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10/06/2010 | FRANCE | N°09LY02238

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 10 juin 2010, 09LY02238


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 21 septembre 2009, présentée pour Mme Nacéra A, demeurant ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0705011 en date du 10 mars 2009, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 septembre 2006, par laquelle le préfet du Rhône a rejeté la demande de regroupement familial qu'elle avait présentée en faveur de son époux et de leurs trois enfants ;

2°) d'annuler ladite décision pour excès de pouvoir ;

3°) de condamner

l'Etat à verser, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somm...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 21 septembre 2009, présentée pour Mme Nacéra A, demeurant ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0705011 en date du 10 mars 2009, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 septembre 2006, par laquelle le préfet du Rhône a rejeté la demande de regroupement familial qu'elle avait présentée en faveur de son époux et de leurs trois enfants ;

2°) d'annuler ladite décision pour excès de pouvoir ;

3°) de condamner l'Etat à verser, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros à son conseil sous réserve qu'il renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

Mme A soutient que la décision en litige est insuffisamment motivée ; que, le centre de ses intérêts familiaux étant en France depuis plusieurs années, cette décision a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'intérêt de ses enfants n'a pas été suffisamment pris en compte, en violation de l'article 3-1 de la convention de New-York ; que la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 26 novembre 2009, le mémoire en défense présenté par le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que sa décision est suffisamment motivée ; qu'il n'est pas contesté que les ressources de la requérante ne sont ni stables, ni suffisantes ; que depuis leur mariage en 1993 M. et Mme A ont vécu séparément pendant plusieurs années et que la requérante n'a pas déposé de demande de regroupement familial avant 2006 ; qu'il n'y a donc pas une vie privée ancienne et stable en France ; que les enfants ayant été séparés de leur mère avant 2002 et étant, depuis, séparés de leur père, il faut constater que les membres de cette famille ont décidé délibérément de vivre séparément depuis de longues années ; qu'il n'est prouvé ni que les enfants français de la requérante vivent avec elle, ni qu'elle subvient effectivement à leurs besoins matériels et affectifs ; que la requérante ne peut se prévaloir de son intégration en France alors qu'elle ne travaille pas et vit du RMI et des prestations sociales depuis des années ; qu'ainsi la décision en litige ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intérêt supérieur des enfants n'ait pas été pris en compte conformément à l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Vu, enregistré le 2 avril 2010, le nouveau mémoire présenté pour Mme A, qui conclut aux mêmes fins que précédemment et en outre à ce que la Cour enjoigne au préfet du Rhône d'admettre au séjour ses trois enfants et son époux et délivre à chacun d'eux un certificat de résidence de dix ans, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale des droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mai 2010 :

- le rapport de M. du Besset, président de chambre,

- les observations de Me Petit, représentant Mme A,

- les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public,

la parole ayant été donnée de nouveau à Me Petit ;

Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de Mme A tendant à l'annulation de la décision du 22 septembre 2006, par laquelle le préfet du Rhône a rejeté la demande de regroupement familial qu'elle avait présentée en faveur de son époux et de leurs trois enfants ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant qu'il est constant que Mme A, de nationalité algérienne, épouse d'un ressortissant algérien depuis 1993 et mère de leurs trois jeunes enfants, nés en 1996, est également la mère de deux enfants, de nationalité française, qu'elle a eus d'une précédente union ; qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de sa demande de regroupement familial et de relevés établis par la caisse d'allocations familiales que, contrairement à ce que soutient le préfet du Rhône, ces deux enfants français, âgés, à la date de la décision en litige, respectivement de quinze et seize ans, vivent à son foyer ; que, compte tenu de leur nationalité, le centre de la vie privée et familiale de Mme A se trouve en France et elle ne peut rejoindre son époux en Algérie ; que, si elle n'a pas d'emploi et n'a pour ressources que diverses allocations, elle dispose d'un logement convenable, adapté à une famille nombreuse ; que, dans ces conditions, alors même qu'elle n'a demandé le bénéfice du regroupement familial qu'en 2006, soit plusieurs années après son mariage avec M. Hedna et la naissance de leurs trois enfants, la décision par laquelle le préfet du Rhône le lui a refusé porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport à ses objectifs et, ainsi, méconnaît les stipulations précitées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 431-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Les membres de la famille entrés en France régulièrement au titre du regroupement familial reçoivent de plein droit une carte de séjour temporaire, dès qu'ils sont astreints à la détention d'un titre de séjour ; qu'aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : Les membres de la famille qui s'établissent en France sont mis en possession d'un certificat de résidence de même durée de validité que celui de la personne qu'ils rejoignent ; qu'aux termes du 1er alinéa du titre IV du protocole annexé à cet accord : Les ressortissants algériens résidant en France doivent être titulaire d'un certificat de résidence à partir de l'âge de dix-huit ans (...) ;

Considérant qu'en vertu de ces dispositions et stipulations combinées, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet du Rhône admette au bénéfice du regroupement familial le mari et les trois enfants de Mme A et que soit délivré à M. A, conjoint de la requérante, un certificat de résidence de la même durée de validité que celui dont elle dispose elle-même ; qu'il sera imparti à cet effet au préfet du Rhône un délai de trois mois ; qu'il n'implique cependant pas que soit délivré un tel titre de séjour à ses enfants, qui, nés le 13 août 1996, n'ont pas atteint l'âge de dix-huit ans ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que Mme A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Couderc, avocat de Mme A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à celui-ci d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0705011 du Tribunal administratif de Lyon en date du 10 mars 2009 et la décision du préfet du Rhône en date du 22 septembre 2006 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône d'admettre les trois enfants et le mari de Mme A au bénéfice du regroupement familial et de délivrer à celui-ci un certificat de résidence de la même durée de validité que celui dont Mme A dispose elle-même, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 000 euros à Me Couderc, sous réserve qu'il renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Nacéra A, au préfet du Rhône et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Délibéré après l'audience du 20 mai 2010, où siégeaient :

- M. du Besset, président de chambre,

- M. Arbarétaz, premier conseiller,

- Mme Vinet, conseiller.

Lu en audience publique, le 10 juin 2010.

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N° 09LY02238


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY02238
Date de la décision : 10/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: M. Emmanuel du BESSET
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : COUDERC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-06-10;09ly02238 ?
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