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02/06/2010 | FRANCE | N°09LY00594

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 02 juin 2010, 09LY00594


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 13 mars 2009, présentée pour le PREFET DU RHONE ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0807183 en date du 17 février 2009, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 15 octobre 2008 refusant à M. A la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant la Tunisie comme pays de destination, lui a enjoint de délivrer, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, une ca

rte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale à M. A et ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 13 mars 2009, présentée pour le PREFET DU RHONE ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0807183 en date du 17 février 2009, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 15 octobre 2008 refusant à M. A la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant la Tunisie comme pays de destination, lui a enjoint de délivrer, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale à M. A et a mis à sa charge la somme de huit cents euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Lyon ;

3°) de mettre à la charge de M. A la somme de mille euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le père de Jameledine A n'a jamais manifesté l'intention de vivre avec sa famille en France, où il est présent depuis plus de quarante ans, et peut faire appel aux dispositifs d'assistance proposés par le système de santé français ; que son fils, qui ne dispose d'aucun revenu, ne démontre ni être présent en France pour s'occuper de son père, ni que sa présence est indispensable pour aider son père malade ; que l'intéressé, âgé de 21 ans, célibataire et sans enfant à charge, est arrivé en France récemment et ne peut se prévaloir d'aucune vie privée et familiale en France alors que ses huit frères et soeur se trouvent en Tunisie ; que, par suite, son arrêté du 15 octobre 2008 n'a pas porté au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 15 mars 2010 et régularisé le 17 mars 2010, présenté pour M. Jameledine A, domicilié ..., qui conclut au rejet de la requête et demande à la Cour :

1°) de constater qu'il est en possession d'un récépissé en vue du renouvellement de son titre de séjour qui était valable jusqu'au 16 février 2010 ;

2°) d'enjoindre au PREFET DU RHONE de lui renouveler son titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de mille deux cents euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que l'arrêté du PREFET DU RHONE du 15 octobre 2008 a méconnu les stipulations de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien, celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'en effet, son père, qui est gravement malade, a besoin d'une tierce personne à domicile jour et nuit et ne reçoit plus d'aide médicale à domicile depuis plus de six mois ; que sa présence est donc indispensable pour aider son père malade ; que, par ailleurs, il occupe un emploi salarié ;

Vu l'ordonnance de clôture d'instruction en date du 19 février 2010 ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 avril 2010, présenté par le PREFET DU RHONE après la clôture de l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 mai 2010 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- les observations de Me Méziane, avocat de M. A ,

- et les conclusions de M. Gimenez, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée à nouveau à Me Méziane ;

Considérant qu'aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien susvisé : (...) Les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République.(...) et qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que M. A soutient qu'il est seul en mesure d'apporter un soutien à son père, veuf et âgé de 77 ans à la date de l'arrêté, qui souffre de la maladie de Parkinson et de graves problèmes oculaires confinant à la cécité, qui n'a pas d'autre soutien familial en France, qui a besoin d'une tierce personne à domicile jour et nuit et ne reçoit plus d'aide médicale à domicile depuis plus de six mois ; que, toutefois, si les pièces, notamment médicales, produites au dossier, suffisent à justifier que l'état de santé de son père nécessite l'assistance d'une tierce personne dans les actes de la vie quotidienne, l'intéressé n'établit pas que son père ne pourrait faire appel aux dispositifs d'assistance que ses pathologies requièrent ; qu'il ressort par ailleurs des autres pièces du dossier que l'intéressé, entré en France en septembre 2007, à l'âge de 20 ans, n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident en particulier ses frères et soeurs ; que, dès lors, c'est à tort que, pour annuler les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, ainsi que, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de destination, les premiers juges se sont fondés sur ce que le PREFET DU RHONE avait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions de refus de titre et d'éloignement sur la situation personnelle de M. A ;

Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A, tant devant le Tribunal administratif que devant la Cour ;

Sur la légalité de la décision portant retrait de titre de séjour :

Considérant que la décision de refus de titre attaquée indique les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle est fondée ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté ;

Considérant que, pour les motifs précédemment énoncés, le PREFET DU RHONE, en refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. A, s'est appuyé sur des faits complètement établis, n'a méconnu ni les stipulations de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a commis aucune erreur de droit ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant que la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. A n'étant pas illégale, ce dernier n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre de celle lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : I. - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d' un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l' ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation. (...) ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à être motivée ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de cette mesure d'éloignement est inopérant ;

Considérant que M. A ne peut utilement invoquer la violation des stipulations de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre de la mesure d'éloignement ;

Considérant que, pour les motifs précédemment énoncés, le PREFET DU RHONE, en prenant une mesure d'éloignement à l'encontre de M. A, n'a commis aucune erreur de droit ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de destination :

Considérant que la décision fixant le pays de destination attaquée indique les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle est fondée ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté ;

Considérant que M. A ne peut utilement invoquer la violation des stipulations de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre de la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement prise à son encontre ;

Considérant que, pour les motifs précédemment énoncés, le PREFET DU RHONE, en fixant le pays de destination, s'est appuyé sur des faits complètement établis, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a commis aucune erreur de droit ni aucune erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. A ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions par lesquelles il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé s'il n'obtempérait pas à l'obligation qui lui était ainsi faite ;

Sur les conclusions à fins d'injonction :

Considérant que la présente décision implique le rejet des conclusions de M. A tendant à enjoindre au PREFET DU RHONE de lui renouveler son titre de séjour qui était valable jusqu'au 16 février 2010, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente affaire, quelque somme que ce soit au profit de M. A, au titre des frais exposés par ce dernier et non compris dans les dépens ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du PREFET DU RHONE tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 17 février 2009 du Tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Lyon ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du PREFET DU RHONE est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DU RHONE, à M. Jameledine A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Délibéré après l'audience du 19 mai 2010 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Givord, président assesseur,

M. Seillet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 juin 2010.

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N° 09LY00594


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY00594
Date de la décision : 02/06/2010
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. GIMENEZ
Avocat(s) : TOMASI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-06-02;09ly00594 ?
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