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06/05/2010 | FRANCE | N°09LY01542

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 06 mai 2010, 09LY01542


Vu la requête enregistrée le 7 juillet 2009, présentée pour M. Adem A domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0707975 en date du 12 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 28 juin 2007 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ladite décision ;

3°) d'enjoindre au préfet d

u Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification ...

Vu la requête enregistrée le 7 juillet 2009, présentée pour M. Adem A domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0707975 en date du 12 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 28 juin 2007 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ladite décision ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, qui sera versée à son conseil contre renonciation à percevoir l'aide juridictionnelle ;

M. A soutient que le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer sur le moyen tiré de l'insuffisante motivation du refus de titre ; que la motivation de cette décision est insuffisante ; qu'au fond, elle méconnaît les articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'elle opère une distinction théorique en droit pour aboutir à une discrimination de fait ; que s'il avait fait l'objet d'une mesure d'expulsion ou d'interdiction du territoire national à la suite du refus de titre qui lui a été opposé en 2000 en raison d'une menace d'atteinte à l'ordre public, il aurait bénéficié de l'article 86 de la loi du 26 novembre 2003 et aurait pu prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en considération de ses liens familiaux en France et de l'ancienneté de son séjour ; que n'ayant pas fait l'objet de ces mesures d'éloignement, il ne saurait être privé du bénéfice de cette réforme, alors que sa situation est en tout point conforme aux objectifs et à l'esprit de la loi nouvelle ; qu'il en va de même de l'impossibilité de le reconduire à la frontière qui le garantit d'une mesure d'éloignement tout en lui interdisant, ainsi qu'à sa famille, de vivre normalement sur le territoire ; qu'il vit en France depuis l'âge de quatre ans, possède une qualification et une expérience professionnelles ; qu'il est marié avec une compatriote titulaire d'une carte de résident dont il a deux enfants qui n'ont connu que la France et qui y sont scolarisés ; qu'il est socialement inséré ; qu'il n'a joué qu'un rôle secondaire dans la commission des faits pour lesquels il a été arrêté en 1997 en Turquie puis entendu en Italie, en 2004 et 2006 ; qu'il est étranger à l'infraction qui ont motivé son extradition en Italie, puis sa remise en liberté ; que depuis sa libération des prisons turques, il n'a pas récidivé ; qu'en tout état de cause, la menace à l'ordre public n'est pas suffisamment caractérisée pour que l'atteinte portée à son droit à sa vie familiale ne soit pas disproportionnée ; qu'est sans incidence sur cette appréciation la circonstance qu'il serait éligible au regroupement familial ; qu'alors qu'il a travaillé en situation régulière plus de quatre ans, le préfet du Rhône ne pouvait lui refuser un titre sans méconnaître les accord d'Ankara ratifiés entre la communauté européenne et la Turquie, qui lui donnent vocation d'exercer en France dans tous les secteurs d'activités ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 20 janvier 2010, présenté pour le préfet du Rhône ;

Le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de M. A la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Le préfet du Rhône soutient que la requête, dépourvue de moyen d'appel, est irrecevable ; que le requérant ne s'est pas prévalu en première instance du défaut de motivation du refus de titre ; qu'étant rentré et s'étant maintenu clandestinement en France, il n'établit pas l'intensité et la stabilité de sa vie familiale ; que les faits de trafic de stupéfiants comme les infractions commises ultérieurement en France caractérisent la menace d'atteinte à l'ordre public ; que rien ne s'oppose à ce qu'il poursuive sa vie familiale en Turquie avec son épouse et leurs deux enfants ;

Vu la décision du 20 octobre 2009, par laquelle la section administrative d'appel du bureau d'aide juridictionnelle du Tribunal de grande instance de Lyon a admis M. A au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 avril 2010 :

- le rapport de M. Arbarétaz, premier conseiller,

- les observations de Me Bescou pour M. A,

- les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public,

la parole ayant été de nouveau donnée à Me Bescou ;

Considérant que dans sa requête, M. A ne se borne pas à reprendre purement et simplement ses écritures de première instance ; que la fin de non-recevoir opposée par le préfet du Rhône ne peut qu'être écartée ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que M. A, ressortissant turc, né en 1972, est entré à l'âge de quatre ans en France où il a effectué sa scolarité puis exercé une activité professionnelle ; qu'il a épousé une ressortissante turque titulaire d'une carte de résident ; qu'il est père de deux enfants nés en France où résident également ses parents et ses frères et soeurs ; que, eu égard à l'intensité de tels liens et à l'ancienneté de son séjour, interrompu seulement par deux ans de détention en Turquie, la décision de refus de titre litigieuse, en date du 28 juin 2007, a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard du but en vue duquel elle a été prise, tenant à la préservation de risques d'atteinte à l'ordre public que révèlent l'important trafic de stupéfiants auquel il s'est livré en Turquie en 1977 et des infractions de faible gravité, essentiellement routières, qu'il a commises en France ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et de la décision du 28 juin 2007 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt implique nécessairement, au sens de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, que le préfet du Rhône délivre à M. A une carte temporaire de séjour lui permettant d'exercer une activité professionnelle ; qu'il y a lieu de lui adresser une injonction en ce sens en lui fixant un délai d'un mois ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, d'une part, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, qui sera versée au conseil de M. A sous réserve qu'il renonce à percevoir l'aide juridictionnelle ; que, d'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions du préfet du Rhône doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0707975 du Tribunal administratif de Lyon en date du 12 mai 2009 et la décision du 28 juin 2007 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de délivrer à M. A un titre de séjour, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer à M. A une carte temporaire de séjour lui permettant d'exercer une activité professionnelle dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative une somme de 1 500 euros au conseil de M. A sous réserve qu'il renonce à percevoir l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Les conclusions présentées par le préfet du Rhône au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Adem A et au ministre de l'immigration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 15 avril 2010 à laquelle siégeaient :

M. du Besset, président de chambre,

M. Arbarétaz, premier conseiller,

Mme Vinet, conseiller.

Lu en audience publique, le 6 mai 2010.

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N° 09LY01542


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY01542
Date de la décision : 06/05/2010
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: M. Philippe ARBARETAZ
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : TOMASI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-05-06;09ly01542 ?
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