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25/05/2010 | FRANCE | N°09LY02259

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 6ème chambre, 25 mai 2010, 09LY02259


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 25 mai 2009, présentée pour le PREFET DU RHONE ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902496 du 27 avril 2009 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 23 avril 2009 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Fouad A, ainsi que ses décisions distinctes du même jour fixant le pays de destination de cette mesure de police et ordonnant le placement en rétention administrative de l'intére

ssé ;

2°) de mettre à la charge de M. Fouad A la somme de mille euros en appl...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 25 mai 2009, présentée pour le PREFET DU RHONE ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902496 du 27 avril 2009 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 23 avril 2009 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Fouad A, ainsi que ses décisions distinctes du même jour fixant le pays de destination de cette mesure de police et ordonnant le placement en rétention administrative de l'intéressé ;

2°) de mettre à la charge de M. Fouad A la somme de mille euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que l'arrêté de reconduite à la frontière a une base légale, que le juge du Tribunal administratif aurait dû en tirer des conséquences sur la validités des décisions ; que ses décisions n'ont pas porté au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises ; que le juge de première instance, en omettant d'indiquer dans son jugement que M. B a fait l'objet d'un rejet de sa demande d'autorisation de travail le 11 mai 2007 et d'un refus de séjour assorti d'une mesure d'éloignement le 5 septembre 2007, a travaillé en présentant une fausse carte de séjour à son nom, est célibataire et sans charge de famille et possède des attaches familiales en Algérie et au Maroc, a dénaturé les faits de la cause ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 1er mars 2010, présenté pour M. Fouad A, domicilié 3 rue Burais à Villeurbanne (69100) ;

M. Fouad A demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête du PREFET DU RHONE ;

2°) d'enjoindre au PREFET DU RHONE de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de huit cents euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Il soutient que même si l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son encontre a une base légale, il peut avoir porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis ; que le moyen tiré de ce que le juge de première instance a dénaturé les faits en omettant d'indiquer dans son jugement que M. B a fait l'objet d'un rejet de sa demande d'autorisation de travail le 11 mai 2007 et d'un refus de séjour assorti d'une mesure d'éloignement le 5 septembre 2007, est inopérant ; que l'arrêté de reconduite à la frontière a porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale, tel qu'il est garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors même qu'il dispose d'attaches familiales en Algérie et au Maroc ; que les arrêtés du PREFET DU RHONE du 23 avril 2009 sont insuffisamment motivés et entachés d'erreur manifeste d'appréciation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi, fait à Rabat le 9 octobre 1987 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 mai 2010 :

- le rapport de Mme Serre, présidente ;

- les observations de Me WALGENWITZ, avocat de M. C ;

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

- la parole ayant été donnée à nouveau à la partie présente ;

Considérant que par la requête susvisée le PREFET DU RHONE fait appel du jugement du 27 avril 2009 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 23 avril 2009 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Fouad A, ainsi que ses décisions distinctes du même jour fixant le pays de destination de cette mesure de police et ordonnant le placement en rétention administrative de l'intéressé au motif que la décision de reconduite à la frontière méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que de M. A, de nationalité marocaine, est célibataire et sans enfant et n'a aucune attache familiale en France alors que, selon ses déclarations, ses parents vivent en Algérie et ses frères et soeur résident au Maroc et en Algérie ; que s'il est entré régulièrement en France le 17 octobre 2001, muni d'un visa de long séjour et qu'il s'est vu délivrer un titre de séjour en qualité d'étudiant, plusieurs fois renouvelé jusqu'au 30 septembre 2005, il avait vécu jusqu'à 32 ans hors du territoire français, s'y est maintenu en situation irrégulière, en dépit d'un rejet de sa demande d'autorisation de travail le 11 mai 2007 et d'un refus de séjour assorti d'une mesure d'éloignement le 5 septembre 2007, et a fabriqué une fausse carte de séjour à son nom en vue de travailler pour des agences d'intérim ; que s'il estime que le refus de régularisation de sa situation qui lui a été opposé en 2007 était illégal, cette décision est devenue définitive ; que, dans ces conditions, le PREFET DU RHONE en prenant la décision de reconduite à la frontière en litige n' a pas porté une atteinte excessive à la vie privée et familiale de l'intéressé ; que, par suite, le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 23 avril 2009 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A au motif qu'elle était contraire aux stipulations de l'article 8 précité et, par voie de conséquence, ses décisions du même jour fixant le pays de destination de cette mesure de police et ordonnant le placement en rétention administrative de l'intéressé ;

Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens de la demande présentés par M. A devant le Tribunal ;

