La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/07/2010 | FRANCE | N°09LY01977

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 07 juillet 2010, 09LY01977


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 14 août 2009 à la Cour et régularisée le 17 août 2009, présentée pour Mlle Dragana A, domiciliée ... ;

Mlle A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901995, en date du 2 juillet 2009, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Haute-Savoie, du 26 mars 2009, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays de renvoi ;

2°) d'an

nuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 14 août 2009 à la Cour et régularisée le 17 août 2009, présentée pour Mlle Dragana A, domiciliée ... ;

Mlle A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901995, en date du 2 juillet 2009, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Haute-Savoie, du 26 mars 2009, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays de renvoi ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la décision portant refus de titre de séjour n'est motivée ni en droit, ni en fait et a été prise sans examen préalable de l'ensemble de sa situation ; que cette décision est entachée d'une erreur de fait quant à la partie ayant rompu le contrat de jeune fille au pair qu'elle avait conclu avec une famille résidant en France ; qu'elle aurait dû se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention étudiant ; que le refus de titre de séjour, qui compromet son investissement dans les études, alors qu'elle a trouvé une nouvelle famille disposée à l'accueillir comme jeune fille au pair, méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il est également entaché d'erreur manifeste d'appréciation en raison du comportement indélicat de sa première famille d'accueil, laquelle n'a pas respecté les termes du contrat conclu avec elle et a mis fin à ce dernier ; qu'elle a saisi le Conseil des Prud'hommes et qu'une audience de conciliation pour laquelle sa présence est rendue nécessaire pour lui permettre de défendre ses intérêts, est prévue ; que le refus de titre de séjour méconnaît donc les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle a été exploitée par sa famille d'accueil qui lui a imposé des conditions de travail contraires à la dignité des personnes ; qu'elle aurait donc dû, en application de l'article R. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, bénéficier d'un droit au séjour pour lui permettre de diligenter les actions judiciaires nécessaires ; que l'obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour qui la fonde ; que cette mesure d'éloignement, qui a été prise alors qu'elle n'avait pas commis de faute et qui compromet son investissement dans les études, méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle doit être en mesure de défendre ses intérêts devant le Conseil des Prud'hommes ; que l'obligation de quitter le territoire français méconnaît donc l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'enfin, la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée en conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été notifiée au préfet de la Haute-Savoie, qui n'a pas produit d'observations ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 juin 2010 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. et qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ;

Considérant que la décision attaquée vise notamment la demande de titre de séjour déposée par Mlle A en qualité de jeune fille au pair, l'accord portant sur un placement au pair conclu par l'intéressée au mois d'octobre 2008 et le courrier en date du 3 mars 2009, adressé par la famille d'accueil et faisant état de la rupture dudit accord de placement au pair à compter du 1er mars 2009 ; qu'elle mentionne en particulier que l'intéressée n'a présenté qu'une attestation provisoire d'inscription auprès d'un établissement d'enseignement et ne bénéficie pas d'un nouvel accord de placement au pair validé par la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle et qu'elle ne peut donc pas se voir délivrer un titre de séjour en qualité de jeune fille au pair ; qu'elle indique également que Mlle A, qui n'a produit qu'une attestation provisoire d'inscription auprès d'un établissement d'enseignement et qui ne dispose pas de ressources financières, ne peut pas davantage obtenir la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention étudiant , sur le fondement de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il résulte de ce qui précède que cette décision a été prise après examen de l'ensemble de la situation de Mlle A et comporte l'énoncé des éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite, le moyen tiré d'un défaut de motivation de cette décision doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'erreur de fait alléguée quant à la partie contractante à l'origine de la rupture de l'accord de placement au pair qui aurait été commise par le préfet, alors, au demeurant, que la requête d'appel comporte des affirmations contradictoires sur ce point, n'est pas avérée ; qu'elle serait, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la décision contestée ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : I. - La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention étudiant. En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée et sous réserve d'une entrée régulière en France. (...) et qu'aux termes de l'article R. 313-7 du même code : Pour l'application du I de l'article L. 313-7, l'étranger qui demande la carte de séjour portant la mention étudiant doit en outre présenter les pièces suivantes : / 1° La justification qu'il dispose de moyens d'existence, correspondant à 70 % au moins du montant de l'allocation d'entretien mensuelle de base versée, au titre de l'année universitaire écoulée, aux boursiers du Gouvernement français ; (...) ;

