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27/04/2010 | FRANCE | N°09LY01186

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 27 avril 2010, 09LY01186


Vu la requête, enregistrée le 2 juin 2009, présentée pour M. Gungor A, domicilié chez madame Kubra B, épouse C, ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900492, en date du 19 mai 2009, par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 janvier 2009 du préfet de Saône-et-Loire portant refus de délivrance d'un titre de séjour, assortie d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et d'une décision désignant le pays à destination duquel il serait recondu

it à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à cette obligation...

Vu la requête, enregistrée le 2 juin 2009, présentée pour M. Gungor A, domicilié chez madame Kubra B, épouse C, ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900492, en date du 19 mai 2009, par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 janvier 2009 du préfet de Saône-et-Loire portant refus de délivrance d'un titre de séjour, assortie d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et d'une décision désignant le pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à cette obligation de quitter le territoire français ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale , dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Il soutient qu'il devait bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne peut prétendre au bénéfice du regroupement familial, eu égard aux ressources de son épouse ; que les décisions du préfet de Saône-et-Loire prises à son encontre portent une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet de Saône-et-Loire a entaché sa décision de refus de titre de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation et qu'il a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été notifiée au préfet de Saône-et-Loire, qui n'a pas produit d'observations ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 29 septembre 2009, accordant à M. A le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 mars 2010 :

- le rapport de M. Pourny, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Gimenez, rapporteur public ;

Considérant que M. A, ressortissant turc se présentant tantôt sous le nom d'A, tantôt sous le nom de D, conteste le jugement n° 0900492 du 19 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 29 janvier 2009 par lesquelles le préfet de Saône-et-Loire lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé son pays de destination ;

Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République et qu'aux termes de l'article L. 411-1 du même code : Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans ;

Considérant que M. A, ressortissant turc né en 1979, soutient, sans toutefois l'établir, être entré régulièrement en France en septembre 2003 via l'Allemagne ; que le préfet du Doubs lui a refusé le séjour, le 24 août 2005, à la suite du rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que M. A a ensuite fait l'objet d'une décision de refus de titre de séjour le 26 juin 2007, assortie d'une obligation de quitter le territoire français, opposée par le préfet de Saône-et-Loire ; qu'il a cependant bénéficié pour des raisons humanitaires, eu égard à la grossesse difficile de sa compagne, d'une autorisation provisoire de séjour de trois mois à compter du 25 avril 2008 ; que sa demande de régularisation ultérieure a fait l'objet d'un rejet par le préfet de Saône-et-Loire, le 29 janvier 2009 ; que pour contester ce refus de délivrance d'un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale , M. A soutient qu'il devait bénéficier des dispositions du 7° de l'article L. 313-11, dès lors que le niveau de ressources de son épouse ne permettait pas à celle-ci de demander le regroupement familial à son profit ; que toutefois, il n'est pas contesté qu'à la date de la décision litigieuse, son épouse, Mme B, ressortissante turque, résidait en France depuis au moins dix-huit mois et était titulaire d'une carte de séjour temporaire d'un an, régulièrement renouvelée depuis son divorce d'avec son précédent mari, de nationalité française, eu égard aux violences conjugales dont elle aurait été victime ; que M. A se trouvait ainsi dans l'une des catégories d'étrangers dont la situation permettait la mise en oeuvre de la procédure de regroupement familial prévue par les dispositions des articles L. 411-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et ce, nonobstant la circonstance que les ressources de son épouse n'auraient pas été suffisantes, le préfet ayant toujours la possibilité d'accueillir, en pareil cas, une demande de regroupement familial au titre de son pouvoir de régularisation ; que, par suite, et ainsi que l'a jugé à bon droit le Tribunal administratif de Dijon, M. A ne pouvait pas bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1°. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que si M. A soutient résider en France depuis 2003, y vivre depuis 2004 avec Mme B, dont il a eu deux enfants, nés en 2005 et 2008, et l'avoir épousée le 21 juin 2008, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, dont la date d'entrée en France n'est pas établie, a fait l'objet d'un premier refus de titre de séjour, le 24 août 2005, suivi d'un deuxième refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français, le 26 juin 2007, alors que son épouse, ressortissante turque, entrée en France en 2003, n'a bénéficié d'une mesure de régularisation qu'en raison des violences conjugales que lui aurait fait subir son précédent époux, ressortissant français ; que, dès lors, dans les circonstances de l'espèce, eu égard aux conditions de séjour des intéressés en France, au fait que M. A, qui a fait usage de faux documents, n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où son épouse, sans emploi en France, est susceptible de le rejoindre avec leurs enfants, l'arrêté litigieux n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a donc pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant que M. A n'établit pas l'impossibilité de reconstituer la cellule familiale en Turquie, dès lors que son épouse et ses enfants sont de nationalité turque ; que la circonstance que l'aînée de ses enfants, âgée de quatre ans, soit scolarisée en section de maternelle en France ne suffit pas à établir que la mesure de refus de titre de séjour n'a pas pris en compte l'intérêt supérieur de ses enfants qui peuvent suivre leur scolarité en Turquie ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 doit être écarté ;

Considérant, en dernier lieu, que l'arrêté attaqué, qui relève au surplus que M. A ou D, a fait usage de faux documents de séjour, n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination :

Considérant que, pour les motifs exposés ci-dessus, les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent également être écartés en tant qu'ils sont dirigés contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Gungor A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 23 mars 2010 à laquelle siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

MM. Monnier et Pourny, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 27 avril 2010.

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N° 09LY01186


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY01186
Date de la décision : 27/04/2010
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. François POURNY
Rapporteur public ?: M. GIMENEZ
Avocat(s) : BESCOU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-04-27;09ly01186 ?
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