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08/06/2010 | FRANCE | N°08LY00431

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 08 juin 2010, 08LY00431


Vu la requête enregistrée le 21 février 2008, présentée pour la COMMUNE DE TIGNES, représentée par son maire en exercice ;

La COMMUNE DE TIGNES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601805 du 29 novembre 2007, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a, annulé la délibération du conseil municipal en date du 1er mars 2006, approuvant la modification n° 8 du plan d'occupation des sols ;

2°) de rejeter la demande présentée par le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Rosset devant le Tribunal administratif de Grenoble ;

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) de condamner le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Rosset à lui verser la so...

Vu la requête enregistrée le 21 février 2008, présentée pour la COMMUNE DE TIGNES, représentée par son maire en exercice ;

La COMMUNE DE TIGNES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601805 du 29 novembre 2007, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a, annulé la délibération du conseil municipal en date du 1er mars 2006, approuvant la modification n° 8 du plan d'occupation des sols ;

2°) de rejeter la demande présentée par le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Rosset devant le Tribunal administratif de Grenoble ;

3°) de condamner le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Rosset à lui verser la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La COMMUNE DE TIGNES soutient que le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Rosset n'était pas recevable à contester la modification n° 8 du plan d'occupation des sols de la commune ; que le tribunal administratif aurait donc dû soulever d'office l'absence d'intérêt à agir du demandeur ; que la délibération du 1er mars 2006, approuvant la modification du plan d'occupation des sols, a été prise dans le respect des dispositions de l'article L. 2121-21 du code général des collectivités territoriales ; que le dossier du projet de modification a bien été notifié aux personnes publiques concernées avant l'enquête publique, conformément à l'article L. 123-13 du code de l'urbanisme ; qu'en annulant la procédure de modification sur le fondement de l'erreur de droit, les premiers juges ont excédé le champ d'application de leur contrôle, limité à celui de l'erreur manifeste d'appréciation ; que la règle de gabarit, appliquée par la commune depuis 1992, a été validée par le Tribunal administratif de Grenoble ; que les gabarits appliqués à chaque immeuble ne sont que la transcription graphique de règles générales prévues par le règlement du secteur UBa ; que la modification attaquée visait uniquement à adapter les plans des gabarits à l'existant, aux règles de volume édictées dans le règlement, et à la volonté de permettre un ensemble architectural harmonieux ; qu'en considérant que la commune avait imposé des gabarits spécifiques à chacun des immeubles sans appliquer de règle générale à tous les bâtiments ou à une catégorie d'entre eux, alors qu'il est de la nature de toute réglementation d'urbanisme de distinguer des possibilités de construire différentes, les premiers juges ont commis une erreur manifeste d'appréciation et dénaturé les pièces du dossier ; que le commissaire enquêteur a admis la cohérence des décisions d' attribution des gabarits ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er juillet 2008, par lequel le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Rosset conclut au rejet de la requête ; il soutient qu'à supposer que le moyen nouveau, tiré du défaut d'intérêt à agir, puisse être soulevé pour la première fois en appel, la loi du 10 juillet 1965, dont il relève, rendait recevable son recours contre les dispositions d'un plan local d'urbanisme ; que, dès lors que le scrutin secret n'a pas été acquis conformément à l'article L. 2121-21 du code général des collectivités territoriales, la délibération du 1er mars 2006, approuvant la modification n° 8 du plan local d'urbanisme, est intervenue dans des conditions irrégulières ; que le projet de modification du document d'urbanisme n'a pas été notifié préalablement à l'enquête publique aux personnes publiques désignées aux articles L. 121-4 comme l'exige l'article L. 123-13 du même code ; que, contrairement à ce que soutient la commune, le contrôle du juge administratif peut porter sur l'erreur de droit, si le litige concerne le règlement d'un plan local d'urbanisme ; que si les règles de gabarit préexistaient à la modification n° 8, elles ont été modifiées de façon irrégulière par celle-ci, dès lors qu'elles ont été définies sans aucune précision ni justification, alors qu'à l'intérieur d'une même zone, les mêmes règles doivent s'appliquer à l'ensemble des constructions ; que la modification en litige, qui introduit un régime de dérogations individuelles méconnaît par là les dispositions de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme ; il conclut à titre subsidiaire à ce que la Cour, si elle devait annuler le jugement, fasse droit aux moyens qu'il a soulevés en première instance ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 mai 2010 :

