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25/05/2010 | FRANCE | N°09LY01853

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 6ème chambre, 25 mai 2010, 09LY01853


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 31 juillet 2009, présentée pour le PREFET DU PUY-DE-DOME ;

Le PREFET DU PUY-DE-DOME demande à la Cour d'annuler le jugement n° 0901350 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 11 juillet 2009 en tant qu'il a annulé son arrêté du 7 juillet 2009 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme A, ainsi que sa décision distincte du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;

Il soutient que les décisions ordonnant la reconduite à la frontière de Mme A et fixant le pa

ys de destination de la reconduite n'ont pas porté au droit de l'intéressée...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 31 juillet 2009, présentée pour le PREFET DU PUY-DE-DOME ;

Le PREFET DU PUY-DE-DOME demande à la Cour d'annuler le jugement n° 0901350 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 11 juillet 2009 en tant qu'il a annulé son arrêté du 7 juillet 2009 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme A, ainsi que sa décision distincte du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;

Il soutient que les décisions ordonnant la reconduite à la frontière de Mme A et fixant le pays de destination de la reconduite n'ont pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises dès lors que Mme A a vécu jusqu'à l'âge de 58 ans au Cameroun et n'établit pas ne plus avoir d'attaches familiales dans ce pays ; que l'existence d'un projet de mariage avec un ressortissant français n'est pas de nature à établir l'existence d'une atteinte excessive au droit de Mme A au respect de sa vie privée et familiale ; qu'elle ne prouve pas l'importance des liens avec ses filles et petits enfants vivant en France ; qu'en prenant les décisions susmentionnées, il n'a ainsi ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis d'erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur la situation personnelle de Mme A ; que celle-ci ne remplit ni les conditions énoncées au 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni celles énoncées au 11° du même article, ni celles énoncées à l'article L. 314-2 du même code, en vue d'obtenir une carte de séjour temporaire ; qu'il a procédé à un examen attentif et circonstancié de la situation de Mme A ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 6 janvier 2010, présenté pour Mme A, domiciliée chez Mme B ...) ;

Mme A demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête du PREFET DU PUY-DE-DOME ;

2°) d'enjoindre au PREFET DU PUY-DE-DOME de réexaminer sa situation dans le délai de dix jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros, au profit de son conseil qui renoncerait à percevoir l'aide juridictionnelle, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Elle soutient qu'en prenant à son encontre un arrêté de reconduite à la frontière, le PREFET DU PUY-DE-DOME a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs de la mesure de police dès lors qu'elle est veuve et que ses deux filles, dont l'une est de père inconnu, ses petits-enfants et son concubin, avec lequel elle entretient des liens depuis deux ans, résident en France ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 mai 2010 :

- le rapport de Mme Serre, présidente ;

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Considérant que par la requête susvisée, le PREFET DU PUY-DE-DOME fait appel du jugement du 11 juillet 2009 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en tant que, par son article 2, il a annulé son arrêté du 7 juillet 2009 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme A, ainsi que sa décision distincte du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...) ;

Considérant que les mentions et cachets portés sur le passeport camerounais de Mme A indiquent qu'elle est entrée en France le 15 janvier 2006, sous couvert d'un visa de 90 jours à entrées multiples valable du 4 janvier 2006 au 3 avril 2006 ; que l'intéressée s'est maintenue sur le territoire français postérieurement à l'expiration de la durée de validité de son visa ; qu'ainsi, à la date de la mesure d'éloignement, elle était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant d'une part qu'il résulte des déclarations de Mme A, corroborées par les documents médicaux produits, que cette dernière, née en 1948, est entrée en France en janvier 2006 pour se faire soigner à la suite d'un accident dont elle avait victime au Cameroun, ce, à l'initiative de ses filles qui toutes deux vivent en France ; qu'il est établi qu'elle a consulté dès la fin janvier 2006 à l'hôpital de Bicêtre, y été opérée le 14 septembre 2006, puis a été hospitalisée en rééducation à l'hôpital Paul Brousse à compter du 26 septembre 2006, pour une durée de plusieurs mois, les services sociaux de l'hôpital ayant alors entamé une démarche auprès du service des étrangers de la sous-préfecture de l'Hay-les-Roses pour une régularisation du séjour pour motif de santé ; que d'autre part, si Mme A est veuve depuis 15 ans, elle s'est trouvée récemment sans famille proche au Cameroun du fait du départ pour la France de sa fille cadette, C D en 2005, alors que sa fille ainée, Justine E était déjà partie depuis 1997 ; et que ses deux filles sont mariées à des français, l'aînée ayant acquis la nationalité française ; que, contrairement à ce que soutient le préfet, il résulte des pièces du dossier que Mme A est bien hébergée chez sa fille aînée, même si elle se rend assez souvent dans le Puy-de-Dôme pour rendre visite à M. F avec lequel elle projette de se marier ; qu'ainsi, même si, à la date de sa décision la durée du séjour de Mme A n'était que de 3 ans et demi, eu égard aux conditions de ce séjour et aux liens familiaux que cette dernière a en France, le PREFET DU PUY-DE-DOME, en ordonnant la reconduite à la frontière de Mme A a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et a donc méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU PUY-DE-DOME n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ses décisions du 7 juillet 2009 portant reconduite à la frontière de Mme A et fixant le pays de destination de l'intéressée ; que sa requête doit donc être rejetée ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction présentées par Mme A :

Considérant qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; qu'ainsi il y a lieu de faire droit à la demande de Mme A, tendant à ce qu'il soit enjoint au PREFET DU PUY-DE-DOME de réexaminer sa situation en lui laissant toutefois un délai de un mois, sans astreinte ;

Sur les conclusions de Mme A tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Degoud, avocat de Mme A, sous réserve qu'il renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du PREFET DU PUY-DE-DOME est rejetée.

Article 2 : Il est enjoint au PREFET DU PUY-DE-DOME de statuer sur la régularisation de la situation de Mme A, dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Me Degoud, avocat de Mme A, sous réserve qu'il renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme A est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DU PUY-DE-DOME, à Mme A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Lu en audience publique, le 25 mai 2010.

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N° 09LY01853


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 09LY01853
Date de la décision : 25/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Claire SERRE
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : DEGOUD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-05-25;09ly01853 ?
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