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25/05/2010 | FRANCE | N°09LY02794

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 6ème chambre, 25 mai 2010, 09LY02794


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon, le 11 décembre 2009, et les mémoires complémentaires enregistrés des 7 et 26 avril 2010, présentés pour M. Pajtim A, domicilié résidence Saint-Léger, route des Greilles à Oyonnax (01100) ;

M. A, dans le sernier état de ses conclusions, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903916 en date du 7 juillet 2009 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 1er juillet 20

09, par lequel le préfet de l'Ain a ordonné sa reconduite à la frontière et fixé co...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon, le 11 décembre 2009, et les mémoires complémentaires enregistrés des 7 et 26 avril 2010, présentés pour M. Pajtim A, domicilié résidence Saint-Léger, route des Greilles à Oyonnax (01100) ;

M. A, dans le sernier état de ses conclusions, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903916 en date du 7 juillet 2009 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 1er juillet 2009, par lequel le préfet de l'Ain a ordonné sa reconduite à la frontière et fixé comme pays de destination le Kosovo ou tout autre pays où il établirait être légalement admissible ;

2°) d'annuler l'arrêté et la décision susmentionnés pour excès de pouvoir ;

3°) d'ordonner, à titre subsidiaire, une expertise médicale avant dire droit ;

4°) d'enjoindre au préfet de l'Ain d'organiser le retour en France de M. A dont la reconduite au Kosovo est intervenue le 23 avril 2010, et, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence d'un an dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent jugement, et à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au profit de son conseil, sous réserve qu'il renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

Il soutient que l'arrêté de reconduite à la frontière méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, eu égard à son état de santé et à l'impossibilité de bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement approprié dans la mesure où sa pathologie est liée aux traumatismes qu'il y a vécus et où le suivi de la thérapie en France est indispensable ; que cette décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de cette même convention ainsi que les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 8 mars 2010 présenté par le préfet de l'Ain, qui conclut, à titre principal à l'irrecevabilité de la requête et, à titre subsidiaire, à son rejet ;

Il soutient que la requête est tardive, que l'arrêté de reconduite à la frontière ne méconnaît ni les dispositions du 11° de l'article L. 313-11, ni celles du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que M. A peut bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement adapté à son état de santé qui ne nécessite pas une expertise médicale supplémentaire ; que cette décision ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que la décision fixant le pays de renvoi ne viole pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que l'intéressé n'établit pas être personnellement et réellement exposé à des risques en cas de retour dans son pays d'origine ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 mai 2009 :

- le rapport de Mme Serre, présidente ;

- les observations de Me Vibourel, avocat de M. A ;

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

- la parole ayant été donnée à nouveau à la partie présente :

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que M. A a, le 22 juillet 2009, dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement attaqué qu'il a reçu le 15 juillet 2009, présenté une demande d'aide juridictionnelle qui a interrompu le délai d'appel ; que la décision du bureau d'aide juridictionnelle lui accordant le bénéfice de l'aide totale lui a été notifié le 19 novembre 2009 ; que sa requête enregistrée le 11 décembre 2009, dans le délai d'un mois suivant cette notification n'est pas tardive ; que la fin de non-recevoir opposée par le préfet de l'Ain doit être écartée ;

Sur l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / 3° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français exécutoire prise depuis au moins un an ; (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, ressortissant du Kosovo né le 19 mai 1990, a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français par décision du préfet de l'Ain du 16 juin 2008, devenue définitive ; que M. A s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français au-delà du délai d'un mois qui lui était imparti ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, le 1er juillet 2009, il entrait dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant qu'à la date de la décision contestée, M. A, jeune majeur âgé de 19 ans, vit en France depuis deux ans avec ses parents qui se sont vus délivrer par le préfet de l'Ain des autorisations provisoires de séjour pour raisons de santé, ainsi qu'avec son frère et sa soeur, titulaires de documents de circulation ; que la décision contestée a pour effet de séparer M. A dont l'état de santé psychologique est fragile et fait l'objet d'un suivi médical, du reste de sa famille ; qu'il résulte par ailleurs des pièces du dossier que le grand-père de l'intéressé qui résidait au Kosovo s'est réfugié en Finlande ; que, compte tenu des circonstances particulières de l'espèce, l'arrêté contesté porte au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, l'arrêté du 1er juillet 2009 ordonnant sa reconduite à la frontière et, par voie de conséquence, la décision distincte du même jour fixant le pays de destination de sa reconduite doivent être annulées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé et qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé (...) l' étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas. ;

Considérant que si l'exécution du présent arrêt implique que le préfet ne fasse pas obstacle au retour de M. A sur le territoire français, lui délivre une autorisation provisoire de séjour et réexamine sa situation, cette autorité administrative n'est pas tenue d'organiser le retour en France de l'intéressé ; que les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Ain de procéder à cette organisation ne peuvent donc être accueillies ; que, par ailleurs, la situation de M. A devant s'apprécier au regard de celle des autres membres de sa famille séjournant en France, il ne peut être enjoint au préfet, par le présent arrêt, de lui délivrer un titre de séjour ; qu'il doit en revanche être fait droit aux conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Ain de réexaminer la situation de M. A ; que ce réexamen devra avoir lieu dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt sans que puisse y faire obstacle la circonstance que M. A ait été reconduit au Kosovo ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Vibourel, avocat de M. A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de mille euros au profit de Me Vibourel , au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0903916 en date du 7 juillet 2009, du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon, ensemble l'arrêté du 1er juillet 2009, par lequel le préfet de l'Ain a ordonné la reconduite à la frontière de M. A, ainsi que la décision du même jour fixant le pays de destination sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Ain de réexaminer la situation de M. A dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Me Vibourel en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que ce dernier renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Lu en audience publique, le 25 mai 2010.

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N° 09LY02794

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 09LY02794
Date de la décision : 25/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Claire SERRE
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : VIBOUREL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-05-25;09ly02794 ?
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