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06/05/2010 | FRANCE | N°08LY00281

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 06 mai 2010, 08LY00281


Vu, enregistrée le 6 février 2008, la requête présentée pour M. et Mme Raymond A, domiciliés ... ;

Ils demandent à la Cour :

1°) l'annulation du jugement n° 0605532 du 27 novembre 2007 du Tribunal administratif de Lyon qui a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne au paiement de la somme globale de 30 000 euros en réparation des conséquences dommageables de l'hospitalisation de leur fille Sonia A, épouse B ;

2°) de faire droit à leur demande ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier

universitaire de Saint-Etienne les dépens de l'instance et le paiement d'une somme de 5 ...

Vu, enregistrée le 6 février 2008, la requête présentée pour M. et Mme Raymond A, domiciliés ... ;

Ils demandent à la Cour :

1°) l'annulation du jugement n° 0605532 du 27 novembre 2007 du Tribunal administratif de Lyon qui a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne au paiement de la somme globale de 30 000 euros en réparation des conséquences dommageables de l'hospitalisation de leur fille Sonia A, épouse B ;

2°) de faire droit à leur demande ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne les dépens de l'instance et le paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- l'injection de Lovenox au décours d'une coelioscopie était injustifiée ;

- le centre a commis une faute en lui prescrivant du Lovenox compte tenu des risques d'hémorragie, notamment en association avec d'autres médicaments ;

- les risques hémorragiques connus n'ont pas été portés à la connaissance de l'intéressée ;

- la responsabilité sans faute du centre est également engagée, l'intéressée n'étant pas particulièrement exposée à ce risque ;

- il y a bien un lien de causalité direct entre l'administration d'héparine et l'accident dont Mme B a été victime ;

- les neurochirurgiens qui ont opéré Mme B ont imputé l'origine de son accident à l'administration d'héparine ;

- la concomitance entre l'hémorragie responsable des troubles neurologiques et l'injection d'héparine confirme le lien existant entre ces deux événements ;

- aucun autre facteur ne peut expliquer cette hémorragie ;

- il n'y a pas de rapport entre l'état initial de la patiente et la complication observée ;

- elle était atteinte d'un handicap extrêmement grave ;

- ses parents ont souffert d'un préjudice personnel très important, notamment de profonds troubles dans les conditions d'existence.

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 22 septembre 2008, le mémoire présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de Saint-Etienne qui conclut à l'annulation du jugement attaqué et à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne solidairement avec la société hospitalière d'assurance mutuelle (SHAM) à lui payer une somme de 106 255,20 euros en remboursement de ses débours, outre intérêts légaux et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir que la responsabilité du centre est engagée et que celui-ci doit lui rembourser les débours exposés ;

Vu, enregistré le 8 février 2010, le mémoire en défense présenté pour le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne et par la société hospitalière d'assurance mutuelle (SHAM) qui concluent au rejet de la requête ;

Ils font valoir que :

- la SHAM étant une personne privée, la juridiction administrative n'est pas compétente à son égard ;

- la prescription d'héparine en association avec des anti inflammatoires est assez courante et rien dans les antécédents de Mme B ne permettait de suspecter l'évolution d'une complication hémorragique ;

- il n'y a pas de lien causal entre l'injection de Lovenox et l'hémorragie cérébrale dont elle a été victime ;

- faute d'être connu, le centre ne pouvait informer la patiente du risque d'hémorragie intracrânienne qui s'est réalisé ;

- il n'y a pas de lien entre l'injection d'héparine et l'hémorragie cérébrale dont l'intéressée a été victime de telle sorte que sa responsabilité sans faute ne saurait être engagée ;

- bien que grave, le handicap dont elle souffrait n'était pas exceptionnellement grave ;

- les sommes demandées devraient en toute hypothèses être ramenées à de plus justes proportions ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi du 11 décembre 2001 ;

Vu le décret du 27 février 1998 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er avril 2010 :

- le rapport de M. Picard, premier conseiller ;

- les observations de Me Brun, avocat de M. et Mme Raymond A, de Me Demailly, avocat du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne et de Me Maymon, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire ;

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;

La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;

Considérant que Mme B a été hospitalisée le 2 avril 2000 à l'hôpital Nord de Saint-Etienne à la suite d'une infection de l'endomètre attribuée au port d'un stérilet qui a été retiré, un traitement par antibiotiques lui étant par ailleurs administré ; que la réapparition de fortes fièvres le 7 avril 2000 a justifié des échographies de la région abdomino-pelvienne qui ont mis évidence un important épanchement intra-péritonéal avec suspicion d'une tumeur à l'ovaire droit ; qu'une coelioscopie à visée diagnostique a alors été prévue pour le 10 avril suivant ; qu'un médecin anesthésiste a examiné la patiente le 8 avril 2000, lui prescrivant notamment l'injection d'héparine sous forme de Lovenox 20 mg, qui a été réalisée le 10 avril à 12 heures, soit deux heures avant l'intervention prévue ; que vers 13h 45 la patiente a présenté des céphalées importantes puis une difficulté à mobiliser son bras droit ; que le médecin anesthésiste a alors prescrit un scanner réalisé en urgence à l'hôpital Bellevue, qui a mis à jour un hématome volumineux au cerveau dont elle a été opérée sans délai ; que Mme B est restée atteinte d'une hémiplégie droite massive avec aphasie jusqu'à son décès en mai 2002 des suites d'un accident domestique ; que ses parents, M. et Mme A, ont demandé au Tribunal administratif de Lyon la condamnation du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne à les indemniser du préjudice moral qu'ils ont subi du fait des conséquences dommageables de la prise en charge de leur fille, la caisse primaire d'assurance maladie de Saint-Etienne ayant demandé le remboursement de ses débours ; que par un jugement du 27 novembre 2007 le Tribunal a rejeté leurs demandes ; que M. et Mme A relèvent appel de ce jugement ; que la caisse primaire d'assurance maladie de Saint-Etienne demande à la Cour la condamnation solidaire du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne et de son assureur, la SHAM, au remboursement de ses débours ;

