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27/04/2010 | FRANCE | N°08LY01034

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 27 avril 2010, 08LY01034


Vu la requête, enregistrée le 5 mai 2008, présentée pour M. Jean-François A, domicilié ..., M. Roger A domicilié ... et Mme Denise Labrosse domiciliée ... ;

Les requérants demandent à la Cour:

1°) d'annuler le jugement n° 07-09 en date du 19 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de l'Allier du 12 mai 2005 de céder à M. B une parcelle cadastrée D 662 sur le territoire de la commune de Molinet relevant du domaine de l'Etat ;

2°) d'annuler la décision l

itigieuse ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de saisir le juge du contrat afin de faire consta...

Vu la requête, enregistrée le 5 mai 2008, présentée pour M. Jean-François A, domicilié ..., M. Roger A domicilié ... et Mme Denise Labrosse domiciliée ... ;

Les requérants demandent à la Cour:

1°) d'annuler le jugement n° 07-09 en date du 19 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de l'Allier du 12 mai 2005 de céder à M. B une parcelle cadastrée D 662 sur le territoire de la commune de Molinet relevant du domaine de l'Etat ;

2°) d'annuler la décision litigieuse ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de saisir le juge du contrat afin de faire constater la nullité de la vente et la réintégration de ladite parcelle dans le domaine privé de l'Etat dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre à l'Etat de procéder à la mise en vente de ladite parcelle dans le respect des règles de l'article L. 12-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dans le délai d'un mois suivant la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Les requérants soutiennent que le jugement attaqué a été irrégulièrement rendu en l'absence d'analyse des conclusions et moyens ; qu'il est insuffisamment motivé sur leur absence d'intérêt à agir ; que la vente à M. B méconnait le droit de rétrocession organisé par l'article L. 12-6 du code de l'expropriation ; que les règles de publicité et de mise en concurrence applicables à la vente des immeubles du domaine privé de l'Etat n'ont pas été respectées ; que la décision de céder la parcelle en cause à M. B est entachée de détournement de pouvoir ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 décembre 2008, présenté par le ministre de l'écologie qui conclut au rejet de la requête ; le ministre soutient que le jugement attaqué a été régulièrement rendu ; que les consorts A qui ne se sont pas portés candidats à l'acquisition de la parcelle n'ont pas intérêt à agir ; que seul le juge judiciaire est compétent pour connaître des litiges relatifs aux rétrocessions ; que les règles de publicité ont été respectées ; que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 janvier 2009, présenté pour les consorts A qui confirment leurs précédentes conclusions en demandant en outre qu'il soit ordonné à l'Etat de verser au débat une lettre du préfet de l'Allier du 8 octobre 2004 ainsi que tous documents relatifs à la désignation du bénéficiaire de la vente ;

Les requérants soutiennent qu'ils n'ont pas été informés du projet de cession de la parcelle en cause ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 juin 2009, présenté pour les consorts A qui confirment leurs précédentes conclusions par les mêmes moyens ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du domaine de l'Etat ;

Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 mars 2010 :

- le rapport de M. Fontbonne, président-assesseur ;

- les observations de Me Roquel, avocat des requérants ;

- les conclusions de M. Besson, rapporteur public;

- la parole ayant été à nouveau donnée à la partie présente ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 12-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : Si les immeubles expropriés en application du présent code n'ont pas reçu dans le délai de cinq ans la destination prévue ou ont cessé de recevoir cette destination, les anciens propriétaires ou leurs ayants droits à titre universel peuvent en demander la rétrocession pendant un délai de trente ans à compter de l'ordonnance d'expropriation, à moins que ne soit requise une nouvelle déclaration d'utilité publique ; Lorsque ces terrains sont rétrocédés, les anciens propriétaires ou leurs ayants droits à titre universel disposent d'une priorité pour leur acquisition. L'estimation de leur valeur de vente se fera suivant les mêmes normes que pour les expropriations. ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 129 du code du domaine de l'Etat : L'aliénation d'un immeuble du domaine privé de l'Etat a lieu avec publicité et mise en concurrence, soit par adjudication publique, soit à l'amiable. La cession amiable est précédée d'une publicité permettant une mise en concurrence. Ces procédures ne sont pas applicables aux cessions d'immeubles mentionnées à l'article R. 129-5. qu'aux termes de l'article R. 129-5 du même code : La cession d'un immeuble peut également être faite à l'amiable, sans appel à concurrence : 1° Lorsque des dispositions législatives ou réglementaires spéciales impliquent la cession de l'immeuble au profit d'un acquéreur ou d'une catégorie d'acquéreurs déterminés. 2° Lorsque des dispositions législatives ou réglementaires spéciales permettent la cession de l'immeuble au profit d'un acquéreur ou d'une catégorie d'acquéreurs déterminés ; 3° Lorsque l'adjudication publique a été infructueuse ; 4° Lorsque les conditions particulières d'utilisation de l'immeuble le justifient ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'à la suite de la déclaration d'utilité publique de l'aménagement à 2 fois 2 voies de la RN 79 dans le département de l'Allier, prononcée par décret du 17 mars 1995, Mme C a, par acte du 21 juillet 1998, cédé à l'amiable à l'Etat une superficie de 4 ha 15 a 9 ca sur le territoire de la commune de Molinet ; qu'après réalisation des travaux, Mme C a demandé la rétrocession d'une superficie de 2 ha 66 a 42 ca restée inutilisée hors de l'emprise de l'ouvrage et constituant désormais la parcelle D 622 ; que, par lettre du 11 octobre 2005, le directeur des services fiscaux de l'Allier a opposé un refus à sa demande en relevant qu'ayant consenti une cession à l'amiable elle ne pouvait se prévaloir du droit de rétrocession organisé par l'article L. 12-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; que ladite parcelle D 622 de 2 ha 66 a 42 ca a, par acte du 12 mai 2005, été cédée par l'Etat à M. B pour 6 580 euros ; que les requérants demandent l'annulation de la décision administrative de procéder à cette cession, détachable du contrat de vente lui-même ;

