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25/05/2010 | FRANCE | N°09LY00233

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 6ème chambre, 25 mai 2010, 09LY00233


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 6 février 2009 à la Cour et régularisée le 10 février 2009, présentée par le PREFET DE SAONE-ET-LOIRE ;

Le PREFET DE SAONE-ET-LOIRE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900132, en date du 16 janvier 2009, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 27 octobre 2008 faisant obligation à M. Ali A de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel l'intéressé serait reconduit à l'expirati

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Vu la requête, enregistrée par télécopie le 6 février 2009 à la Cour et régularisée le 10 février 2009, présentée par le PREFET DE SAONE-ET-LOIRE ;

Le PREFET DE SAONE-ET-LOIRE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900132, en date du 16 janvier 2009, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 27 octobre 2008 faisant obligation à M. Ali A de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel l'intéressé serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°) de rejeter la demande de M. A tendant à l'annulation des décisions susmentionnées ;

Il soutient que la décision du 19 septembre 1980 émanant du conseil d'association institué par l'accord d'association conclu le 12 septembre 1963 entre la Communauté européenne et la Turquie, invoquée par M. A ne peut s'appliquer à un ressortissant turc qui a sollicité un titre de séjour en qualité de conjoint de français ; que le refus de renouvellement de titre de séjour qui sert de fondement à l'obligation de quitter le territoire français litigieuse a été pris en réponse à une demande de titre de séjour qui avait été formulée en qualité de conjoint de français et non en tant que salarié ; que M. A ne pouvait donc pas, pour la première fois devant le juge, se prévaloir des stipulations de l'article 6 de ladite décision du 19 septembre 1980 ; que de plus, l'application de ce texte a été écartée en matière de reconduite à la frontière ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires, enregistrés les 6 mai et 8 juin 2009, présentés pour M. Ali A, domicilié ...), qui conclut au rejet de la requête du préfet, à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 2 000 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à ce qu'il soit enjoint au PREFET DE SAONE-ET-LOIRE de lui délivrer un récépissé l'autorisant à travailler ;

Il soutient qu'il entend exciper de l'illégalité du refus de délivrance de titre de séjour qui a été pris sans examen préalable de l'ensemble de sa situation, alors qu'il doit être regardé, compte tenu des justificatifs produits à l'appui de sa demande, comme ayant demandé un titre de séjour salarié , même si la demande ne se référait pas expressément à ce fondement ; que le refus de titre de séjour est entaché d'un défaut de motivation par rapport aux dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au regard desquelles le préfet s'est implicitement mais nécessairement prononcé, dès lors que l'arrêté litigieux mentionne qu'il n'entre dans aucun cas d'attribution de plein droit d'un titre de séjour en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le refus de titre de séjour a méconnu les stipulations de l'article 6 de la décision n° 1/80 du 19 septembre 1980 du conseil d'association entre la Communauté économique européenne et la Turquie dont il remplit les conditions, alors qu'il doit être regardé comme ayant déposé une demande sur ce fondement et que le renouvellement du titre de séjour concerné est automatique selon la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européenne, qu'il appartiendra à la Cour, le cas échéant, d'interroger ; que le refus de titre de séjour méconnaît également les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que le préfet aurait dû consulter le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle avant de prendre la décision de refus ; que cette dernière est, enfin, entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle, dès lors qu'il a séjourné et travaillé régulièrement sur le territoire français depuis 2004 ; que, compte tenu de la durée et des conditions de son séjour en France et de son insertion sociale et professionnelle, la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, devenue l'Union européenne ;

Vu l'accord instituant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie en date du 12 septembre 1963, approuvé et confirmé par la décision 64/732/CEE du Conseil du 23 décembre 1963 ;

Vu la décision n° 1/80 du 19 septembre 1980 du conseil d'association entre la Communauté économique européenne et la Turquie ;

Vu la décision C-237/91 du 16 décembre 1992 de la Cour de justice des communautés européennes ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 mai 2010 :

- le rapport de Mme Serre, présidente ;

- les observations de Me GRENIER, conseil de M. A ;

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée à nouveau à la partie présente ;