Sur la décision ordonnant la reconduite à la frontière de l'intéressé :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français exécutoire prise depuis au moins un an ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par décisions en date du 5 septembre 2007, le préfet de la Loire a rejeté la demande de délivrance d'un titre de séjour de M. A, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays de destination ; que la mesure d'éloignement n'ayant pas été contestée, cette décision est exécutoire ; que si l'intéressé soutient qu'il n'a pas eu connaissance de la décision précitée, le PREFET DU RHONE produit en première instance une copie du pli recommandé avec accusé de réception ayant servi à adresser ladite décision, qui a été présenté le 8 septembre 2007 à l'adresse de M. A ; que celui-ci n'a pas retiré le pli en cause, qui est retourné à la préfecture expéditrice avec la mention non réclamé ; que, le 23 avril 2009, il entrait ainsi dans le champ d'application des dispositions précitées du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant au préfet de prendre à son encontre un arrêté de reconduite à la frontière ;

En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant, en premier lieu, que M. D, secrétaire général de la préfecture du Rhône, signataire de l'arrêté du 23 avril 2009 portant reconduite à la frontière de M. A, bénéficiait bien d'une délégation de signature du PREFET DU RHONE qui lui avait été donnée par un arrêté en date du 9 juin 2008, régulièrement publié ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte en litige doit être écarté ;

Considérant, en second lieu, que la décision ordonnant la reconduite à la frontière de M. A vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en citant les dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 ; qu'elle précise que M. A a présenté une demande de délivrance de titre de séjour et a fait l'objet d'un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois le 5 septembre 2007, qui lui a été notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception, qu'il n'a pas quitté le territoire français à la date de l'arrêté de reconduite, qu'il n'établit pas entrer dans l'une des catégories d'étrangers ne pouvant faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière en application de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la décision prise n'est pas contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que M. A est célibataire et sans charge de famille et n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine et qu'après un examen de la situation personnelle et familiale de l'intéressé, il n'a pas paru justifié de régulariser sa situation ; que le requérant n'est dès lors pas fondé à soutenir que l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière serait insuffisamment motivé, la circonstance que l'accord franco-marocain ne soit pas visé étant en l'espèce sans incidence dès lors que la décision contestée ne se fonde pas sur ses dispositions ;

En ce qui concerne la légalité interne :

Considérant, en premier lieu, que l'article 9 de l'accord franco-marocain susvisé stipule : Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. (...) ; que cet accord ne comportant aucune stipulation relative aux mesures d'éloignement, il ne peut être utilement invoqué pour faire obstacle à l'application du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en second lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été énoncés ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision de reconduite à la frontière au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, cette décision n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de M. A ;

Sur la décision fixant le pays de destination de l'intéressé :

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté du 23 avril 2009 en cause a été signé par M. Stéphane E, sous-directeur des étrangers à la Préfecture du Rhône, qui avait régulièrement reçu, par arrêté du 3 avril 2009, publié le 8 avril 2009 au recueil des actes administratifs de la préfecture du Rhône, délégation de signature du PREFET DU RHONE pour signer, en cas d'absence ou d'empêchement de la directrice de la réglementation, les actes administratifs établis par cette direction, à l'exception de certains documents parmi lesquels ne figurent pas les décisions fixant le pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte en litige doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que la décision attaquée comporte les éléments de droit et de fait sur lesquels elle est fondée ; qu'elle est ainsi suffisamment motivée ;

Considérant, en troisième et dernier lieu, que les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation du préfet au regard de l'intégration sociale et professionnelle de M. A en France ainsi que de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont inopérants à l'encontre de la décision fixant le pays de destination ;

Sur la décision ordonnant le placement de l'intéressé en rétention administrative :

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté du 23 avril 2009 en cause a été signé par M. Stéphane E, sous-directeur des étrangers à la Préfecture du Rhône, qui avait régulièrement reçu, par arrêté du 3 avril 2009, publié le 8 avril 2009 au recueil des actes administratifs de la préfecture du Rhône, délégation de signature du PREFET DU RHONE pour signer, en cas d'absence ou d'empêchement de la directrice de la réglementation, les actes administratifs établis par cette direction, à l'exception de certains documents parmi lesquels ne figurent pas les décisions ordonnant le placement d'un étranger en rétention administrative ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte en litige doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que la décision contestée, qui énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée ;

Considérant, en troisième et dernier lieu, que les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation du préfet ainsi que de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne sont pas assortis de précisions suffisantes pour en examiner le bien-fondé ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal a annulé les décisions litigieuses ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt rejetant la demande de M. A, ses conclusions tendant à ce qu'il soit fait injonction au PREFET DU RHONE de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour doivent être rejetées ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante ;

Considérant, d'autre part, que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du PREFET DU RHONE tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0902496 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon en date du 27 avril 2009 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. Fouad A devant le Tribunal administratif de Lyon et ses conclusions devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Fouad A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au PREFET DU RHONE.

Lu en audience publique, le 25 mai 2010.

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N° 09LY02259


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 09LY02259
Date de la décision : 25/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Claire SERRE
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : TOMASI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-05-25;09ly02259 ?
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