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22/06/2010 | FRANCE | N°08LY00117

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 22 juin 2010, 08LY00117


Vu la requête, enregistrée le 17 janvier 2008, présentée pour la COMMUNE DE ROCHEGUDE (Drôme) ;

La COMMUNE DE ROCHEGUDE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0404687 du Tribunal administratif de Grenoble du

25 octobre 2007 qui a annulé l'arrêté du 7 juillet 2004 par lequel son maire a refusé de délivrer à Mme A un permis de construire pour la surélévation d'un bâtiment à usage de refuge pour animaux ;

2°) de rejeter la demande de Mme A devant le Tribunal administratif ;

3°) de condamner Mme A à lui verser une somme de 2 000 eu

ros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La commune soutient que :
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Vu la requête, enregistrée le 17 janvier 2008, présentée pour la COMMUNE DE ROCHEGUDE (Drôme) ;

La COMMUNE DE ROCHEGUDE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0404687 du Tribunal administratif de Grenoble du

25 octobre 2007 qui a annulé l'arrêté du 7 juillet 2004 par lequel son maire a refusé de délivrer à Mme A un permis de construire pour la surélévation d'un bâtiment à usage de refuge pour animaux ;

2°) de rejeter la demande de Mme A devant le Tribunal administratif ;

3°) de condamner Mme A à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La commune soutient que :

- une lecture attentive des plans du dossier de la demande de permis de construire permet de considérer que le projet est destiné à un usage d'habitation ; que le bâtiment n'a absolument rien d'un bâtiment d'élevage, mais au contraire tous les traits d'un logement ; que c'est donc à tort que le Tribunal a considéré que lesdits plans ne permettaient pas de douter d'une destination à usage d'élevage ; qu'en outre, les éléments qu'elle a communiqués au cours de la procédure démontrent, de façon incontestable, que l'étage litigieux était en réalité prévu dès l'origine pour un usage d'habitation ; que cette fraude caractérisée justifie pleinement le refus de permis de construire ; que le Tribunal disposait d'éléments antérieurs et postérieurs à l'arrêté attaqué démontrant que l'intéressée méconnaît la destination du bâtiment ; que le maire ne pouvait écarter les éléments antérieurs, qu'il connaissait ; que ces éléments démontrent que Mme A utilisait le rez-de-chaussée du bâtiment comme habitation, alors que ce rez-de-chaussée est décrit dans la demande comme étant constitué de bureaux, d'une maternité chenil et d'un entrepôt ; que le Tribunal devait donc, au besoin par voie de substitution de motif, estimer que le refus de permis de construire est fondé ; que des éléments postérieurs à la décision attaquée ont, en outre, permis de confirmer la fraude ; qu'il appartiendra donc à la Cour, si besoin au moyen d'une substitution de motif, d'annuler le jugement attaqué et de rejeté la demande d'annulation ;

- la demande de permis vise à étendre l'activité pour créer une zone refuge pour protéger les animaux en cas d'inondation ; que, s'agissant de l'extension d'une construction agricole, s'applique les dispositions du 2, alinéa 4, de l'article NC 1 du règlement du plan d'occupation des sols, et non les dispositions du 1, 1er alinéa, de cet article ; que les dispositions de l'article NC 1 2-4 précisent clairement que l'activité doit être existante ; que le Tribunal a donc commis une erreur de droit en considérant qu'il n'était pas nécessaire que l'activité soit existante au jour du dépôt de la demande de permis de construire ; qu'en outre, quand bien même s'appliqueraient les dispositions du 1, 1er alinéa, de l'article NC 1, qui autorisent les constructions à usage agricole, le Tribunal ne pouvait estimer que le plan d'occupation des sols permet de déposer une demande pour un bâtiment agricole sans que le demandeur justifie d'une activité agricole préexistante ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 mai 2008, présenté pour Mme A, qui demande à la Cour :

- de rejeter la requête ;

- de dire que la COMMUNE DE ROCHEGUDE sera tenue de lui accorder un permis de construire pour la surélévation d'un bâtiment à usage de refuge pour animaux ;

- de condamner la COMMUNE DE ROCHEGUDE à lui verser une somme

de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Mme A soutient que :

