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22/06/2010 | FRANCE | N°08LY02039

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 22 juin 2010, 08LY02039


Vu la requête enregistrée le 1er septembre 2008, présentée pour M. Didier A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500916 du 4 juin 2008, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant d'une part, à l'annulation du certificat d'urbanisme négatif qui lui a été délivré le 21 décembre 2004 par le maire de Neuvecelle (Haute-Savoie), d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au maire de cette commune de lui délivrer un certificat d'urbanisme positif dans un délai de trente jours à compter de la notification

du jugement, et enfin, à ce qu'une somme de 1 800 euros soit mise à la charge ...

Vu la requête enregistrée le 1er septembre 2008, présentée pour M. Didier A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500916 du 4 juin 2008, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant d'une part, à l'annulation du certificat d'urbanisme négatif qui lui a été délivré le 21 décembre 2004 par le maire de Neuvecelle (Haute-Savoie), d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au maire de cette commune de lui délivrer un certificat d'urbanisme positif dans un délai de trente jours à compter de la notification du jugement, et enfin, à ce qu'une somme de 1 800 euros soit mise à la charge de la commune de Neuvecelle, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler le certificat d'urbanisme du 21 décembre 2004 ;

3°) d'enjoindre au maire de Neuvecelle de lui délivrer un certificat d'urbanisme positif dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt de la Cour ;

4°) de condamner la commune de Neuvecelle à lui verser la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. Didier A soutient que, d'une part, le zonage ND appliqué à ses parcelles ne répond pas à la définition qu'en donne le code de l'urbanisme et méconnaît les orientations du rapport de présentation du plan d'occupation des sols ; qu'en effet, ses parcelles ne présentent aucun intérêt particulier esthétique, écologique ou autre et ne sont pas boisées, hormis la présence cinq noyers et de bosquets de troncs entrelacés ; qu'elles sont entourées sur trois côtés de parcelles constructibles, et sont comprises dans un secteur urbanisé ; qu'elles sont immédiatement raccordables aux réseaux à partir des logettes et branchements implantés en limite de parcelle ; que, d'autre part, ce classement porte atteinte à son droit de propriété, garanti par l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'article 1er du 1er protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, s'agissant des seules parcelles à être classées en zone ND dans le secteur, il en résulte pour lui une charge spéciale et exorbitante ; que le terrain voisin appartient à la Société des Eaux d'Evian, qui est intéressée par la source existant sur le sien ; qu'ainsi, le classement de ses parcelles en zone ND par le plan d'occupation des sols est illégal ainsi que, par voie de conséquence, le certificat d'urbanisme négatif délivré sur son fondement ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 octobre 2009, présenté pour la commune de Neuvecelle, représentée par son maire ; elle conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. Didier A en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que M. A n'apporte en appel aucun élément susceptible d'entraîner la réformation du jugement attaqué ; que le secteur concerné n'a pas perdu son caractère naturel, même s'il est bordé, à l'Ouest, de constructions, dont il est cependant séparé par un ruisseau et des bouquets d'arbres protégés en application de l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme ; que ces éléments constituent une frontière naturelle entre le terrain et ces constructions ; que le classement en zone ND, conforme à la définition qu'en donne le code de l'urbanisme, ne repose ni sur des éléments matériellement inexacts, ni sur une erreur manifeste d'appréciation ; qu'il n'est pas démontré que la parcelle serait desservie par les réseaux, qui existent 100 mètres en contrebas, et qu'elle serait accessible par une voie publique, le projet de route invoqué par le requérant n'étant plus d'actualité ; que le projet de délimitation d'un périmètre sanitaire produit par M. A ne contredit pas le choix de la commune ; que le moyen tiré de la violation de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ainsi que du protocole additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 8 décembre 2009, présenté pour M. Didier A ; il conclut aux mêmes fins que sa requête et par les mêmes moyens ;

Il maintient que son terrain n'est pas situé au milieu des vastes espaces naturels allégués par la commune, que des logettes et branchements aux réseaux de viabilité existent en limite de sa propriété, qui est accessible par les mêmes voiries que celles qui desservent les constructions alentour ; il précise que la position de la commune n'est peut être pas étrangère au fait que la parcelle voisine appartienne à la Société des Eaux d'Evian, qui pourrait être intéressée par son terrain ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 février 2010, présenté pour la commune de Neuvecelle ; elle conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire et par les mêmes moyens ;

Elle soutient, en outre, que ni l'existence de quelques constructions à plus de 50 mètres à l'Ouest des parcelles, ni leur desserte potentielle par les réseaux ne permettent de les regarder comme incluses dans un secteur urbanisé, et susceptible d'être constructible ; que d'ailleurs, la photographie aérienne produite par le requérant démontre que la parcelle, en partie boisée, fait partie d'une zone naturelle plus vaste, formant un compartiment distinct de la zone urbanisée ; que la commune a précisément entendu, à travers son plan d'occupation des sols, préserver son cadre de vie, protéger les boisements existants, et mettre un terme au gaspillage du foncier ; que le classement en zone ND concerne également les points de captage d'eau, comme celui situé sur une parcelle voisine, et qui fait l'objet d'une demande d'autorisation d'exploitation ;

Vu l'ordonnance du 18 janvier 2010, par laquelle le président de la 1ère chambre a clos l'instruction de l'affaire à la date du 26 février 2010 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la constitution, et notamment la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mai 2010 :

