Vu la requête et le mémoire rectificatif, enregistrés au greffe de la Cour les 19 et 20 août 2008, présentés pour la SOCIETE EPARCO, dont le siège est 18 rue de Tilsitt à Paris (75017) ;
La SOCIETE EPARCO demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0601781 en date du 19 juin 2008, par lequel le Tribunal administratif de Dijon l'a condamnée à verser à la Communauté de communes du pays corbigeois la somme de 47 902,15 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 24 juin 2006 et la capitalisation annuelle de ces intérêts à compter du 24 juin 2007, en réparation du préjudice résultant pour elle des désordres affectant la station d'épuration de Viry sur le territoire de la commune de Cervon (Nièvre), a mis à sa charge les frais de l'expertise liquidés à 34 623,43 euros ainsi que la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter les demandes présentées contre elle par la Communauté de communes du pays corbigeois ;
3°) de condamner l'Etat à la relever et garantir de toute condamnation prononcée contre elle ;
4°) de mettre à la charge de la Communauté de communes du pays corbigeois une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La SOCIETE EPARCO soutient que l'expert s'est radicalement trompé, si bien que le tribunal administratif aurait dû ordonner une nouvelle expertise ; que le procédé qu'elle utilise est unanimement reconnu par les autorités scientifiques ; que les désordres résultent en fait de la présence non contestée d'eaux claires parasites, qui sont nuisibles et compromettent inévitablement le travail épuratoire de la station, et du manque d'entretien ; que le Tribunal s'est mépris sur l'objet du marché et les obligations des parties ; que les travaux préconisés par l'expert ne sont pas pertinents et seraient voués à l'échec ; que les frais engagés par le maître d'ouvrage pour un montant de 4 602,15 euros ne répondent pas aux causes réelles des dysfonctionnements ; que la direction départementale de l'équipement, maître d'oeuvre, a sous-estimé l'apport d'effluents à traiter en les évaluant à 60 équivalents-habitants (EH) ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance du 24 septembre 2009 portant clôture de l'instruction au 24 novembre 2009 ;
Vu, enregistré le 20 novembre 2009, le mémoire en défense présenté pour la Communauté de communes du pays corbigeois, qui conclut à ce que la Cour rejette la requête et mette à la charge de la SOCIETE EPARCO la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La Communauté de communes du pays corbigeois soutient que les conclusions de l'expert, dont le sérieux ne peut être mis en doute, sont parfaitement objectives ; que le constat de ce que l'eau de sortie est de très mauvaise qualité, si bien que la station est impropre à sa destination, suffit à établir la responsabilité de la SOCIETE EPARCO, selon le principe énoncé par l'article 1792 du code civil ; que les erreurs de calcul commises par l'expert seraient en tout état de cause sans influence sur sa responsabilité ; qu'aucune faute d'un tiers ne l'en exonère ; que si la présence d'eaux claires parasites est indéniable, elle n'explique pas les désordres ; que les entrées de ces eaux ont été éliminées, et, pour autant, les désordres persistent ; que la charge de pollution équivalente à 60 EH est respectée ; que le montant du préjudice est justifié ;
Vu, enregistré le 23 novembre 2009, le mémoire présenté pour le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, qui conclut au rejet de la requête ; le ministre soutient que le jugement est régulier ; que le rapport d'expertise est régulier et suffisant ; que la maîtrise d'oeuvre n'a commis aucune erreur ; que le préjudice indemnisable a été correctement évalué ;
Vu l'ordonnance du 25 novembre 2009 portant réouverture de l'instruction ;
Vu, enregistré le 9 avril 2010, le nouveau mémoire présenté pour la SOCIETE EPARCO, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 avril 2010 :
- le rapport de M. du Besset, président de chambre,
- les observations de Me Israel, représentant la SOCIETE EPARCO, et de Me Pedelucq, représentant la Communauté de communes du pays corbigeois,
- les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public,
la parole ayant été donnée à nouveau à Me Israel et Me Pedelucq ;
Vu, enregistrée le 22 avril 2010, la note en délibéré présentée pour la SOCIETE EPARCO ;
Considérant que par marché du 4 novembre 1999 la commune de Cervon a confié à la SOCIETE EPARCO la construction d'une station d'épuration destinée au traitement des eaux usées du hameau de Viry ; que la réception de l'ouvrage a été prononcée le 12 juin 2000 sans réserve ; qu'à partir de 2002 ont été constatés des dysfonctionnements se traduisant par une mauvaise qualité des eaux de sortie ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a condamné la SOCIETE EPARCO, au titre de sa responsabilité décennale, à verser la somme de 47 902,15 euros à la Communauté de communes du pays corbigeois, qui avait succédé aux droits et obligations de la commune de Cervon, en réparation du préjudice résultant pour elle de ces dysfonctionnements, a mis à la charge de la SOCIETE EPARCO les frais d'expertise et a rejeté l'appel en garantie qu'elle avait formé à l'encontre de l'Etat ;
Sur la régularité de l'expertise :
Considérant, en premier lieu, que s'il résulte de l'instruction que l'expert désigné en référé a collaboré en 2006 avec le Centre national du machinisme agricole du génie rural, des eaux et des forêts (CEMAGREF) pour l'élaboration d'un rapport sur Les systèmes d'épuration par infiltration-percolation, rien n'établit qu'il serait personnellement intéressé à la commercialisation d'un système d'épuration concurrent et pourrait ainsi être suspecté de partialité ;
Considérant, en second lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction et notamment pas du rapport de l'expert que celui-ci aurait été opposé par principe au procédé mis en oeuvre par la SOCIETE EPARCO et aurait ainsi eu un parti pris contre celle-ci ;
