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25/05/2010 | FRANCE | N°09LY01142

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 6ème chambre, 25 mai 2010, 09LY01142


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 26 mai 2009, présentée pour M. Luis Enrique A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902538 en date du 30 avril 2009, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 26 avril 2009, par lequel le préfet de l'Isère a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décision distincte du même jour fixant le pays dont il a la nationa

lité comme destination de la reconduite ;

2°) d'annuler l'arrêté et la décision ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 26 mai 2009, présentée pour M. Luis Enrique A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902538 en date du 30 avril 2009, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 26 avril 2009, par lequel le préfet de l'Isère a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décision distincte du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme destination de la reconduite ;

2°) d'annuler l'arrêté et la décision susmentionnés pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de procéder au réexamen de son dossier dans le délai d'un mois à compter de cette même notification ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Il soutient que l'arrêté de reconduite à la frontière et la décision fixant le pays de destination ont été pris sans examen préalable de l'ensemble de sa situation et sont entachés d'un défaut de motivation en ce qu'il n'est notamment pas fait mention de son fils ; que ces deux décisions méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que sa présence auprès de son épouse est indispensable à l'activité professionnelle de celle-ci et à la garde de son enfant, qu'il n'a plus d'attaches dans son pays d'origine, que son épouse vit en France depuis l'âge de 16 ans et y a la majorité de sa famille ; que ces décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'elles violent les stipulations de l'article 3-1 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, dès lors que son fils parle uniquement la langue française et risque de ne pas pouvoir poursuivre sa scolarité en Equateur ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 30 juillet 2009 et régularisé le 5 août 2009, présenté par le préfet de l'Isère, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que l'arrêté de reconduite à la frontière et la décision fixant le pays de destination sont suffisamment motivés et ont été pris après examen préalable de la situation de l'intéressé ; qu'ils ne méconnaissent ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 3-1 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant ; qu'enfin, la décision fixant le pays de renvoi ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er septembre 2009 à la Cour, présenté pour M. A, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 mai 2010 :

- le rapport de Mme Serre, présidente ;

- les observations de Me Rodrigues, avocate de M. A ;

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

- la parole ayant été donnée à nouveau à la partie présente ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...)1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité équatorienne, est entré irrégulièrement en France à une date indéterminée et n'était pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité à la date de la mesure d'éloignement, le 26 avril 2009 ; qu'ainsi, il entrait dans le cas prévu par les dispositions précitées du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Sur le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que M. A, ressortissant équatorien né en 1974, après avoir séjourné pendant deux courtes périodes en France, est entré sur le territoire au début de l'année 2003 ; qu'il vit maritalement depuis 2004 avec une compatriote titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 20 octobre 2012 et avec laquelle il a eu un enfant, né en France le 26 février 2006 ; que s'il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement au mois de décembre 2006, qui a été effectivement exécutée, il est revenu irrégulièrement sur le territoire français à l'automne 2008 pour retrouver son fils et sa compagne qu'il a épousée le 15 octobre 2008 ; qu'il s'occupe de son enfant pendant que son épouse exerce son activité de commerçante non sédentaire et que sa présence auprès de son épouse est indispensable à son activité professionnelle, dès lors que cette dernière n'est pas titulaire du permis de conduire ; que son épouse est arrivée en France en 2001, à l'âge de seize ans, pour y rejoindre son père qui vivait en France depuis plusieurs années et s'était marié avec une française en 1992 ; que de cette union sont nés quatre enfants qui sont les demi-frères et demi-soeurs de Mme Aqui a fait sa vie d'adulte en France auprès de sa famille la plus proche ; que l'éloignement de M. A le séparerait de sa femme et de son enfant, alors que la famille a fait de gros efforts d'intégration et que le noyau se reconstituerait difficilement en Equateur ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'arrêté contesté a porté au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que l'arrêté du 26 avril 2009, par lequel le préfet de l'Isère a ordonné sa reconduite à la frontière et la décision distincte du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme destination de la reconduite doivent être annulés ;

Sur les conclusions à fin d'injonction ;

Considérant qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; qu'ainsi il y a lieu de faire droit à la demande de M. A tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Isère de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt et de réexaminer sa situation dans un délai de un mois ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que M. A ayant obtenu l'aide juridictionnelle par une décision du 6 novembre 2009, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Rodrigues, avocate de M. A, sous réserve qu'elle renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0902538 en date du 30 avril 2009 du Tribunal administratif de Lyon ainsi que l'arrêté du 26 avril 2009, par lequel le préfet de l'Isère a ordonné la reconduite à la frontière de M. Luis Enrique A et la décision distincte du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme destination de la reconduite sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Isère de délivrer une autorisation provisoire de séjour à A dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt et de réexaminer sa situation dans un délai de un moins.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Me Rodrigues, avocate de M. A, sous réserve qu'elle renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Luis Enrique A, au préfet de l'Isère et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Lu en audience publique, le 25 mai 2010.

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N° 09LY01142

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 09LY01142
Date de la décision : 25/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Claire SERRE
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : SANDRINE RODRIGUES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-05-25;09ly01142 ?
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