- le rapport de M. Fontbonne, président-assesseur ;

- les observations de Me Cognat, avocat de la commune de Neuvecelle ;

- les conclusions de M. Besson, rapporteur public ;

- la parole ayant été à nouveau donnée à la partie présente ;

Considérant que M. Didier A a demandé le 18 novembre 2004 au maire de Neuvecelle de lui délivrer un certificat d'urbanisme afin de savoir si les parcelles AH 448 et AH 453 lui appartenant pouvaient être affectées à la construction d'habitations offrant une SHON développée de 2 117 m2 ; que M. A relève appel du jugement du 4 juin 2008, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande, tendant à l'annulation du certificat d'urbanisme négatif que le maire de Neuvecelle lui a délivré le 21 décembre 2004 ;

Sur les conclusions à fin d'annulation ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme : Le certificat d'urbanisme indique, en fonction du motif de la demande, si, compte tenu des dispositions d'urbanisme et des limitations administratives au droit de propriété applicables à un terrain, ainsi que de l'état des équipements publics existants ou prévus et sous réserves de l'application éventuelle des dispositions législatives et réglementaires relatives aux zones d'aménagement concerté, ledit terrain peut : /a) Etre affecté à la construction ; /b) Etre utilisé pour la réalisation d'une opération déterminée, notamment d'un programme de construction défini en particulier par la destination des bâtiments projetés et leur superficie de plancher hors oeuvre./ Lorsque toute demande d'autorisation pourrait, du seul fait de la localisation du terrain, être refusée en fonction des dispositions d'urbanisme et, notamment des règles générales d'urbanisme, la réponse à la demande de certificat d'urbanisme est négative. (...) ;

Considérant que, pour opposer un certificat d'urbanisme négatif le maire s'est fondé sur la situation du terrain d'assiette du projet en zone N du plan d'occupation des sols où sont interdites les constructions de toute nature ; que M. A invoque par voie d'exception l'illégalité du POS en tant qu'il a établi ledit classement en zone N ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier, et notamment des photographies aériennes, que les parcelles en cause, situées aux confins de la commune, sont séparées à l'ouest de quelques constructions dispersées par un thalweg boisé ; qu'à l'Est elles sont également bordées par un thalweg boisé et appartiennent ainsi à un compartiment de terrain non construit bien délimité ; qu'elles s'inscrivent en outre dans un ensemble naturel plus vaste qui se prolonge à l'ouest sur la commune de Maxilly-sur-Léman ; que par suite, nonobstant la proximité de réseaux dont il n'est d'ailleurs pas démontré qu'ils auraient une capacité suffisante, le classement en zone N ne repose ni sur des faits matériellement inexacts, ni sur une erreur manifeste d'appréciation ; que le détournement de pouvoir allégué tiré de ce que ce classement aurait été retenu pour favoriser le propriétaire d'un terrain en contrebas sur lequel jaillit une source d'eau minérale n'est pas établi ; que l'exception d'illégalité du POS doit en conséquence être écartée ;

Considérant que les parcelles d'assiette du projet étant ainsi régulièrement placées en zone N où sont interdites les constructions de toute nature le maire était du seul fait de leur localisation tenu d'opposer comme il l'a fait un certificat d'urbanisme négatif ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ; qu'il résulte de cette disposition constitutionnelle que les restrictions apportées par les autorités publiques aux conditions d'exercice du droit de propriété doivent être justifiées par des objectifs d'intérêt général, proportionnées à ces objectifs et accompagnées, sous le contrôle du juge, de garanties de procédure et de fond en rapport avec le degré d'atteinte portée à ce droit ; qu'en vertu de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ; que si ces stipulations ont pour objet d'assurer un juste équilibre entre l'intérêt général et les impératifs de sauvegarde du droit de propriété, elles laissent aux autorités publiques une marge d'appréciation étendue, en particulier pour mener une politique d'urbanisme, tant pour choisir les modalités de mise en oeuvre d'une telle politique que pour juger si leurs conséquences se trouvent légitimées, dans l'intérêt général, par le souci d'atteindre les objectifs poursuivis ;

Considérant que les restrictions apportées par le POS aux conditions d'exercice du droit de propriété de M. A sont justifiées par l'intérêt général qui s'attache à la maîtrise par la commune de Neuvecelle de l'occupation du sol et du développement urbain ; qu'elles n'ont aucun caractère discriminatoire et ne portent pas au droit de propriété une atteinte contraire à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ni ne sont incompatibles avec l'article 1° du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation du certificat d'urbanisme négatif, qui lui a été délivré le 21 décembre 2004 par le maire de Neuvecelle ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête, n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A doivent en conséquence être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Neuvecelle, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes exposées par M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de M. A une somme de 1 200 euros, à verser à la commune de Neuvecelle, au titre des mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. Didier A est rejetée.

Article 2 : M. Didier A versera à la commune de Neuvecelle une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Didier A et au maire de Neuvecelle.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2010 à laquelle siégeaient :

M. Bézard, président de chambre,

M. Fontbonne, président-assesseur,

M. Chenevey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 juin 2010.

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N° 08LY02039

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08LY02039
Date de la décision : 22/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BEZARD
Rapporteur ?: M. Gérard FONTBONNE
Rapporteur public ?: M. BESSON
Avocat(s) : BERTRAND PEYROT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-06-22;08ly02039 ?
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