- le rapport de M. Fontbonne, président-assesseur ;

- les observations de Me Poncin, avocat du Syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Rosset ;

- les conclusions de M. Besson, rapporteur public ;

- la parole ayant été à nouveau donnée à la partie présente ;

Considérant que, par une délibération du 1er mars 2006, le conseil municipal de Tignes a approuvé la modification n° 8 du plan d'occupation des sols de la commune ; que le Tribunal administratif de Grenoble a, sur demande du Syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Rosset , prononcé l'annulation de cette délibération, par un jugement du 29 décembre 2007 dont la commune relève appel ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune tirée du défaut d'intérêt à agir du Syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Rosset :

Considérant que le Syndicat des copropriétaires d'un immeuble placé dans le secteur concerné par la modification litigieuse du plan d'occupation des sols a un intérêt lui donnant qualité pour agir contre la délibération du conseil municipal approuvant ladite modification ; que la fin de non-recevoir opposée par la commune doit être écartée ;

Sur la légalité de la délibération litigieuse :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 2121-21 du CGCT : Le vote à lieu au scrutin public à la demande du quart des membres présents. Le registre des délibérations comporte le nom des votants et l'indication du sens de leur vote. Il est voté au scrutin secret : 1° Soit lorsqu'un tiers des membres présents le réclame ; 2° Soit lorsqu'il y a lieu de procéder à une nomination ou à une présentation. ;

Considérant qu'il ressort des termes mêmes de la délibération attaquée que le vote à bulletins secrets a été demandée par une seule conseillère municipale ; que la commune ne peut utilement soutenir que celle-ci s'est exprimée au nom de l'opposition qui représente plus du tiers des membres du conseil municipal, dès lors qu'il ne ressort pas des termes de la délibération que d'autres conseillers municipaux auraient personnellement demandé un vote à bulletins secrets ; que les attestations établies par cinq conseillers municipaux plus de 18 mois après la séance du Conseil municipal ne sauraient infirmer les mentions figurant sur le registre des délibérations ; que c'est par suite, à bon droit, que le tribunal administratif a jugé que la délibération litigieuse était intervenue en méconnaissance d'une formalité substantielle ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 123-13 du code de l'urbanisme : (...) Le projet de modification est notifié, avant l'ouverture de l'enquête publique, au préfet, au président du conseil régional, au président du conseil général, et, le cas échéant, au président de l'établissement public prévu à l'article L. 122-4, ainsi qu'aux organismes mentionnées à l'article L. 121-4. (...) ; qu'aux termes de l'article L. 121-4, dans sa rédaction alors en vigueur : l'Etat, les régions, les départements, les autorités compétentes en matière d'organisation des transports urbains et les organismes de gestion des parcs naturels régionaux sont associés à l'élaboration des (...) et des plans locaux d'urbanisme dans les conditions définies aux chapitres II et III. / Il en est de même des chambres de commerce et d'industrie, des chambres de métiers, des chambres d'agriculture, (...). Ces organismes assurent les liaisons avec les organisations professionnelles intéressées. (...) ;

Considérant qu'au sens de l'article L. 123-13 précité, la notification du projet consiste dans l'envoi par courrier à chacune des personnes publiques concernées du dossier complet du projet tel qu'il a été arrêté pour être soumis à enquête publique ; que la commune ne peut utilement faire valoir ni que les personnes publiques concernées ont été informées par courrier de l'existence d'un projet de modification à l'occasion d'ailleurs d'un projet de révision simplifié conduit parallèlement, ni que les mêmes personnes publiques ont pu prendre connaissance du dossier au cours d'une réunion interservices qui s'est tenue en mairie ; que c'est, par suite, à bon droit que le tribunal administratif a jugé qu'une formalité substantielle avait ainsi été méconnue ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article R. 123-12 du code de l'urbanisme : Les documents graphiques prévus à l'article R. 123-11 font également apparaître s'il y a lieu ... 4°) dans les zones U et AU les secteurs pour lesquels un plan de masse côté à trois dimensions définit des règles spéciales... ; qu'il résulte de cette disposition que l'autorité compétente pour élaborer un plan d'urbanisme, peut délimiter des secteurs régis par des règles spéciales définies notamment au moyen d'un plan de masse ; que l'ensemble formé par le règlement spécifique au secteur et le document graphique constitué par le plan de masse qui constitue le corps des règles spéciales applicables, doit permettre d'appréhender précisément les règles d'implantation des constructions ainsi que les volumes dans lesquels elles doivent s'inscrire, et le cas échéant les prescriptions architecturales particulières ;

