La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/04/2010 | FRANCE | N°09LY01850

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 27 avril 2010, 09LY01850


Vu la requête, enregistrée à la Cour le 15 juillet 2009, présentée pour M. et Mme A, domiciliés ... ;

M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0708232 du 28 avril 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 2 novembre 2007 par laquelle le préfet de l'Ardèche a rejeté leur demande de regroupement familial au bénéfice de Mlle Hanene B ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision susmentionnée ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ardèche de réexaminer

leur demande dans les trente jours suivant la notification du présent arrêt, sous astreinte de ...

Vu la requête, enregistrée à la Cour le 15 juillet 2009, présentée pour M. et Mme A, domiciliés ... ;

M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0708232 du 28 avril 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 2 novembre 2007 par laquelle le préfet de l'Ardèche a rejeté leur demande de regroupement familial au bénéfice de Mlle Hanene B ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision susmentionnée ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ardèche de réexaminer leur demande dans les trente jours suivant la notification du présent arrêt, sous astreinte de 152,45 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Les requérants soutiennent, sur la légalité externe, que la décision est entachée d'incompétence dès lors que son signataire ne disposait pas d'une délégation de signature et est insuffisamment motivée dès lors qu'elle fait référence au code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, inapplicable en l'espèce ; sur la légalité interne, que c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé que le motif tiré de l'absence de ressources suffisantes était erroné ; que c'est en revanche à tort qu'il a retenu le motif tiré de l'intérêt supérieur de l'enfant dès lors, d'une part, que ce motif n'avait pas été retenu par la décision attaquée et, d'autre part, qu'il est dans l'intérêt supérieur de leur nièce de venir vivre auprès d'eux en France ainsi qu'en atteste l'acte de kafala ; que la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 septembre 2009, présenté pour le préfet de l'Ardèche qui conclut au rejet de la requête ; le préfet soutient que les moyens de légalité externe manquent en fait dès lors que le signataire avait reçu délégation et que la décision est suffisamment motivée ; que sa décision n'a pas méconnu l'article 3-1 de la convention des droits de l'enfant et ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit et au respect de la vie privée et familiale des requérants ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance en date du 29 janvier 2010 fixant la clôture d'instruction au 26 février 2010, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 mars 2010 :

- le rapport de M. Monnier, premier conseiller ;

- les observations de Me de Renty substituant Me Fort, avocat de M. et Mme A ;

- et les conclusions de M. Gimenez, rapporteur public ;

- la parole ayant été de nouveau donnée à Me de Renty substituant Me Fort ;

Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. et Mme A tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision, en date du 2 novembre 2007, par laquelle le préfet de l'Ardèche leur a refusé le bénéfice du regroupement familial en faveur de leur nièce, la jeune Hanene B, qui leur a été confiée par les parents de cette dernière, par acte de kafala en date du 5 avril 2005 ;

Sur la légalité externe :

Considérant que pour contester la légalité externe de la décision du préfet de l'Ardèche du 2 novembre 2005, M. et Mme A reprennent les moyens tirés de l'incompétence du signataire de cette décision et de l'insuffisance de motivation déjà présentés en première instance ; qu'il résulte de l'instruction que ceux-ci doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux retenus par le Tribunal administratif de Lyon, que la Cour fait siens ;

Sur la légalité interne :

Considérant qu'aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien susvisé : (...) Le regroupement familial est sollicité pour l'ensemble des personnes désignées au titre II du Protocole annexé au présent Accord (...) ; qu'aux termes du titre II dudit Protocole : Les membres de la famille s'entendent du conjoint d'un ressortissant algérien, de ses enfants mineurs ainsi que des enfants de moins de dix-huit ans dont il a juridiquement la charge en vertu d'une décision de l'autorité judiciaire algérienne dans l'intérêt supérieur de l'enfant (...) ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention susvisée relative aux droits de l'enfant : 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'enfin, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ; qu'il résulte de ces stipulations que le regroupement familial ne peut être demandé au profit d'un enfant mineur, qui n'est pas celui du demandeur mais dont ce dernier a la charge en vertu d'une décision de l'autorité judiciaire algérienne, que si cela correspond à l'intérêt supérieur de cet enfant ; qu'il appartient à l'autorité administrative saisie d'une demande de regroupement familial de vérifier, sous le contrôle du juge, que cette condition est effectivement remplie ; qu'ainsi, le préfet n'était pas légalement tenu d'accorder le bénéfice du regroupement familial au profit d'un enfant dont le demandeur avait la charge dans le cadre d'un dispositif de kafala, mais devait au préalable vérifier s'il y allait de l'intérêt supérieur de cet enfant au sens de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant ;

