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10/06/2010 | FRANCE | N°09LY02615

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 4ème chambre, 10 juin 2010, 09LY02615


Vu la requête, enregistrée au greffe le 12 novembre 2009, présentée pour le PREFET DU RHONE ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0906097 en date du 9 octobre 2009, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 6 octobre 2009, par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de M. Plamen A et sa décision distincte du même jour fixant le pays dont l'intéressé a la nationalité comme destination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande de M. A présentée

devant le Tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de M. A la somme de 1 000 ...

Vu la requête, enregistrée au greffe le 12 novembre 2009, présentée pour le PREFET DU RHONE ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0906097 en date du 9 octobre 2009, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 6 octobre 2009, par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de M. Plamen A et sa décision distincte du même jour fixant le pays dont l'intéressé a la nationalité comme destination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande de M. A présentée devant le Tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de M. A la somme de 1 000 € en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le jugement rendu par le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon est entaché d'une erreur de droit dès lors que l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. A est justifié au regard du passé pénal et de la menace à l'ordre public que constitue la présence en France de l'intéressé et que la circonstance que ce dernier purgeait une peine d'un an d'emprisonnement ne faisait pas disparaître l'urgence qu'il y avait à éloigner du territoire français l'intéressé, dès lors que ce dernier devait être prochainement libéré de la maison d'arrêt ; que M. A entrait dans le champ d'application des dispositions du 8° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et remplissait les conditions pour se voir écarter les dispositions de l'article R. 512-1-1 du même code ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 février 2010, présenté pour M. A, qui conclut au rejet de la requête et demande la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 196 € au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Il soutient que le PREFET DU RHONE n'établit pas l'urgence qu'il y avait à prononcer à son encontre un arrêté de reconduite à la frontière qui n'est pas assorti d'un délai pour son exécution, dès lors qu'il était incarcéré et qu'il appartenait au préfet de prendre cette mesure d'éloignement en temps utile ; qu'à supposer même l'urgence établie, un délai aurait, en tout état de cause, dû être mentionné dans l'arrêté, en application de l'article R. 512-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en outre, le PREFET DU RHONE ne pouvait fonder sa décision sur les dispositions du 8° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il résidait en France depuis plus de trois mois à la date de son interpellation ; qu'enfin, l'arrêté de reconduite à la frontière est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que sa présence en France ne constitue pas une menace réelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu le traité relatif à l'adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne, signé à Luxembourg le 25 avril 2005 ;

Vu la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil de l'Union européenne du 29 avril 2004 relative aux droits des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juin 2010 :

- le rapport de M. du Besset, président ;

- et les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public ;

Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; / (...) 8° Si pendant la période de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, pendant la période définie au 2° ci-dessus, le comportement de l'étranger a constitué une menace pour l'ordre public ou si, pendant cette même durée, l'étranger a méconnu les dispositions de l'article L. 341-4 du code du travail ; qu'aux termes de l'article L. 121-4 du même code : Tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ou les membres de sa famille qui ne peuvent justifier d'un droit au séjour en application de l'article L. 121-1 ou de l'article L. 121-3 ou dont la présence constitue une menace à l'ordre public peut faire l'objet, selon le cas, d'une décision de refus de séjour, d'un refus de délivrance ou de renouvellement d'une carte de séjour ou d'un retrait de celle-ci ainsi que d'une mesure d'éloignement prévue au livre V ; qu'aux termes de l'article R. 512-1-1 du même code, pris pour la transposition du paragraphe 3 de l'article 30 de la directive 2004/38/CE susvisée : La notification des arrêtés de reconduite à la frontière pris à l'encontre des ressortissants mentionnés à l'article L. 121-4 comporte le délai imparti pour quitter le territoire. Sauf urgence, ce délai ne peut être inférieur à un mois ;

Considérant que, par l'arrêté en litige le PREFET DU RHONE a décidé de reconduire à la frontière M. A, ressortissant bulgare, au motif qu'il avait fait l'objet d'une condamnation à un an d'emprisonnement pour vol et récidive, que son comportement constituait ainsi une menace à l'ordre public et que l'urgence justifiait l'exécution sans délai de cette mesure d'éloignement du territoire français ; que, pour annuler cet arrêté, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a estimé que, compte tenu de ce que M. A était incarcéré et de ce que sa sortie était prévue le 24 octobre 2009, il n'y avait pas d'urgence ; que toutefois, ni l'incarcération de M. A ni la date prévue pour sa sortie de prison ne pouvaient être prises en compte pour apprécier l'urgence pouvant justifier la réduction du délai prévu par l'article R. 512-1-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé, pour le motif analysé ci-dessus, l'arrêté de reconduite à la frontière en litige ;

Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A, tant devant le Tribunal administratif que devant la Cour ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des propres écritures de l'intéressé que M. A est entré pour la dernière fois en France au mois de mars 2008 et qu'il ressort des pièces du dossier qu'il a fait l'objet d'une comparution immédiate devant le Tribunal de grande instance de Lyon, le 16 avril 2008, pour des faits de vol commis au mois d'avril 2008, et pour lesquels il a été condamné à une peine d'emprisonnement d'un an, confirmée par la Cour d'appel de Lyon, le 3 juillet 2008 ; qu'ainsi, les faits justifiant que le comportement de M. A soit regardé comme constitutif d'une menace pour l'ordre public ont été commis durant la période de trois mois suivant la dernière entrée en France de l'intéressé, conformément au 8° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en second lieu, que l'arrêté en litige fait état de la nature et du caractère répété des faits délictueux commis par M. A, dont le comportement, qui a donné lieu à des condamnations pour vol et récidive de vol, doit être regardé comme représentant une menace réelle, actuelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société au sens de l'article 27 de la directive n° 2004/38 CE du 29 avril 2004 susvisée, et de nature à justifier, d'une part, une mesure de reconduite à la frontière sur le fondement des dispositions du 8° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, d'autre part, l'absence de tout délai imparti à l'intéressé pour quitter le territoire français ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 6 octobre 2009, par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de M. A et la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, d'une part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de M. A en application des dispositions de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative ; que, d'autre part, ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au titre des frais exposés dans l'instance ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0906097, en date du 9 octobre 2009, du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La demande de M. A présentée devant le Tribunal administratif de Lyon est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par le PREFET DU RHONE et M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DU RHONE, à M. Plamen A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Lu en audience publique, le 10 juin 2010.

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N° 09LY02615


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 09LY02615
Date de la décision : 10/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Emmanuel du BESSET
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : TOMASI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-06-10;09ly02615 ?
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