Considérant que les auteurs de la modification du POS ont délimité au sein de la zone UB, un secteur UB a correspondant au quartier du Rosset ; que pour ce secteur UB a, l'article UB 10 du règlement fixe une hauteur maximale de 25 mètres et une hauteur minimale de 12 m 50 ; que les articles UB 1, UB 6, UB 7, UB 9 et UB 14 relatifs respectivement aux occupations du sol admises, aux implantations des constructions par rapport aux voies publiques et aux limites séparatives, à l'emprise au sol et au coefficient d'occupation des sols, renvoient aux règles définies par une annexe au règlement et aux gabarits hachurés figurant sur le plan de masse ;

Considérant que ladite annexe au règlement intitulée étude de cadrage énonce : Les dispositions retenues pour le secteur du Rosset ne constitue pas un corps de prescriptions architecturales qui ont pour objet d'imposer des volumes précis. Ces dispositions définissent soit un champ de possibilité ou une latitude de constructibilité à l'intérieur d'un volume maximum ; qu'il est indiqué plus loin que ces dispositions ont pour objet :

1°) recréer une nouvelle image architecturale de TIGNES LE LAC, faisant appel à la pierre et au bois, en mettant au point des gabarits dignes d'une station de montagne retrouvée ;

2°) permettre aux exploitants hôteliers une optimisation de leur outil de travail, notamment par une recomposition des services communs, une valorisation-affirmation des entrées, une réhabilitation dans l'espace et dans la forme des façades, etc...

Cette restructuration a été accompagnée le plus souvent d'une possibilité de création de quelques chambres supplémentaires de qualité (ces chambres étant localisées dans les espaces agrandis latéralement, en façades ou dans les combles), avec selon le cas, rénovation des chambres et distributions existantes.

3°) réhabiliter les immeubles de copropriétés par l'aménagement ou l'extension des volumes créés en toitures pour une recherche de bâtiment à typologie de chalet ;

4°) restructurer tous les espaces bâtis du Rosset , en harmonisation avec l'aménagement du Centre de TIGNES, et de la Place des Drapeaux ;

que les documents graphiques comportant des plans de masse établis pour chacun des immeubles du secteur UB a faisant apparaître les possibilités d'extension à l'intérieur de gabarits ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces documents qu'hormis les règles de hauteur définies par l'article UB 10 aucune règle spéciale n'est fixée pour le secteur UB a notamment quant aux possibilités supplémentaires d'emprise au sol ; que si la commune soutient que les gabarits fixés pour chaque immeuble, sont le résultat de l'application au cas par cas d'une méthode générale prédéfinie ainsi que de prescriptions architecturales, elle n'apporte aucune démonstration à l'appui de cette allégation ; que, dans ces conditions, les possibilités d'extension très variables figurant sur chacun des plans de masse qui ne sont d'ailleurs pas côtés, ne peuvent être regardées comme la déclinaison de règles spéciales définies pour le secteur UB a et d'application générale à l'intérieur de celui-ci ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Commune de Tignes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Grenoble a estimé que la délibération litigieuse avait fixé des gabarits spécifiques au cas par cas pour chaque immeuble sans avoir établi des règles générales applicables au secteur et était ainsi entachée d'erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la Commune de Tignes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé la délibération du Conseil municipal du 1er mars 2006 approuvant la modification n° 8 du plan d'occupation des sols ;

Sur les frais irrépétibles :

Considérant que les conclusions de la commune tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées dès lors qu'elle est partie perdante ;

Considérant en revanche qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Commune de Tignes une somme de 1 200 euros, à verser au Syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Rosset , en application des mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la Commune de Tignes est rejetée.

Article 2 : La commune de Tignes versera au Syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Rosset une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au maire de Tignes, et au Syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Rosset .

Délibéré après l'audience du 11 mai 2010 à laquelle siégeaient :

M. Bézard, président de chambre,

M. Fontbonne, président-assesseur,

M. Chenevey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 juin 2010.

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N° 08LY00431


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08LY00431
Date de la décision : 08/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BEZARD
Rapporteur ?: M. Gérard FONTBONNE
Rapporteur public ?: M. BESSON
Avocat(s) : SCP VOVAN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-06-08;08ly00431 ?
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