Sur la responsabilité de la SOCIETE EPARCO :
Cosidérant qu'aux termes de l'article 1792 du code civil : Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. / Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère ; qu'aux termes de l'article 2270 du même code, dans sa rédaction alors applicable : Les architectes, entrepreneurs et autres personnes liées au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage sont déchargés de la garantie des ouvrages qu'ils ont faits ou dirigés après dix ans s'il s'agit de gros ouvrages, après deux ans pour les menus ouvrages ;
Considérant qu'en vertu des principes dont s'inspirent les dispositions précitées du code civil, lorsque des désordres de nature à compromettre la solidité d'un ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination sont survenus dans un délai de dix ans à compter de la réception de celui-ci et sont imputables, même partiellement, à un constructeur, celui-ci en est responsable de plein droit envers le maître d'ouvrage, sauf pour le constructeur à s'exonérer de sa responsabilité en établissant que les désordres résultent d'une cause étrangère à son intervention ;
Considérant que, d'une part, il résulte de l'instruction que les deux massifs filtrants de la station en litige sont totalement colmatés si bien que les effluents rejetés sont de très mauvaise qualité, engendrant un développement bactérien mis en évidence par la présence de mousse blanche ; qu'ainsi les désordres sont de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination ; que, d'autre part, dès lors que la SOCIETE EPARCO avait en charge la construction de la station et notamment l'installation des massifs filtrants, ces désordres sont présumés lui être imputables ;
Considérant que la SOCIETE EPARCO soutient que, eu égard à la qualité du procédé mis en oeuvre, les désordres ne peuvent s'expliquer que par des causes extérieures à l'ouvrage et ont donc pour origine les fautes qu'aurait commises le maître d'ouvrage qui aurait manqué à ses obligations d'entretien en laissant s'infiltrer dans l'installation des eaux claires parasites ;
Considérant qu'à supposer même que les performances théoriques des filtres compacts à massif de zéolithe mis en place seraient bien supérieures à ce qu'a estimé l'expert et qu'il serait scientifiquement prouvé que leur efficacité est telle qu'ils doivent théoriquement permettre largement le traitement du volume d'eaux usées prévu par le marché, ces circonstances ne sauraient suffire, en tout état de cause, à établir que le mauvais fonctionnement de la station a nécessairement pour cause un fait étranger à l'intervention de la SOCIETE EPARCO, qui les a installés ;
Considérant que, si la présence d'eaux claires parasites a effectivement été constatée dans le réseau, il résulte du rapport de l'expert, non contesté sur ce point, que leur flux ordinaire peut être au plus évalué à 1,88 m3 par jour, l'augmentation du débit pouvant par ailleurs atteindre 50 % en cas de précipitation marquée ; qu'alors que, selon l'article 1.4.2 du cahier des clauses techniques particulières annexé au marché, le volume prévu des charges hydrauliques que devait supporter la station, était, à raison d'une consommation d'eau quotidienne de 150 litres par équivalent-habitant, de 9 m3, avec un débit de pointe de 0,4 l par seconde, la SOCIETE EPARCO n'établit pas que ces apports d'eau claire, relativement modérés par rapport aux performances requises, sont à l'origine des désordres ;
Sur le préjudice :
Considérant que la SOCIETE EPARCO se borne à soutenir que les travaux préconisés par l'expert, consistant à réhabiliter les filtres existants et à doubler l'étage de filtration, ne sont pas pertinents et que ceux que la Communauté de communes du pays corbigeois avait effectués avant l'expertise ne répondent pas aux causes réelles des dysfonctionnements constatés ; que, dans ces conditions, alors notamment qu'elle ne propose pas de solution alternative, la SOCIETE EPARCO ne met pas la Cour à même de remettre en cause la nécessité et le coût de ces travaux ;
Sur l'appel en garantie formé par la SOCIETE EPARCO à l'encontre de l'Etat :
Considérant que la SOCIETE EPARCO soutient que, dans sa mission de maîtrise d'oeuvre, la direction départementale de l'équipement de la Nièvre a commis une faute en sous-estimant la charge d'effluents à traiter par la station ; que, toutefois il ne résulte pas de l'instruction et il n'est d'ailleurs même pas allégué que les désordres en litige auraient pour origine un excès d'effluents par rapport aux capacités prévues de l'ouvrage ; que, dès lors, les conclusions susanalysées ne peuvent qu'être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'instituer une nouvelle expertise, que la SOCIETE EPARCO n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Dijon l'a condamnée à verser la somme de 47 902,15 euros à la Communauté de communes du pays corbigeois et a rejeté ses conclusions d'appel en garantie ;
Sur les conclusions présentées au titre des frais non compris dans les dépens :
Considérant que, d'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de la Communauté de communes du pays corbigeois, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance ; que, d'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de la SOCIETE EPARCO, une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la Communauté de communes du pays corbigeois et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIETE EPARCO est rejetée.
Article 2 : La SOCIETE EPARCO versera à la Communauté de communes du pays corbigeois une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE EPARCO, à la Communauté de communes du pays corbigeois et au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer.
Délibéré après l'audience du 15 avril 2010, où siégeaient :
M. du Besset, président de chambre,
M. Arbarétaz, premier conseiller,
Mme Vinet, conseiller.
Lu en audience publique, le 6 mai 2010.
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N° 08LY01949