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29/06/2010 | FRANCE | N°07LY01468

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 29 juin 2010, 07LY01468


Vu la requête, enregistrée le 12 juillet 2007 par télécopie et régularisée le 16 juillet 2007, et le mémoire complémentaire, enregistré le 22 août 2008, présentés pour la SOCIETE FRANCAISE DU TUNNEL ROUTIER DU FREJUS dont le siège est 20 rue de la Bourse à Lyon (69289 cedex 02) ;

La SOCIETE FRANCAISE DU TUNNEL ROUTIER DU FREJUS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0304985 du 11 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée à verser une somme de 150 000 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 6 juin 2003, à M.

et Mme A en réparation des préjudices qu'ils subissent du fait de la présence de l...

Vu la requête, enregistrée le 12 juillet 2007 par télécopie et régularisée le 16 juillet 2007, et le mémoire complémentaire, enregistré le 22 août 2008, présentés pour la SOCIETE FRANCAISE DU TUNNEL ROUTIER DU FREJUS dont le siège est 20 rue de la Bourse à Lyon (69289 cedex 02) ;

La SOCIETE FRANCAISE DU TUNNEL ROUTIER DU FREJUS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0304985 du 11 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée à verser une somme de 150 000 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 6 juin 2003, à M. et Mme A en réparation des préjudices qu'ils subissent du fait de la présence de l'autoroute A 43 à proximité de leur propriété ;

2°) à titre principal, de rejeter la demande de M. et Mme A présentée devant le Tribunal administratif de Grenoble et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise aux fins, notamment, de déterminer et d'évaluer le préjudice des intéressés ;