- il n'est pas discutable que son chenil constitue une installation classée, qui accueille en permanence au moins 14 chiens ; que l'interdiction de créer des installations classées d'élevage dans la zone NC ne concerne pas son installation, qui est antérieure au plan d'occupation des sols ; qu'il n'est pas discutable que ce plan autorise l'extension limitée des installations classées existantes ; qu'elle ne cherche aujourd'hui qu'à tenter de mettre en place les moyens de pérenniser son entreprise ;

- la direction départementale de l'agriculture a émis deux avis différents sur sa demande ; que, toutefois, l'avis défavorable a été émis pour une déclaration de travaux, et non un permis de construire ; que la direction départementale de l'agriculture lui a accordé une aide en 1995 pour la création d'un chenil ; qu'il s'agit donc bien d'une activité agricole ;

- l'inscription au registre du commerce n'a pas d'incidence sur le caractère agricole de l'activité d'éleveur canin ou félin, laquelle peut être exercée par l'intéressé en nom propre ou sous forme de société commerciale ; que le choix associatif a permis de gérer le chenil de la manière la plus urgente et efficace ; qu'une SARL à but agricole a été créée en juillet 2006 ;

- elle est titulaire d'un certificat de capacité obtenu auprès de la direction départementale des services vétérinaires ; que son entreprise a été créée sous le régime juridique agricole début 1995 ; que l'élevage canin relève essentiellement de l'agriculture ; que, si la commune soutient que quiconque pourrait obtenir un permis de construire en zone NC, elle dispose d'une forte antériorité professionnelle, qui ne fait pas de doute dans toute la région ; que le respect des nombreuses prescriptions exigées pour l'exploitation d'un chenil ne serait pas compatible avec une implantation dans une zone autre qu'agricole ;

- elle a volontairement déclaré en 2001 occuper 36 m² à titre personnel, dans le cadre de ses obligations professionnelles, sur la superficie du local technique ; que le fait de loger dans le bâtiment, originellement prévu avec les équipements minimum d'un logement, ne constitue pas un changement de destination, mais un changement d'affectation partiel et temporaire ; que le local, qui n'a connu aucun remaniement, est resté et reste un bâtiment professionnel sur la totalité de sa surface ;

En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 31 mars 2009, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 avril 2009 ;

Vu la note en délibéré, présentée pour la COMMUNE DE ROCHEGUDE, enregistrée le 1er juin 2010 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mai 2010 :

- le rapport de M. Chenevey, premier conseiller ;

- les observations de Me Chapouan, avocat de la COMMUNE DE ROCHEGUDE ;

- les conclusions de M. Besson, rapporteur public ;

- et la parole ayant à nouveau été donnée à la partie présente ;

Considérant que, par l'arrêté attaqué, le maire de la COMMUNE DE ROCHEGUDE a refusé de délivrer un permis de construire à Mme A, au motif que le projet, qui vise à surélever un bâtiment à usage de chenil, n'est pas lié à l'activité agricole et, de ce fait, contrevient à l'article NC 1 du règlement du plan d'occupation des sols ; que, par son jugement attaqué, le Tribunal a censuré ce motif, en raison du fait que, contrairement à ce qu'a ainsi estimé le maire, un chenil doit être regardé comme une installation liée à l'activité agricole ; qu'en appel, la commune ne conteste pas la censure de ce motif ; qu'elle invoque toutefois une substitution de motif ;

Considérant, en premier lieu, que la COMMUNE DE ROCHEGUDE fait valoir que Mme A habite la construction sur laquelle porte le projet, pour laquelle elle a obtenu un permis de construire un chenil et un local technique en 1994 ; que la commune soutient que la surélévation projetée de cette construction est en réalité destinée à un usage d'habitation, et non de refuge pour animaux en cas d'inondation, comme déclaré dans le demande de permis de construire, et que, par suite, cette demande est entachée d'une fraude qui justifie le refus de délivrer le permis ;

Considérant qu'un permis de construire n'a d'autre objet que d'autoriser la construction d'immeubles conformes aux plans et indications fournis par le pétitionnaire ; que la circonstance que ces plans pourraient ne pas être respectés ou que ces immeubles risqueraient d'être ultérieurement transformés et affectés à un usage non conforme au plan d'occupation des sols, n'est pas, par elle-même, sauf le cas de fraude, de nature à affecter la légalité du permis ;

