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24/06/2010 | FRANCE | N°09LY02644

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 4ème chambre, 24 juin 2010, 09LY02644


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 18 novembre 2009, présentée par M. Gokhan A, dont le domicile est ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0906657 du 6 novembre 2009 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Loire en date du 8 septembre 2009 lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixant le pays de renvoi, et de la décision du 4 novembre 20

09 ordonnant son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler pour...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 18 novembre 2009, présentée par M. Gokhan A, dont le domicile est ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0906657 du 6 novembre 2009 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Loire en date du 8 septembre 2009 lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixant le pays de renvoi, et de la décision du 4 novembre 2009 ordonnant son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ainsi que la décision du préfet de la Loire du 8 septembre 2009 portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 € par jour de retard, et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le jugement attaqué est entaché d'un défaut de motivation en ce qui concerne l'application de l'article 6 de la décision du 19 septembre 1980 du conseil d'association entre la Communauté économique européenne et la Turquie ; que la décision de refus de titre de séjour est entachée d'incompétence et d'insuffisance de motivation ; qu'elle a méconnu les stipulations de l'article 6 de la décision du 19 septembre 1980 du conseil d'association entre la Communauté économique européenne et la Turquie, les dispositions de l'article L. 313-12, du 4° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et les dispositions de l'article 341-2 du code du travail ; qu'en effet, il a saisi le préfet de la Loire d'une demande de titre de séjour en qualité de salarié et la communauté de vie avec son épouse a été rompue en raison de violences qu'il a subies de la part de celle-ci ; qu'en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, le préfet de la Loire a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des textes précités et une erreur de droit au regard de l'article 6 de la décision du 19 septembre 1980 du conseil d'association entre la Communauté économique européenne et la Turquie ; que l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour qui la fonde ; que la mesure d'éloignement et la décision fixant le pays de renvoi sont affectées des mêmes vices que la décision de refus de titre et doivent, par voie de conséquence, être annulées ; que la décision de maintien en rétention administrative est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français qui la fonde ; qu'elle est affectée des mêmes vices que les trois autres décisions et doit, par voie de conséquence, être annulée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 9 juin 2010, le mémoire en défense présenté par le préfet de la Loire, qui conclut au rejet de la requête ; le préfet de la Loire s'en remet aux écritures qu'il a présentées en première instance ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'accord instituant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie signé le 12 septembre 1963, approuvé et confirmé par la décision 64/732/CEE du Conseil du 23 décembre 1963 ;

Vu la décision n°1/80 du 19 septembre 1980 du conseil d'association entre la Communauté économique européenne et la Turquie ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 juin 2010 :

- le rapport de M. du Besset, président,

- et les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public ;

Sur les conclusions relatives à la décision portant refus de titre de séjour :

Considérant qu'il n'a pas été statué par le jugement attaqué sur la demande d'annulation de la décision portant refus de titre de séjour, celle-ci ayant été renvoyée devant une formation collégiale du tribunal ; que, par suite, les conclusions susanalysées sont irrecevables ;

Sur les conclusions relatives à l'obligation de quitter le territoire français :

En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour en date du 8 septembre 2009 :

Considérant, en premier lieu, que la décision du 8 septembre 2009 a été signée par M. Patrick Ferin, secrétaire général de la préfecture de la Loire, qui avait régulièrement reçu délégation à cet effet par arrêté du 23 février 2009, publié le jour même au recueil des actes administratifs de la préfecture ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette décision doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que cette décision, après avoir visé les textes applicables, expose la situation de l'intéressé en relevant qu'il ne remplit pas les conditions pour obtenir la délivrance d'un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compte tenu de la rupture de la communauté de vie avec son épouse, ni sur le fondement du 7° du même article L. 313-11, dès lors qu'il est séparé, n'a pas enfant et n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine ; que la décision indique qu'il ne remplit pas non plus les conditions pour obtenir la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié, sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 40 de la loi du 20 novembre 2007, compte tenu de l'absence de contrat de travail visé par la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle et de la nature de l'emploi ; que la décision mentionne enfin que sa situation n'entre dans aucun autre cas d'attribution d'un titre de séjour en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'elle ne contrevient pas aux stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dans ces conditions, la décision du 8 septembre 2009 ne peut être regardée comme insuffisamment motivée ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la décision n°1/80 du 19 septembre 1980 du conseil d'association entre la Communauté économique européenne et la Turquie : 1. Sous réserve des dispositions de l'article 7 relatif au libre accès à l'emploi des membres de sa famille, le travailleur turc, appartenant au marché régulier de l'emploi d'un Etat membre : /- a droit, dans cet État membre, après un an d'emploi régulier, au renouvellement de son permis de travail auprès du même employeur, s'il dispose d'un emploi (...) ;

