Vu la requête, enregistrée le 5 mars 2009, présentée pour Mme Zohra A, domiciliée chez M. Hafid El Assad B, ... ;
Mme A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0804840 du 14 octobre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 7 juillet 2008 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire et a fixé l'Algérie comme pays de destination ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du 7 juillet 2008 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement ;
4°) de mettre à la charge de L'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à charge pour ce dernier de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
La requérante soutient que le préfet a entaché sa décision d'erreur d'appréciation en estimant qu'elle n'était pas ascendant à charge au sens des stipulations de l'article 7 bis b) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; que les décisions du préfet portent une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale au sens du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 19 mai 2009, présenté pour le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête ;
Le préfet soutient qu'il n'a pas entaché sa décision d'erreur d'appréciation au regard des ressources du fils et de la belle-fille de Mme A ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a porté aucune atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme A ;
Vu le mémoire, enregistré le 6 mai 2010, présenté pour Mme A ;
Vu la décision du 19 décembre 2008 accordant à Mme A le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
Vu la loi n° 91-647 du 11 juillet 1991 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 mai 2010 :
- le rapport de M. Monnier, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Gimenez, rapporteur public ;
Considérant que Mme A, de nationalité algérienne, a demandé le 1er avril 2008 la délivrance d'un certificat de résidence valable dix ans en qualité d'ascendant à charge de son fils français sur le fondement de l'article 7 bis b) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ou d'un certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale au titre du 5° de l'article 6 de cet accord ; que, par un arrêté du 7 juillet 2008, le préfet du Rhône a rejeté cette demande et décidé d'assortir son refus d'une obligation de quitter le territoire français à destination de l'Algérie ; que Mme A fait appel du jugement du 14 octobre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 7 juillet 2008 ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne la délivrance d'un certificat de dix ans en tant qu'ascendant de français :
Considérant qu'aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : (...) Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : (... ) b) A l'enfant algérien d'un ressortissant français si cet enfant a moins de vingt et un ans ou s'il est à la charge de ses parents, ainsi qu'aux ascendants d'un ressortissant français et de son conjoint qui sont à sa charge ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Hafid El Assad C, fils unique de Mme A, qui a acquis la nationalité française en 2007, était, à la date de la décision attaquée, titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée lui procurant un revenu de 402 euros par mois ; qu'il avait déjà à sa charge ses deux enfants ainsi que sa femme, de nationalité française, qui ne pouvait travailler en raison d'une maladie sérieuse qu'elle avait contractée à la suite de ses deux grossesses rapprochées ; que le loyer mensuel de leur appartement T3 de Villeurbanne dépassait la somme de 325 euros ; que la circonstance, postérieure à la décision attaquée, que son fils et sa belle-fille disposent désormais de revenus leur permettant de la prendre en charge est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée qui doit être appréciée à la date à laquelle elle a été prise ; que, dans ces conditions, le préfet n'a pas entaché sa décision d'erreur d'appréciation en estimant que le fils de Mme A ne disposait pas de ressources suffisantes pour la prendre en charge ;
En ce qui concerne la délivrance d'un certificat d'un an portant la mention vie privée et familiale :
Considérant qu'aux termes du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les autres catégories ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de refus ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A, née à Oran le 21 février 1947, titulaire du certificat d'études primaires élémentaires délivré par l'académie d'Alger le 12 juin 1961, a élevé seule, après son divorce prononcé le 11 avril 1975, son fils unique Hafid El Assad, né peu auparavant la même année ; que ce dernier est venu vivre en France après avoir épousé le 20 décembre 2003 une ressortissante française ; que Mme A, dont il ressort des pièces du dossier qu'elle ne dispose d'aucun revenu en Algérie, a rejoint en février 2005, pour vivre avec son fils et sa belle-fille, la France où sont nés par la suite ses deux petits-enfants les 10 décembre 2006 et 17 décembre 2007 ; qu'elle est handicapée par des problèmes rhumatologiques sévères ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, le refus de séjour que lui a opposé le préfet du Rhône le 7 juillet 2008 a porté, au regard de ses motifs, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations précitées du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; qu'il suit de là, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 14 octobre 2008, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 juillet 2008 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ; que les décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination doivent être annulées par voie de conséquence ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;
Considérant que l'annulation de l'arrêté du préfet du Rhône du 7 juillet 2008 implique nécessairement, compte tenu de son motif et en l'absence au dossier de tout élément indiquant que la situation de la requérante se serait modifiée, en droit ou en fait, depuis l'intervention de l'arrêté du 7 juillet 2008, la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention vie privée et familiale à Mme A ; qu'il y a lieu ainsi, en application des dispositions précitées de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet du Rhône de délivrer ce titre de séjour à l'intéressée dans un délai d'un mois suivant la notification de la présente décision ; que cette injonction ne fait pas obstacle à ce que le préfet du Rhône réexamine la situation de Mme A au regard des stipulations de l'article 7 bis b) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 afin, le cas échéant, de lui délivrer, compte tenu des revenus dont disposent désormais son fils et sa belle-fille, un certificat de résidence de dix ans en sa qualité d'ascendant à charge ;
Sur les conclusions au titre des frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant que Mme A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Castelli, avocate de l'intéressée, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à payer à Me Castelli ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Lyon du 14 octobre 2008 et les décisions du préfet du Rhône en date du 7 juillet 2008 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer à Mme Zohra A un certificat de résidence portant la mention vie privée et familiale dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision.
Article 3 : L'Etat versera à Me Castelli la somme de mille euros (1 000 €) en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat pour l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Zohra A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 11 mai 2010 à laquelle siégeaient :
M. Chanel, président de chambre,
MM. Monnier et Segado, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 8 juin 2010.
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N° 09LY00486