Elle soutient que le tribunal administratif n'a pas tenu compte des dispositifs anti-bruits réalisés afin de réduire l'impact de l'ouvrage sur l'hôtel dont M. et Mme A sont propriétaires ; que les premiers juges ne pouvaient retenir l'existence d'un préjudice anormal et spécial sur la base des seules affirmations de M. et Mme A et alors qu'aucune mesure acoustique n'a été produite tant antérieurement que postérieurement à la réalisation de l'ouvrage ; que l'on peut douter de la sincérité de l'avenant, du 1er février 1997, au contrat de location gérance de l'hôtel, qui constate la réduction de moitié du chiffre d'affaires et réduit en conséquence le montant de la redevance, compte tenu de sa date de signature, pratiquement concomitante à la mise en service de l'autoroute, et des liens qui unissent les deux parties au contrat ; qu'il est inexact que le chiffre d'affaire a diminué de moitié ; que M. et Mme A n'établissent pas que la réduction du montant de la redevance versée par la SARL Louis A est imputable à la présence de l'ouvrage ; que M. et Mme A ont refusé une offre d'achat de leur bien et ont souhaité le conserver et poursuivre l'activité en toute connaissance de cause ; que les premiers juges ne disposaient pas des éléments permettant de chiffrer le préjudice de M. et Mme A ; qu'il est donc difficile de comprendre l'évaluation forfaitaire à laquelle ils ont procédée ; que la baisse d'activité peut résulter d'autres causes que la seule présence de l'ouvrage ; que la diminution du chiffre d'affaire ne pouvait être retenue pour déterminer le préjudice de M. et Mme A dès lors qu'ils ne sont pas exploitants mais bailleurs ; que dans ces conditions seule la diminution de la valeur vénale de la propriété pouvait être retenue pour fixer le préjudice ; qu'à cet égard le document établi par un agent immobilier, attestant d'une dépréciation de 35 % du bien, n'est pas de nature à justifier le montant du préjudice allégué ; que, compte tenu de la clientèle essentiellement locale de l'établissement, les conséquences de l'ouverture de l'autoroute sur l'activité doivent être minimisées ; qu'elle dispose désormais d'une étude acoustique qui révèle que les nuisances sonores subies par l'établissement de M. et Mme A sont moins importantes postérieurement à la réalisation de l'autoroute et des écrans anti-bruits ; que, en effet, antérieurement aux travaux dont s'agit l'établissement était exposé au bruit de plusieurs voies de communication ; que les intéressés ont refusé plusieurs campagnes de mesure du bruit à la suite des travaux autoroutiers ; qu'ils ont quitté les lieux et cessé toute exploitation après la perception de l'indemnité allouée par les premiers juges ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 10 février 2010 par télécopie et régularisé le 11 février suivant, le mémoire présenté pour M. et Mme A qui concluent au rejet de la requête et à la condamnation de la SOCIETE FRANCAISE DU TUNNEL ROUTIER DU FREJUS à leur verser une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; ils soutiennent que c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné la requérante dès lors que la présence de l'autoroute, à une quinzaine de mètres de leur établissement, engendre des nuisances qui excèdent nécessairement celles que les riverains des voies publiques doivent normalement subir, sans qu'une expertise sonore soit nécessaire pour l'établir, et une perte de valeur vénale ; que la SOCIETE FRANCAISE DU TUNNEL ROUTIER DU FREJUS ne peut pas utilement se prévaloir de l'absence d'expertises sonores, lesquelles ne fournissent que des indices que le juge apprécie souverainement ; que l'existence de dispositifs anti-bruits ne fait pas disparaître les nuisances et n'est pas de nature à exonérer la SOCIETE FRANCAISE DU TUNNEL ROUTIER DU FREJUS de sa responsabilité ; que la réparation des troubles de jouissance et de la perte de valeur vénale est justifiée compte tenu de l'ensemble des nuisances ; que la diminution de la redevance demandée à l'exploitant a bien été entraînée par la baisse du chiffre d'affaire qui résulte elle-même de la présence de l'autoroute ; que le chiffre d'affaire est d'ailleurs en baisse constante depuis la mise en service de l'infrastructure et la perte consécutive de la clientèle de passage ; qu'ils sont propriétaires du bâtiment et également du fonds de commerce ; que la SOCIETE FRANCAISE DU TUNNEL ROUTIER DU FREJUS ne démontre pas que la baisse d'activité est liée à d'autres causes que la présence de l'ouvrage ; qu'ils établissent que cette baisse est postérieure à l'ouverture de l'ouvrage à la circulation ; que la SOCIETE FRANCAISE DU TUNNEL ROUTIER DU FREJUS ne démontre pas la nécessité de procéder à d'autres modalités d'évaluation du préjudice que celles proposées ; que l'expertise sollicitée n'est pas utile et doit être rejetée ;

Vu, enregistré le 15 mars 2010 par télécopie et régularisé le 17 mars 2010, le mémoire présenté pour la SOCIETE FRANCAISE DU TUNNEL ROUTIER DU FREJUS qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ; elle fait par ailleurs valoir que les principales exigences réglementaires en matière de détermination des nuisances sonores restent applicables ; que le recours à l'expertise technique demeure utile pour apprécier la réalité d'un préjudice ; que l'existence d'un dommage anormal et spécial est une des conditions d'engagement de la responsabilité sans faute du concessionnaire d'une opération de travaux publics à l'égard des tiers ; qu'elle conteste bien l'existence d'un dommage anormal ; qu'une expertise permettant d'apprécier l'incidence de l'autoroute sur le commerce de M. et Mme A apparaît indispensable ; qu'il ne lui appartient pas de déterminer l'origine de la baisse du chiffre d'affaire et de la redevance ; que si l'existence d'un préjudice anormal était retenue, l'organisation d'une expertise permettant de l'évaluer serait indispensable ;

Vu, enregistré le 22 avril 2010 par télécopie et régularisé le 24 avril le mémoire déposé pour M. et Mme A insistant sur la réalité des nuisances sonores ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 juin 2010 :

- le rapport de Mme Serre, présidente ;

- les observations de Me Perrier, avocat de la SOCIETE FRANCAISE DU TUNNEL ROUTIER DU FREJUS et de Me Royannez, avocat de M. et Mme A ;