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la décision du 19 septembre 1980 du conseil d'association institué par l'accord d'association conclu, le 12 septembre 1963, entre la Communauté économique européenne et la République de Turquie : 1. Sous réserve des dispositions de l'article 7 relatif au libre accès à l'emploi des membres de sa famille, le travailleur turc, appartenant au marché régulier de l'emploi d'un Etat membre/ - a droit, dans cet Etat membre, après un an d'emploi régulier, au renouvellement de son permis de travail auprès du même employeur, s'il dispose d'un emploi (...) ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes en date du 16 décembre 1992, que l'article 6 premier paragraphe, premier tiret, de la décision du 19 septembre 1980 du conseil d'association, qui a un effet direct en droit interne, doit être interprété en ce sens que, d'une part, un ressortissant turc qui a obtenu un permis de séjour sur le territoire d'un Etat membre pour y épouser une ressortissante de cet Etat membre et y a travaillé depuis plus d'un an auprès du même employeur sous le couvert d'un permis de travail valide a droit au renouvellement de son permis de travail en vertu de cette disposition, même si, au moment où il est statué sur la demande de renouvellement, son mariage a été dissous et que, d'autre part, un travailleur turc qui remplit les conditions de l'article 6, premier paragraphe, premier tiret, de la décision susmentionnée peut obtenir, outre la prorogation du permis de travail, celle du permis de séjour, le droit de séjour étant indispensable à l'accès et à l'exercice d'une activité salariée ;

Considérant, d'autre part, qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière ou d'une obligation de quitter le territoire français, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi ou un accord international prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, ressortissant turc, est entré régulièrement en France le 28 septembre 2004 ; qu'ayant épousé une ressortissante française, le 23 octobre 2004, il a bénéficié d'une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale , qui a été régulièrement renouvelée jusqu'au 24 octobre 2008 ; que M. A justifie, par les contrats de travail et bulletins de salaire qu'il produit, avoir exercé une activité salariée depuis le 23 juin 2005 auprès de la société à responsabilité limitée Montceau Pneus occas' , qui l'employait toujours, sous couvert d'un contrat de travail à durée indéterminée, au mois d'octobre 2008 ; qu'ainsi, à la date de la mesure d'éloignement contestée, M. A satisfait à la condition énoncée par les stipulations de l'article 6 premier paragraphe, premier tiret, de la décision du 19 septembre 1980 du conseil d'association, tenant à l'exercice d'un emploi régulier de plus d'une année auprès du même employeur ; que, dès lors, il entre dans la catégorie des travailleurs turcs bénéficiant, de plein droit, du renouvellement de leur titre de travail et donc, de leur titre de séjour, et ne pouvant, par suite, légalement, faire l'objet d'une mesure d'éloignement ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE SAONE-ET-LOIRE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé, pour ce motif, sa décision du 27 octobre 2008 par laquelle il a fait obligation à M. A de quitter le territoire français dans le délai d'un mois ainsi que, par voie de conséquence, sa décision du même jour désignant le pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction présentées par M. A :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé et qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. ; qu'ainsi, à la suite de l'annulation d'une mesure d'éloignement, il incombe au préfet, en application des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ;

Considérant que le présent arrêt, qui confirme l'annulation prononcée par le Tribunal de la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. A, implique que le PREFET DE SAONE-ET-LOIRE délivre une autorisation provisoire de séjour à l'intéressé jusqu'à ce qu'il ait à nouveau statué sur son cas et notamment sur son droit au séjour en qualité de travailleur ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre audit préfet, au cas où il ne l'aurait pas fait à la suite du jugement du tribunal, de délivrer à M. A une autorisation provisoire de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions de M. A tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de mille euros au profit de M. A, au titre des frais exposés par lui en appel et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du PREFET DE SAONE-ET-LOIRE est rejetée.

Article 2 : Il est enjoint au PREFET DE SAONE-ET-LOIRE de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. A dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, et ce, jusqu'à ce qu'il ait à nouveau statué sur son cas.

Article 3 : L'Etat versera la somme de mille euros à M. A, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées devant la Cour par M. A est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Ali A, au PREFET DE SAONE-ET-LOIRE et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Lu en audience publique, le 25 mai 2010.

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N° 09LY00233

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 09LY00233
Date de la décision : 25/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Claire SERRE
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : GRENIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-05-25;09ly00233 ?
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