Considérant que Mlle A ne conteste pas qu'à la date de la décision contestée, le 26 mars 2009, elle n'était plus titulaire d'un contrat de jeune fille au pair et ne disposait pas de moyens d'existence ; que la circonstance qu'elle a engagé une action en justice pour obtenir de la famille qui l'avait accueillie comme jeune fille au pair jusqu'au 1er mars 2009, le paiement des rémunérations qui lui seraient dues, est sans incidence ; que, par suite, le préfet de la Haute-Savoie a pu légalement opposer à Mlle A le fait qu'elle ne justifiait pas disposer de moyens d'existence suffisants, pour lui refuser la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant que la requérante, ressortissante serbe, est entrée régulièrement en France, le 9 novembre 2008, après avoir signé un accord de placement de jeune fille au pair auprès d'une famille résidant en France ; qu'il est constant que cet accord a été rompu le 1er mars 2009 et, qu'à la date de la décision contestée, Mlle A ne disposait pas d'un autre accord de placement en qualité de jeune fille au pair dûment validé par les autorités compétentes ; que Mlle A, âgée de vingt-six ans et présente en France depuis seulement quatre mois à la date de la décision contestée, n'établit pas avoir fixé sur le territoire français, où elle n'allègue pas disposer d'attaches familiales ni même avoir entamé des études, le centre de ses intérêts privés et familiaux, alors que sa famille réside en Serbie ; que, par suite, compte tenu des circonstances de l'espèce, en refusant à Mlle A la délivrance d'un titre de séjour, le préfet de la Haute-Savoie n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en cinquième lieu, que, compte tenu de ce qui précède, et alors même que la famille d'accueil de Mlle A n'aurait pas respecté les termes de l'accord de placement de jeune fille au pair conclu avec l'intéressée, le préfet de la Haute-Savoie n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de la requérante, en refusant à cette dernière la délivrance d'un titre de séjour ;

Considérant, en sixième lieu, que Mlle A, qui soutient qu'elle doit être à même de pouvoir défendre ses intérêts devant le Conseil des Prud'hommes qu'elle a saisi suite à la rupture de l'accord de placement de jeune fille au pair et devant lequel elle est convoquée, ne peut pas utilement se prévaloir, à l'encontre de la décision de refus de titre, des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, qui ne sont pas applicables aux procédures administratives ;

Considérant enfin, qu'aux termes de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale peut être délivrée à l'étranger qui dépose plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre les infractions visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal ou témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions. La condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigée. Cette carte de séjour temporaire ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. / En cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, une carte de résident peut être délivrée à l'étranger ayant déposé plainte ou témoigné. et qu'aux termes de l'article R. 316-1 du même code : Le service de police ou de gendarmerie qui dispose d'éléments permettant de considérer qu'un étranger, victime d'une des infractions constitutives de la traite des êtres humains ou du proxénétisme prévues et réprimées par les articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal, est susceptible de porter plainte contre les auteurs de cette infraction ou de témoigner dans une procédure pénale contre une personne poursuivie pour une infraction identique, l'informe : / 1° De la possibilité d'admission au séjour et du droit à l'exercice d'une activité professionnelle qui lui sont ouverts par l'article L. 316-1 ; (...) ;

Considérant que si Mlle A a saisi le Conseil des Prud'hommes de la violation, par sa famille d'accueil, des termes du contrat de placement de jeune fille au pair la concernant, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ait déposé plainte contre des membres de cette famille en les accusant d'avoir commis à son encontre des actes constitutifs de la traite des êtres humains ou de proxénétisme ; que, par suite, elle ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l'article R. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que Mlle A n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français ;

Considérant, en second lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux précédemment retenus dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour, les moyens tirés de la violation, par la mesure d'éloignement, des stipulations des articles 6 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne peuvent qu'être écartés ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

Considérant que la décision portant obligation de quitter le territoire français contestée étant légale, la décision fixant le pays de renvoi n'est pas privée de base légale ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mlle A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Dragana A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2010, à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Bézard, président de chambre,

Mme Chevalier-Aubert, Premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 juillet 2010.

''

''

''

''

1

2

N° 09LY01977


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY01977
Date de la décision : 07/07/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : SAMBA SAMBELIGUE ARMAND

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-07-07;09ly01977 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award