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;

La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;

Considérant que la SOCIETE FRANCAISE DU TUNNEL ROUTIER DU FREJUS fait appel du jugement susvisé du Tribunal administratif de Grenoble du 11 mai 2007 qui l'a condamnée à verser à M. et Mme A une somme de 150 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 juin 2003, en réparation du préjudice résultant de la présence de l'autoroute A 43 à proximité de l'hôtel-restaurant qu'ils exploitent sur la commune de Saint-Rémy-de-Maurienne ;

Sur la responsabilité :

Considérant, en premier lieu, que seuls les dommages qui excèdent ceux que peuvent être appelés à subir dans l'intérêt général les riverains d'une voie publique présentent le caractère d'un préjudice anormal et spécial de nature à ouvrir droit à indemnisation ; que M. et Mme A soutiennent qu'ils subissent, depuis l'ouverture de l'autoroute A 43 en 1997, des nuisances sonores ainsi que visuelles et atmosphériques ; que toutefois, d'une part, la SOCIETE FRANCAISE DU TUNNEL ROUTIER DU FREJUS produit pour la première fois en appel une étude acoustique, non contestée, qui révèle que, antérieurement à la construction de l'autoroute A 43, la propriété de M. et Mme A était exposée, du fait de la présence à proximité de plusieurs voies de communication et de l'Arc, à un niveau de nuisances sonores supérieur à celui qui a été enregistré postérieurement à la mise en service de l'infrastructure autoroutière ; que c'est la réalisation, dans le cadre des travaux d'aménagement de l'autoroute, d'un écran anti-bruit au droit de l'établissement qui a permis cette baisse de l'intensité sonore ; que dans ces conditions, eu égard à l'état antérieur des lieux, le bruit de la circulation des véhicules résultant de la proximité de l'autoroute A 43 n'entraîne pas, en l'espèce, une aggravation de la situation de l'établissement de M. et Mme A ; que, d'autre part, si M. et Mme ORSET font état de nuisances visuelles et atmosphériques, ils n'apportent aucune preuve concrète de ces gênes permettant d'apprécier leur anormalité et leur spécialité au regard de celles que doivent normalement supporter, dans l'intérêt général, les propriétaires voisins d'une autoroute ;

Considérant, en second lieu, que les modifications apportées à la circulation générale et résultant soit de changements effectués dans l'assiette ou dans la direction des voies publiques, soit de la création de voies nouvelles ne sont pas de nature à ouvrir droit à indemnité ; qu'ainsi, à supposer même que la mise en service de l'autoroute A 43 ait eu pour conséquence de priver l'établissement de M. et Mme A d'une partie de sa clientèle, les intéressés ne peuvent prétendre à indemnité de ce chef ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la présence de l'autoroute A 43 ne peut être regardée, en l'espèce, comme à l'origine d'un préjudice anormal et spécial ouvrant droit à réparation au profit de M. et Mme A ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, la SOCIETE FRANCAISE DU TUNNEL ROUTIER DU FREJUS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a condamnée à verser une somme de 150 000 euros, outre intérêts au taux légal à compter de 6 juin 2003, à M. et Mme A ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la SOCIETE FRANCAISE DU TUNNEL ROUTIER DU FREJUS, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à verser quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par M. et Mme A et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Grenoble n° 0304985 du 11 mai 2007 est annulé.

Article 2 : La demande de M. et Mme A présentée devant le Tribunal administratif de Grenoble et leurs conclusions d'appel tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE FRANCAISE DU TUNNEL ROUTIER DU FREJUS et à M. et Mme A.

Délibéré après l'audience du 18 juin 2010 à laquelle siégeaient :

Mme Serre, présidente de chambre,

Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,

M. Picard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 juin 2010.

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No 07LY01468


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07LY01468
Date de la décision : 29/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme SERRE
Rapporteur ?: Mme Claire SERRE
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : BERN FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-06-29;07ly01468 ?
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