Considérant que M. A, de nationalité turque, se borne à produire une promesse d'embauche en qualité de boulanger par la société Dagest Boulangerie, datée du 16 juillet 2009, deux certificats de travail en qualité d'ouvrier d'exécution, l'un du 17 septembre 2007 au 24 septembre 2007, auprès de M. B, l'autre du 24 au 26 décembre 2007, auprès de M. C, et deux bulletins de paie concernant les mêmes périodes de travail ; que, par suite, il ne démontre pas avoir occupé une situation stable et non précaire sur le marché de l'emploi en France ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de délivrance de titre de séjour en litige méconnaît les stipulations précitées ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail (...) ; qu'aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail qui a repris les dispositions de l'article L. 341-2 : Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ;

Considérant que M. A, qui a présenté au préfet de la Loire une demande de titre de séjour en qualité de salarié le 21 juillet 2009, et produit en première instance la promesse d'embauche du 16 juillet 2009, mentionnée plus haut, n'était pas titulaire d'un contrat de travail dûment visé par l'autorité administrative compétente, ainsi que l'exigent les dispositions précitées ; que, par suite, en rejetant sa demande, le préfet de la Loire n'a pas méconnu ces dispositions ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; qu'aux termes de l'article L. 313-12 du même code : Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé. Toutefois, lorsque la communauté de vie a été rompue en raison de violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et peut en accorder le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint étranger mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale ;

Considérant que, d'une part, il ressort des pièces du dossier que M. A et son épouse étaient séparés à la date de la décision en litige ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

Considérant que, d'autre part, si M. A fait valoir que la communauté de vie avec son épouse a été rompue en raison de violences qu'il a subies de la part de son conjoint, les certificats médicaux du 16 mai 2008 et du 9 septembre 2008 qu'il produit ne permettent pas d'établir que l'agression dont il a été victime le 16 mai 2008 a été perpétrée par son épouse et sa belle-famille ; qu'ainsi M. A, qui n'établit pas la réalité des violences conjugales dont il se prévaut, n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige méconnaît l'article L. 313-12 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en dernier lieu, qu'à la date de la décision en litige, M. A résidait depuis moins de trois ans en France, où il est entré le 9 avril 2007, était sans enfant à charge et séparé de son épouse ; qu'il n'établit pas que d'autres membres de sa famille résidaient régulièrement en France, ni qu'il était dépourvu d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans ; que, dans ces conditions, M. A n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Loire aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur sa situation personnelle ;

Sur les autres moyens :

Considérant, en premier lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés plus haut relativement à la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la mesure d'éloignement doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : I. - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d' un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation. (...) ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à être motivée ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de cette mesure d'éloignement ne peut qu'être écarté ;

Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été énoncés ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, la mesure d'éloignement n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

Considérant, en premier lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés plus haut relativement à la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision fixant le pays de destination doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu des dispositions citées plus haut de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision fixant le pays de destination n'a pas plus à être motivée que celle obligeant l'étranger à quitter le territoire français ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que le requérant ne peut utilement invoquer la violation des stipulations de l'article 6 de la décision n°1/80 du 19 septembre 1980 du conseil d'association entre la Communauté économique européenne et la Turquie et des dispositions, d'une part, de l'article L. 313-12, du 4° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'autre part, de l'article 341-2 du code du travail, à l'encontre de la décision fixant le pays de destination ;

Considérant, en dernier lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été énoncés ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, la décision fixant le pays de renvoi n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A ;

Sur la légalité de la décision ordonnant le placement de l'intéressé en rétention administrative :

Considérant, en premier lieu, que la décision faisant obligation à M. A de quitter le territoire français dans un délai d'un mois n'étant pas illégale, ce dernier n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision ;

Considérant, en deuxième lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés plus haut relativement à la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision ordonnant le placement en rétention administrative de M. A doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que l'arrêté ordonnant le placement en rétention administrative de M. A, qui précise notamment que l'absence de moyen de transport immédiat ne permet pas le départ de l'intéressé et que ce dernier n'offre pas de garanties de représentation suffisantes, est suffisamment motivé ;

Considérant, en dernier lieu, que M. A n'établit pas qu'il offrait des garanties de représentation suffisantes ; qu'ainsi, le préfet de la Loire n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en décidant son placement en rétention administrative ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Gokhan A, au préfet de la Loire et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire..

Lu en audience publique, le 24 juin 2010.

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N° 09LY02644


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 09LY02644
Date de la décision : 24/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Emmanuel du BESSET
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : LAWSON- BODY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-06-24;09ly02644 ?
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