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25/05/2010 | FRANCE | N°09LY02527

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 6ème chambre, 25 mai 2010, 09LY02527


Vu la requête, enregistrée par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 29 octobre 2009 et régularisée le 2 novembre 2009, présentée pour M. Kamel A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903915 du 8 juillet 2009, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 2 juillet 2009 du préfet du Rhône ordonnant sa reconduite à la frontière et, d'autre part, des décisions distinctes du même jour fixant

le pays dont il a la nationalité comme destination de la reconduite et ordonnant son...

Vu la requête, enregistrée par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 29 octobre 2009 et régularisée le 2 novembre 2009, présentée pour M. Kamel A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903915 du 8 juillet 2009, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 2 juillet 2009 du préfet du Rhône ordonnant sa reconduite à la frontière et, d'autre part, des décisions distinctes du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme destination de la reconduite et ordonnant son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer une titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1000 euros à verser à son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Il soutient que les décisions litigieuses sont entachées d'une erreur de fait et de droit dès lors qu'elles méconnaissent les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien et celles de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de sa présence sur le territoire français depuis plus de dix ans ; qu'elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ; que l'illégalité de la mesure d'éloignement entraîne celle des décisions fixant le pays de destination et de celle ordonnant son placement en rétention administrative qui, au surplus, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en raison de ses garanties de représentation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 8 février 2010 présenté par le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient, à titre principal, qu'il n'y a plus lieu de statuer dès lors que l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. A a été exécuté le 16 juillet 2009 ; qu'à titre subsidiaire, M. A n'établit pas sa présence de façon stable en France depuis 1999 alors qu'il a vécu l'essentiel de son existence dans son pays d'origine de sorte que l'arrêté de reconduite à la frontière ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, faute pour M. A de justifier d'un domicile personnel, la mesure de placement en rétention administrative est justifiée et qu'au-delà de la durée de 48 heures, la contestation relève de la compétence du juge judiciaire ;

Vu le courrier du 24 mars 2010 par lequel la présidente informe les parties de ce que la Cour est susceptible de procéder d'office à une substitution de base légale en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 mai 2010 :

- le rapport de Mme Serre, présidente ;

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Considérant que contrairement à ce que soutient le préfet du Rhône, la circonstance que l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. A ait été exécutée le 16 juillet 2009, n'est pas de nature à rendre sans objet l'appel de ce dernier dirigé contre le jugement par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'indiquent les motifs de l'arrêté attaqué, M. A justifiait être entré régulièrement en France sous couvert d'un visa court séjour ; que, par suite, la décision de reconduire l'intéressé à la frontière ne pouvait être prise sur le fondement des dispositions du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, toutefois, que lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui appliqué, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée ; qu'un telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point ;

Considérant qu'en l'espèce, la décision attaquée, motivée par l'irrégularité du séjour de M. A, trouve son fondement légal dans les dispositions du 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui peuvent être substituées à celles du 1° dès lors, en premier lieu, que, s'étant maintenu sur le territoire français au-delà de la validité de son visa sans être titulaire d'un premier titre de séjour irrégulièrement délivré, M. A se trouvait dans la situation où, en application du 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet pouvait décider qu'il serait reconduit à la frontière, en deuxième lieu, que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et, en troisième lieu, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions ;

Sur l'arrêté de reconduite à la frontière

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) / 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention étudiant et qu'aux termes du d) de l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail : Reçoivent de plein droit un titre de séjour renouvelable valable un an et donnant droit à l'exercice d'une activité professionnelle dans les conditions fixées à l'article 7 : (...) / Les ressortissants tunisiens qui justifient par tous moyens résider habituellement en France depuis plus de dix ans, le séjour en qualité d'étudiant n'étant pas pris en compte dans la limite de cinq ans (...) ;

Considérant que M. A soutient être entré pour la dernière fois en France en 1999 et y séjourner depuis, qu'il ne pouvait par conséquent faire l'objet d'une mesure d'éloignement au regard des dispositions du 4° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien précitées ; qu'au surplus, l'arrêté de reconduite à la frontière indique qu'il est présent sur le territoire français depuis 1990 ; que, toutefois, les justificatifs qu'il produit au soutien de ses affirmations tels que des ordonnances, de simples factures ou encore des avis de non imposition ne suffisent pas à établir sa présence en France pour certaines années ou ne portent que sur des périodes partielles et, en tout état de cause, ne couvrent pas l'ensemble des années concernées ; que par ailleurs, la circonstance que l'arrêté de reconduite à la frontière mentionne une date erronée d'entrée en France de l'intéressé est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué et ne saurait par elle-même établir la présence habituelle de M. A sur le territoire français à compter de cette date ; qu'ainsi, M. A ne peut se prévaloir ni des dispositions du 4° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni des stipulations de l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien précitées ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait et de droit doit être écarté ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ,

Considérant que si M. A soutient qu'il n'a pas été tenu compte de ses attaches en France dès lors qu'il y aurait vécu, préalablement à sa dernière entrée en 1999, entre 1986 et 1995, qu'une partie de sa famille dont son père réside en France où sa présence est nécessaire en raison d'une procédure de divorce actuellement en cours, qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche, il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment du procès verbal d'audition de M. A, qu'il ne dispose pas de famille proche en France et que son père réside depuis quelques mois en Tunisie ; que M. A, qui n'établit pas par les pièces produites, sa présence continue sur le territoire français entre 1986 et 1995, a vécu l'essentiel de son existence dans son pays d'origine où il a nécessairement conservé des attaches familiales et culturelles ; que la promesse d'embauche produite par le requérant est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée dès lors qu'elle est établie postérieurement à la date de ladite décision ; que compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'il n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de destination

Considérant, en premier lieu, qu'au regard de ce qui précède, l'exception d'illégalité excipée par M. A à l'encontre de la décision fixant le pays de destination doit être écartée ;

Considérant, en second lieu, que pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, la décision fixant le pays de destination de la reconduite n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de la décision ordonnant le placement de M. A en rétention administrative :

Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à exciper, au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision de placement en rétention administrative, de l'illégalité de la décision ordonnant sa reconduite à la frontière ;

Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que M. A ne justifie pas d'une résidence fixe et personnelle et qu'il est domicilié chez son père ; qu'ainsi, le préfet du Rhône n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que M. A ne dispose pas de garanties effectives ; que, par suite, les conclusions du requérant aux fins d'annulation de la décision de placement en rétention administrative doivent être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Kamel A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Lu en audience publique, le 25 mai 2010.

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N° 09LY02527

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 09LY02527
Date de la décision : 25/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Claire SERRE
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : PRUDHON AMELIE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-05-25;09ly02527 ?
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