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30/06/2010 | FRANCE | N°09LY01464

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 30 juin 2010, 09LY01464


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 29 juin 2009, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE ;

Le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901108, en date du 15 mai 2009, du Tribunal administratif de Grenoble, en tant qu'il a, à la demande de M. Aram A, annulé les articles 2 et 3 de l'arrêté du 13 novembre 2008 portant obligation, pour l'intéressé, de quitter le territoire et désignant le pays de destination ;

2°) de rejeter la demande de M. A présentée devant le Tribunal administratif de Grenoble tendant

l'annulation de l'arrêté du 13 novembre 2008 en tant qu'il porte obligation de qu...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 29 juin 2009, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE ;

Le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901108, en date du 15 mai 2009, du Tribunal administratif de Grenoble, en tant qu'il a, à la demande de M. Aram A, annulé les articles 2 et 3 de l'arrêté du 13 novembre 2008 portant obligation, pour l'intéressé, de quitter le territoire et désignant le pays de destination ;

2°) de rejeter la demande de M. A présentée devant le Tribunal administratif de Grenoble tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 novembre 2008 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire et fixe le pays de renvoi ;

Le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en annulant l'obligation de quitter le territoire sur la base d'éléments intervenus postérieurement à cette décision ; que la situation de la mère de M. A était claire et identique à celle de son fils à la date de l'arrêté litigieux ; que la circonstance qu'un courrier ait été remis à cette dernière, dans le cadre d'une demande de réexamen de sa situation au regard de son état de santé, était sans incidence ; que l'arrêté, en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire et fixe le pays de renvoi, a été pris dans le respect des articles L. 511-4 et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que n'est pas démontrée la nécessité de la présence de l'intéressé aux côtés de sa mère ; que M. A n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni dans celui d'aucun autre article, pour se voir délivrer un quelconque titre de séjour ; qu'il n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2009, présenté pour M. A, qui conclut au rejet de la requête du préfet et à ce qu'une somme de 1 196 euros soit mise à la charge de l'Etat au bénéfice de son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle ; il soutient que le Tribunal s'est fondé sur des éléments de fait existants à la date de l'arrêté litigieux ; que la décision de refus de titre du 13 novembre 2008, prise à l'encontre de sa mère, assortie d'une obligation de quitter le territoire, ne fait pas mention de sa situation médicale ; que le Tribunal n'était pas lié par cette décision de refus et a pu, à juste titre, estimer qu'en novembre 2008 la situation de sa mère n'était pas définitivement réglée, dès lors que l'instruction de sa demande de titre, en raison de son état de santé, était en cours ; que les pièces postérieures à l'arrêté attaqué ne viennent que témoigner d'une situation qui existait antérieurement ; que le préfet a été saisi d'une demande de titre en tant qu'étranger malade par sa mère en février 2009 ; que les éléments fournis à cette occasion induisaient la délivrance d'un titre à l'intéressée, ainsi que le réexamen de la situation de son fils, dont la présence est indispensable à ses côtés dès lors qu'il est son seul soutien familial, ainsi que l'a constaté le Tribunal ; que le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences d'une obligation de quitter le territoire sur sa situation privée et familiale et celle de sa mère ; que le refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet n'a pas précisé vers quel pays il pourrait être légalement renvoyé ; que son origine azérie et sa naissance dans le Haut Karabakh poseront des difficultés au regard des autorités arméniennes ou azerbaïdjanaises, ainsi que de celles du Haut Karabakh ; qu'il ne peut plus résider en Fédération de Russie où il ne bénéficie d'aucun droit au séjour et où il a été victime d'agressions par les forces de l'ordre en raison de ses origines ;

Vu, la décision en date du 17 novembre 2009, du bureau d'aide juridictionnelle, admettant M. A à l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée le 4 novembre 1950 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 juin 2010 :

- le rapport de Mme Besson-Ledey, premier conseiller ;

- les observations de Me Pochard, substituant Me Fréry, avocat de M. A ;

- et les conclusions de M. Raisson, rapporteur public ;

- la parole ayant été de nouveau donnée à Me Pochard, substituant Me Fréry, avocat de M. A ;

