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05/07/2010 | FRANCE | N°09LY02494

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 05 juillet 2010, 09LY02494


Vu la requête, enregistrée le 23 octobre 2009 à la Cour, présentée pour Mme Angela KHATCHATRIAN épouse A, domiciliée ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0807360, en date du 3 février 2009, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 9 septembre 2008, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce

délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire fra...

Vu la requête, enregistrée le 23 octobre 2009 à la Cour, présentée pour Mme Angela KHATCHATRIAN épouse A, domiciliée ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0807360, en date du 3 février 2009, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 9 septembre 2008, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet du Rhône de lui délivrer un titre mention vie privée et familiale dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 300 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Elle soutient que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre qui la fonde, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code précité et les stipulations de l'article 8 de la Convention susmentionnée ; que la décision fixant le pays de destination est illégale en conséquence de l'illégalité des deux décisions susmentionnées, est entachée d'une erreur de fait et méconnaît les stipulations de l'article 3 de la Convention précitée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 2 mars 2010, présenté par le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la requête d'appel est irrecevable et que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ne méconnaît pas les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations des articles 3 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et ne méconnaît pas les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code précité et les stipulations de l'article 8 de la Convention susmentionnée ; que la décision fixant le pays de destination ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la Convention susmentionnée ;

Vu le mémoire, enregistré le 02 avril 2010, présenté pour Mme Angela KHATCHATRIAN épouse A, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Vu la décision en date du 15 septembre 2009 accordant l'aide juridictionnelle totale à Mme A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 juin 2010 :

- le rapport de M. Givord, président-assesseur ;

- les observations de Me Petit, assisté de Me Zouine, avocat stagiaire, représentant la requérante ;

- et les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée à nouveau à la partie présente ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête :

Considérant que Mme A, née le 26 juin 1953 en Azerbaïdjan et d'origine arménienne, a épousé en 1975 un ressortissant azerbaïdjanais d'origine azérie ; qu'elle soutient qu'en raison de violences ethniques, elle a été contrainte de résider en Russie avec sa famille à compter de l'année 1990 ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'au mois d'août 2002, les autorités allemandes lui ont refusé l'admission au statut de réfugié qu'elle avait sollicitée sous un nom d'emprunt ; qu'elle est alors retournée en Russie, puis est entrée irrégulièrement en France au mois d'octobre 2004 et a demandé l'asile politique ; que par une décision du 25 février 2008, la Cour nationale du droit d'asile lui a retiré, pour fraude, le statut de réfugié qui lui avait été accordé par une décision de la Commission des recours des réfugiés en date du 23 janvier 2007 ; que par un arrêté en date du 7 avril 2009, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour ; que Mme A a alors présenté une nouvelle demande de titre de séjour, fondée sur son état de santé ; que par la présente requête, elle demande à la Cour d'annuler le jugement du 3 février 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 9 septembre 2008 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français à destination du pays dont elle a la nationalité ou de tout autre pays dans lequel elle serait légalement admissible ;

Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. (...) ;

Considérant que la décision du 9 septembre 2008 par laquelle le préfet du Rhône a refusé à la requérante la délivrance d'un titre de séjour a été prise au vu d'un avis en date du 16 juillet 2008, par lequel le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales du Rhône a estimé que l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que celle-ci peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des trois certificats médicaux établis au mois de mai 2008, que Mme A souffre de troubles dépressifs et anxieux ainsi que de douleurs psychogènes nécessitant un traitement psychotrope ; que toutefois ces certificats n'établissent ni que le défaut de prise en charge médicale de l'intéressée aurait pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ni de l'impossibilité pour celle-ci de suivre un traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'ainsi, même à supposer que Mme A ne puisse bénéficier dans son pays d'origine du même traitement que celui dont elle bénéficie en France, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Rhône aurait méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant que Mme A n'a aucune attache familiale en France ; que selon ses déclarations, son conjoint et ses enfants résident en Russie ; que si elle fait état de sa bonne intégration personnelle en France et des discriminations dont elle ferait l'objet en Russie et en Azerbaïdjan, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ne pourrait poursuivre une vie privée et familiale hors du territoire français ; que, dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, le refus de délivrance d'un titre de séjour attaqué n'a pas porté au droit de Mme A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs pour lesquels il a été pris ; qu'il en résulte que le préfet du Rhône n'a ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette décision sur la situation personnelle de la requérante, en refusant de délivrer le titre de séjour sollicité ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant que pour les motifs précédemment exposés, Mme A n'est fondée à soutenir ni qu'en vertu des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, son état de santé faisait obstacle à ce qui lui soit fait obligation de quitter le territoire français, ni que cette obligation ait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou ait été entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;

Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de destination :

Considérant, en premier lieu, que compte tenu de ce qui vient d'être dit, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination serait illégale, en conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sur lesquelles elle se fonde, doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que Mme A s'est réclamée de la nationalité azerbaïdjanaise ; que, hors le cas de fraude, il n'appartient pas à l'autorité administrative de mettre en cause la situation personnelle d'un étranger ; que dès lors, le préfet a pu mentionner dans son arrêté, sans erreur de droit ou de fait, que Mme A était ressortissante azerbaïdjanaise alors même qu'il n'avait pas préalablement diligenté une enquête auprès des autorités consulaires ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. et que ce dernier texte énonce que Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ; que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant que Mme A soutient d'une part, être menacée de pratiques discriminatoires en raison de son origine arménienne, en cas de retour dans son pays d'origine, et d'autre part, être exposée à un risque pour sa santé en raison de l'absence de structure sanitaire adéquate dans ledit pays ; que les pièces qu'elle produit ne présentent toutefois ni un caractère suffisamment probant ni des garanties d'authenticité suffisantes pour permettre de démontrer la réalité des risques qu'elle encourrait personnellement en cas de retour en Azerbaïdjan ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision fixant ce pays comme destination de la mesure d'éloignement a méconnu les stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Angela A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2010, à laquelle siégeaient :

M. Givord, président-assesseur,

M. Reynoird, premier conseiller,

M. Seillet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 juillet 2010.

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N° 09LY02494


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY02494
Date de la décision : 05/07/2010
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. GIVORD
Rapporteur ?: M. Pierre Yves GIVORD
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : COUDERC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-07-05;09ly02494 ?
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