Considérant, en premier lieu, qu'en précisant que la demande de regroupement familial des requérants avait déjà fait l'objet d'un refus le 2 décembre 2005, motivé par le fait que les parents légitimes de leur nièce, qui avaient toujours vécu en Algérie, n'avaient pas été déchus de leurs droits parentaux et qu'ainsi, il n'apparaissait pas dans son intérêt de la séparer de son unité familiale existante dans son pays d'origine, le préfet de l'Ardèche a entendu ajouter au motif tiré de l'insuffisance de ressources énoncé au préalable dans sa décision, celui tiré de ce que l'intérêt supérieur de l'enfant était de rester en Algérie ; qu'il suit de là que M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que la décision attaquée ne reposerait que sur le motif tiré de l'insuffisance des ressources ; que c'est dès lors à bon droit que le tribunal administratif a examiné le bien-fondé du motif tiré de l'intérêt supérieur de l'enfant après avoir jugé que le préfet avait entaché sa décision d'erreur dans l'appréciation des ressources des requérants ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, par jugement en date du 5 avril 2005 du Tribunal d'El Eulma, M. et Mme A se sont vu attribuer le recueil légal de la nièce de Mme A, Mlle Hanene B, née le 5 janvier 1998 ; que cet acte de kafala, qui, à la différence de l'adoption, ne crée aucun lien de filiation et s'apparente à un simple transfert de l'autorité parentale, qui n'emporte aucun droit particulier à l'accès et au séjour de l'enfant sur le territoire français ; que, contrairement à ce qui est allégué, cet acte n'avait pas et n'aurait d'ailleurs pu avoir pour objet d'accorder à M. et Mme A, ressortissants algériens résidant régulièrement sur le territoire français, le bénéfice du regroupement familial pour cette enfant, décision relevant des seules autorités françaises ; que, notamment, la circonstance que l'acte de kafala a été pris au vu de l'intérêt de l'enfant, ne liait pas le préfet quant à son appréciation de savoir s'il était ou non dans l'intérêt de l'enfant de rester en Algérie ; que le moyen tiré de ce que le préfet de l'Ardèche aurait méconnu la chose jugée par la décision de kafala doit ainsi être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle Hanene B vit chez sa mère, divorcée de son père depuis le 27 avril 2002 ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-avant, l'acte de kafala est sans incidence sur sa filiation ; que si les requérants allèguent que la mère de l'enfant est de santé fragile, vit dans des conditions précaires et dispose de revenus faibles, ils n'établissent pas que ses parents seraient dans l'incapacité d'assurer son éducation et son entretien, alors qu'il n'apparaît pas dans l'intérêt supérieur de l'enfant, qui était âgée de onze ans à la date de la décision en litige, d'être durablement éloignée de ses parents et de son milieu social et culturel, où elle a vécu depuis sa naissance ; que si les requérants soutiennent qu'ils contribuent régulièrement à l'entretien et à l'éducation de leur nièce, ils ne démontrent pas, par les pièces qu'ils produisent, que l'enfant ne pourrait subsister en Algérie sans leur aide ; qu'ainsi, le préfet de l'Ardèche n'a pas commis d'erreur de droit en refusant à M. et Mme A le bénéfice du regroupement familial pour sa jeune nièce, ni porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, qui doit être concilié avec l'intérêt supérieur de l'enfant, une atteinte excessive au regard des buts que sa décision poursuivait nonobstant la circonstance que les intéressés disposent de ressources suffisantes et qu'ils attendent depuis plusieurs années de pouvoir enfin recueillir leur nièce pour lui offrir tout leur amour ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance, par la décision attaquée, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de celles de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant et de celles de l'accord franco-algérien doivent être écartés ; que le motif tiré de l'intérêt supérieur de l'enfant n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant, enfin, qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Ardèche, s'il n'avait retenu que le motif tiré de l'intérêt supérieur de l'enfant à rester en Algérie, aurait pris la même décision à l'égard de la demande de M. et Mme A ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 2 novembre 2007 ; que les conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par eux et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet de l'Ardèche.

Délibéré après l'audience du 23 mars 2010 à laquelle siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

MM. Monnier et Pourny, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 27 avril 2010.

''

''

''

''

1

2

N° 09LY01850


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY01850
Date de la décision : 27/04/2010
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. Pierre MONNIER
Rapporteur public ?: M. GIMENEZ
Avocat(s) : ALAIN FORT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-04-27;09ly01850 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award