Considérant que M. Aram A, originaire du Haut-Karabakh, entré en France, selon ses déclarations, en octobre 2006, accompagné de sa mère, a présenté une demande d'asile qui a fait l'objet d'une décision de rejet par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 15 mai 2007, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 23 octobre 2008 ; que, suite à ces refus, le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE lui a refusé l'admission au séjour par un arrêté du 13 novembre 2008, assorti d'une obligation de quitter le territoire, à destination de son pays d'origine ; que, par un jugement du 15 mai 2009, dont le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE relève appel, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé, à la demande de M. A, l'arrêté susmentionné du 13 novembre 2008, en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire et fixe le pays de renvoi ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1°. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant qu'à la date de l'arrêté attaqué du 13 novembre 2008, la mère de M. A, Mme B, faisait également, par un arrêté du même jour, l'objet d'un refus de titre de séjour, assorti d'une obligation de quitter le territoire ; que, si elle a sollicité le réexamen de sa situation, en raison de son état de santé, cette demande n'a été déposée qu'en février 2009, soit postérieurement à l'arrêté litigieux ; que, par ailleurs, outre que le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE n'était pas tenu, à défaut d'être saisi d'une telle demande, d'examiner d'office si, le 13 novembre 2008, Mme B était en droit d'obtenir un titre de séjour en qualité d'étranger malade , il ne résulte pas de l'instruction que des éléments auraient pu, à la date de la décision litigieuse, laisser présager la nécessité de la présence du requérant en France aux côtés de sa mère en raison de l'état de santé de cette dernière ; qu'il s'ensuit que la mère de M. A ne bénéficiait d'aucun droit au séjour à la date de l'arrêté concerné ; que ce dernier ne pouvait, en conséquence, utilement se prévaloir ni de la nécessité de sa présence en France aux côtés de sa mère, ni de l'instruction en cours de la demande de titre de séjour de cette dernière, déposée postérieurement à l'arrêté litigieux ; que, par suite, M. A étant entré récemment en France et n'ayant aucune autre attache familiale sur le territoire, le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Grenoble, pour annuler la décision du 13 novembre 2008, portant obligation de quitter le territoire et, par voie de conséquence, la décision du même jour fixant le pays de renvoi, s'est fondé sur le motif tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire portait au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire et de celle fixant le pays de renvoi, tant devant le Tribunal administratif de Grenoble qu'en appel ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet en première instance :

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision portant obligation de quitter le territoire sur la situation personnelle de M. A ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'obligation de quitter le territoire n'étant pas illégale, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée, par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire, ne peut être qu'écarté ;

Considérant que M. A ne peut utilement invoquer à l'encontre d'une décision individuelle l'obligation pour l'administration de l'abroger ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa ;

Considérant que le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE, après avoir précisé que M. A était de nationalité azerbaïdjanaise, a fixé le pays dont l'intéressé a la nationalité comme pays de renvoi, en exécution de l'obligation de quitter le territoire ; que M. A n'est donc pas fondé à soutenir que ledit préfet n'aurait pas fixé le pays vers lequel il pourrait être éloigné ; que, n'ayant pas la nationalité russe, le moyen tiré de ce qu'il encourrait des risques en cas de retour en Fédération de Russie est inopérant ; que, par ailleurs, en se bornant à soutenir que son origine azérie et sa naissance dans le Haut Karabakh poseront de toute évidence des difficultés au regard des autorités arméniennes ou azerbaïdjanaises et du Haut Karabakh et qu'il a sollicité une aide sans succès auprès de l'ambassade d'Azerbaïdjan , M. A n'établit pas qu'il ne pourrait pas être reconduit dans son pays d'origine ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 13 novembre 2008 en tant qu'il porte obligation, pour M. A, de quitter le territoire et fixe le pays de renvoi ;

Sur les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. A, qui, dans la présente instance, est la partie perdante, obtienne quelque somme que ce soit au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0901108, en date du 15 mai 2009, du Tribunal administratif de Grenoble, en tant qu'il a annulé les articles 2 et 3 de l'arrêté du 13 novembre 2008 du PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE portant obligation, pour M. A, de quitter le territoire et désignant le pays de destination, est annulé.

Article 2 : La demande de M. A, présentée devant le Tribunal administratif de Grenoble, tendant à l'annulation des articles 2 et 3 de l'arrêté du 13 novembre 2008 du PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE et les conclusions qu'il a présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE, à M. Aram A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Délibéré après l'audience du 10 juin 2010 à laquelle siégeaient :

M. Montsec, président,

Mme Jourdan et Mme Besson-Ledey, premiers conseillers

Lu en audience publique, le 30 juin 2010.

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N° 09LY01464


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY01464
Date de la décision : 30/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MONTSEC
Rapporteur ?: Mme Laurence BESSON-LEDEY
Rapporteur public ?: M. RAISSON
Avocat(s) : FRERY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-06-30;09ly01464 ?
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