Considérant que, par elle-même, la seule circonstance que Mme A aurait transformé une partie du bâtiment à usage de chenil en habitation n'est pas de nature à justifier le refus du permis sollicité ; que, par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des pièces jointes à la demande de permis de construire, que l'intéressée, qui, malgré l'interruption de son activité d'élevage et de gardiennage de chiens, à la suite d'inondations survenues à la fin de l'année 2002, a constamment cherché à poursuivre cette activité, aurait commis une fraude en cherchant à induire l'administration en erreur quant à la destination réelle de l'étage qu'elle projette d'édifier dans ce bâtiment ;

Considérant, en second lieu, que la COMMUNE DE ROCHEGUDE invoque les dispositions du 4ème alinéa du 2 de l'article NC 1 du règlement du plan d'occupation des sols, qui autorisent les bâtiments nécessaires à l'extension des activités existantes (...) , pour soutenir que l'activité de Mme A ayant cessé à la suite desdites inondations, le maire ne pouvait, en application de ces dispositions, que refuser de lui délivrer le permis de construire demandé, en l'absence de toute activité existante ;

Considérant, cependant, en tout état de cause, qu'il est constant que l'activité exercée par Mme A dans le bâtiment concerné constitue une installation classée pour la protection de l'environnement, qui a donné lieu, le 12 septembre 1994, à un récépissé de déclaration du préfet de la Drôme, pour un élevage au maximum de 49 chiens ; que l'arrêté attaqué ayant été édicté moins de deux ans après l'interruption de son activité par

Mme A, cette installation classée n'était pas caduque à la date de cet arrêté ; que, par suite, s'appliquent les dispositions du 6ème alinéa du 2 de l'article NC 1 du règlement du plan d'occupation des sols, qui autorisent l'aménagement et l'extension limitée des installations classées existantes sous réserve qu'il n'en résulte pas d'accroissement des nuisances ou des inconvénients qu'elles présentent , et non les dispositions précitées

du 4ème alinéa du 2 de cet article qu'invoque la commune ; que, par ailleurs, il n'est pas contesté que les conditions que posent les dispositions ainsi en réalité applicables sont bien remplies en l'espèce ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la COMMUNE DE ROCHEGUDE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 7 juillet 2004 de son maire refusant de délivrer un permis de construire à Mme A ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;

Considérant que Mme A demande à la Cour de dire que la COMMUNE DE ROCHEGUDE sera tenue de lui accorder un permis de construire pour la surélévation d'un bâtiment à usage de refuge pour animaux ; que ces conclusions doivent être regardées comme tendant à ce que, en application des dispositions précitées, la Cour enjoigne à la commune de délivrer un permis de construire à l'intéressée ; que, compte tenu de ses motifs, l'annulation du refus de permis de construire que le maire de la COMMUNE DE ROCHEGUDE a opposé à la demande de Mme A implique nécessairement qu'un permis de construire soit délivré à cette dernière ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre au maire d'accorder le permis demandé par l'intéressée, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme A, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, soit condamnée à payer à la COMMUNE DE ROCHEGUDE la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu de mettre à la charge de cette commune le versement d'une somme de 1 200 euros au bénéfice de Mme A sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la COMMUNE DE ROCHEGUDE est rejetée.

Article 2 : Il est enjoint au maire de la COMMUNE DE ROCHEGUDE de délivrer le permis de construire sollicité par Mme A, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : La COMMUNE DE ROCHEGUDE versera à Mme A une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE ROCHEGUDE et à Mme Laurence A.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2010 à laquelle siégeaient :

M. Bézard, président de chambre,

M. Fontbonne, président-assesseur,

M. Chenevey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 juin 2010.

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N° 08LY00117

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08LY00117
Date de la décision : 22/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BEZARD
Rapporteur ?: M. Jean-Pascal CHENEVEY
Rapporteur public ?: M. BESSON
Avocat(s) : SELARL CABINET CHAMPAUZAC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-06-22;08ly00117 ?
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