, enregistrée à la Cour le 16 octobre 2009, présentée pour Mme Lirije A, domiciliée chez M. Isman A, ... ;
Mme A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0902842, en date du 29 septembre 2009, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Haute-Savoie, du 25 mai 2009, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que cet arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que cet arrêté méconnaît, enfin, les stipulations de l'article 9 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été notifiée au préfet de la Haute-Savoie qui n'a pas produit d'observations ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 juin 2010 :
- le rapport de M. Le Gars, président,
- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;
Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :
Considérant, en premier lieu, que Mme A ne peut pas utilement invoquer les risques et menaces qui pèseraient sur elle, en cas de retour au Kosovo, à l'encontre de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour, qui n'emporte pas, par elle-même, obligation pour l'intéressée de retourner dans son pays d'origine ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par la décision portant refus de délivrance de titre de séjour des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ; et qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...)7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ;
Considérant que Mme A, ressortissante kosovare née le 15 février 1975, est entrée irrégulièrement en France le 22 octobre 2007, accompagnée de ses deux enfants mineurs ; qu'elle a sollicité le statut de réfugiée dont le bénéfice lui a été refusé par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 10 juillet 2008, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile, le 16 avril 2009 ; que, tirant les conséquences de cette situation, le préfet de la Haute-Savoie, par la décision attaquée du 25 mai 2009, a refusé de lui délivrer un titre de séjour ; qu'elle soutient que, ce faisant, le préfet a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la requérante, mariée en 1994 avec M. Isman A, dont elle a eu deux enfants, nés en Allemagne, respectivement le 15 février 1996 et le 21 novembre 1999, vivait séparée de son époux depuis l'année 2000 et en était divorcée depuis le 15 mars 2003 ; que M. Isman A avait refait sa vie en France où il avait épousé une Française le 10 juillet 2004, dont il a divorcé le 10 mars 2008 ; que, selon les déclarations de Mme A, elle a gagné la France avec ses deux enfants, le 22 octobre 2007 pour trouver refuge auprès du père de ses deux fils et elle a repris la vie commune avec lui le 1er décembre 2008 ; qu'elle s'est remariée le 4 juillet 2009 et qu'un troisième enfant est né de leur union, le 20 avril 2010 ;
Considérant que le remariage de la requérante et de M. Isman A, ainsi que la naissance de leur troisième enfant, sont postérieurs à la décision attaquée et, par conséquent, sans incidence sur sa légalité ; qu'à cette date, la requérante était présente depuis seulement 1 an et 7 mois sur le territoire national, en situation irrégulière et n'avait repris une vie commune avec son ex-mari que depuis quelques mois après en avoir été séparée pendant 8 ans, de sorte que l'intensité et la pérennité des liens qu'elle avait recréés avec celui-ci n'étaient pas démontrés ; qu'il n'était d'ailleurs aucunement établi que leur vie familiale ne pouvait pas se poursuivre à l'étranger, d'autant que M. A ne devait sa carte de résident qu'à sa qualité, désormais révolue, de conjoint de Française ; que, dans ces conditions et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision contestée n'a pas porté au droit de Mme A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, ainsi, méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, en troisième lieu, que Mme A ne peut pas utilement se prévaloir des stipulations de l'article 9 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 qui concernent uniquement les relations d'Etat à Etat et ne sont pas applicables directement ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français
Considérant que pour les mêmes motifs que ceux qui ont mentionnés dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision portant refus de délivrance du titre de séjour, Mme A n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, celles de l'article 9 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de destination :
Considérant que pour les mêmes motifs que ceux qui ont mentionnés dans le cadre de l'examen de la légalité des décisions portant refus de délivrance du titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français, Mme A n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le Kosovo comme pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, celles de l'article 9 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ;
Considérant que Mme A soutient qu'elle serait exposée à un risque de traitement inhumain et dégradant en cas de retour au Kosovo car elle a été victime d'une agression sexuelle dans ce pays, ce qui a alimenté des rumeurs et un sentiment général de rejet de la population locale à l'encontre d'elle-même et de ses enfants de sorte qu'elle craint pour sa sécurité en cas de retour au Kosovo ; que, toutefois, ces allégations, qui ne sont d'ailleurs appuyées d'aucun commencement de preuve, ne sauraient permettre de tenir pour établi que sa vie serait menacée ou qu'elle serait exposée à un risque de traitement inhumain ou dégradant en cas de retour dans ce pays ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être rejeté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Lirije A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 30 juin 2010, à laquelle siégeaient :
M. Le Gars, président de la Cour,
M. Bézard, président de chambre,
Mme Chevalier-Aubert, Premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 juillet 2010.
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N° 09LY02430