Sur les conclusions de M. et Mme A :

Considérant, en premier lieu, que les requérants soutiennent que l'administration à leur fille d'un anticoagulant sous forme de Lovenox serait constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité du centre ; qu'il résulte de l'instruction qu'une telle prémédication était conforme aux bonnes pratiques médicales concernant la préparation aux actes coelioscopiques en gynécologie et que Mme B ne présentait aucun antécédent clinique connu, permettant de soupçonner l'existence chez elle d'une lésion à potentiel hémorragique ; que, dans ces conditions, l'injection de cette substance à Mme B n'est pas fautive ; qu'au demeurant, selon l'expert, l'administration d'héparine n'a pu, par elle-même, entraîner l'hémorragie dont a été victime l'intéressée alors que des IRM cérébrales réalisées à plus d'un an de l'accident hémorragique ont montré que persistait dans la cavité de l'hématome une masse lentement involutive faisant suspecter l'existence d'une malformation vasculaire ou d'une tumeur à l'origine de cette hémorragie, l'autopsie pratiquée à la suite du décès accidentel de l'intéressée n'ayant pas permis d'écarter cette hypothèse ; qu'aucun lien direct de causalité entre la prise d'héparine et l'hémorragie n'est ainsi avéré ; que, par suite, M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que la responsabilité pour faute du centre hospitalier serait engagée du seul fait de l'administration d'héparine à leur fille ;

Considérant, en deuxième lieu, que lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité ; que le dommage résultant pour Mme B de l'injection d'héparine, qui n'a pu provoquer l'hémorragie mais seulement en aggraver les conséquences, n'est pas sans lien avec son état initial ; qu'il ne saurait, dès lors, ouvrir droit à indemnisation au titre de la responsabilité sans faute de l'établissement hospitalier ;

Considérant, en troisième lieu, que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, les seules circonstances que ces risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ou que l'état de santé du patient ait nécessité l'intervention réalisée ne dispensent pas les praticiens de leur obligation ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le risque d'hémorragie cérébrale présenté par Mme B était connu du centre hospitalier ; qu'il n'a dès lors commis aucune faute en ne l'informant pas des contre-indications à la prise d'une substance anti-coagulante ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal a rejeté leurs conclusions ;

Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Saint-Etienne contre la SHAM :

En ce qui concerne la compétence :

Considérant d'une part, qu'en application des dispositions combinées de l'article 1er du décret susvisé du 27 février 1998 modifiant le code des marchés publics, dont les dispositions figurent désormais sur ce point à l'article 29 de ce code, et de l'article 2 de la loi susvisée du 11 décembre 2001 qui dispose que Les marchés passés en application du code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs un contrat d'assurance passé par une collectivité territoriale notamment, présente le caractère d'un contrat administratif ; que d'autre part si l'action directe ouverte par l'article L. 124-3 du code des assurances à la victime d'un dommage, ou à l'assureur de celle-ci subrogé dans ses droits, contre l'assureur de l'auteur responsable du sinistre, tend à la réparation du préjudice subi par la victime, elle poursuit l'exécution de l'obligation de réparer qui pèse sur l'assureur en vertu du contrat d'assurance ; qu'elle relève par suite de la compétence de la juridiction administrative dès lors que le contrat d'assurance présente le caractère d'un contrat administratif et que le litige n'a pas été porté devant une juridiction judiciaire avant la date d'entrée en vigueur de la loi du 11 décembre 2001 ; que dans ces conditions, compte tenu du caractère administratif du contrat d'assurance conclu entre le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne et la SHAM, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que le juge judiciaire aurait été saisi de ce litige avant la date d'entrée en vigueur de la loi susvisée du 11 décembre 2001, les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de Saint-Etienne contre la SHAM relèvent, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, de la compétence de la juridiction administrative ;

En ce qui concerne la responsabilité :

Considérant que pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de Saint-Etienne contre le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne et la SHAM, dont la responsabilité n'est pas engagée à l'égard de consorts A, ne peuvent qu'être rejetées ; que la caisse n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal a rejeté ses conclusions ;

Sur les frais irrépétibles:

Considérant que les conclusions présentées par les consorts A et par la caisse primaire d'assurance maladie de Saint-Etienne sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent donc qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête des consorts A et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Saint-Etienne sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Raymond A, au centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne, à la société hospitalière d'assurance mutuelle et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire.

Délibéré après l'audience du 1er avril 2010 à laquelle siégeaient :

Mme Verley-Cheynel, président de la formation de jugement,

MM. Picard et Stillmunkes, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 6 mai 2010.

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N° 08LY00281


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08LY00281
Date de la décision : 06/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VERLEY-CHEYNEL
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : SCP DUFOUR-HARTEMANN-MARTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-05-06;08ly00281 ?
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