Considérant que, si la décision de conclure la vente avec M. B n'a pas été matérialisée par l'établissement d'un écrit, son existence est révélée par la passation de l'acte de vente ; que cette décision, détachable de la gestion du domaine privé de l'Etat, peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que la fin de non recevoir opposée par le ministre, et tirée de ce que la demande des requérants n'est pas recevable, faute d'avoir reçu notification de cette décision, ne peut qu'être écartée, dans la mesure où l'absence de notification ou de publication permettent, au contraire, de contester cette décision sans condition de délai ;

Considérant que Mme C, ancienne propriétaire de la parcelle en cause ne pouvait se prévaloir d'un droit de rétrocession, son bien ayant été cédé à l'amiable sans avoir fait l'objet d'une expropriation ; que, par suite, la cession, consentie à M. B relève, non de l'application du code de l'expropriation, mais des seules dispositions des articles R. 129 et suivants du code du domaine de l'Etat prévoyant que l'aliénation d'un immeuble dépendant du domaine privé de l'Etat doit, sauf exception, avoir lieu avec publicité et mise en concurrence ; que les tiers au contrat sont recevables à demander l'annulation de la décision administrative de conclure la vente ; que les requérants qui, au surplus, sont propriétaires de la parcelle D 625 contiguë, sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande comme irrecevable, à défaut d'intérêt leur donnant qualité pour agir ; qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué, d'évoquer et de statuer sur la demande des requérants devant le tribunal administratif ;

Sur la demande devant le tribunal administratif :

Considérant qu'il est constant que la cession à M. B de la parcelle en cause a été décidée, sans avoir fait l'objet préalablement d'une publicité et d'une mise en concurrence ; qu'à le supposer établie l'enclavement de la parcelle en cause qui, d'une part, pouvait être levé par application de l'article 682 du code civil, et, d'autre part, n'était pas un obstacle pour le propriétaire d'une parcelle contiguë, ne pouvait, en toute hypothèse, en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires spéciales visant la situation d'enclavement, justifier l'application des dispositions de l'article R. 129-5 du code du domaine de l'Etat prévoyant, par exception, la cession à l'amiable sans appel à la concurrence ; que les requérants sont, par suite, fondés à soutenir que la décision de céder cette parcelle D 622 à M. B est entachée d'illégalité et à en demander l'annulation ;

Sur les conclusions du préfet de l'Allier devant le tribunal administratif tendant à l'application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative :

Considérant que les passages des mémoires des requérants incriminés par le préfet de l'Allier ne présentent pas de caractère injurieux ou diffamatoire ; qu'il n'y a pas lieu d'en ordonner la suppression ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsqu sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L. 9113 du même code : Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ;

Considérant qu'il y a lieu d'enjoindre à l'Etat de faire toutes diligences pour rétablir sa propriété sur la parcelle litigieuse, soit par acte notarié procédant d'un accord amiable, soit en saisissant la juridiction judiciaire dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte passé ce délai de 30 euros par jour de retard ;

Considérant, en revanche que le présent arrêt n'implique pas nécessairement que l'Etat, après avoir retrouvé la propriété de la parcelle en cause, engage une nouvelle procédure tendant à son aliénation ; que le surplus des conclusions des requérants à fin d'injonction doit être rejeté ;

Sur les frais irrépétibles :

Considérant que sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à chacun des trois requérants d'une somme de 800 euros ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 19 février 2008 est annulé.

Article 2 : La décision du préfet de l'Allier de céder à l'amiable à M. B pour la somme de 6 580 euros une parcelle D 622 de 2 ha 66 a 42 ca du domaine privé de l'Etat, sise sur le territoire de la commune de Molinet (Allier), est annulée.

Article 3 : Il est enjoint à l'Etat de rétablir sa propriété sur la parcelle D 622 dans un délai de trois mois, soit par la signature d'un acte notarié, soit en saisissant la juridiction judiciaire, sous astreinte de 30 euros par jour de retard.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête à fin d'injonction est rejeté.

Article 5 : Les conclusions du préfet de l'Allier devant le tribunal administratif tendant à l'application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat versera à M. Jean-François A, à M. Roger A et à Mme Denise Labrosse une somme de 800 euros chacun.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-François A, à M. Roger A, à Mme Denise Labrosse et au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer.

Délibéré après l'audience du 23 mars 2010, à laquelle siégeaient :

M. Bézard, président de chambre,

M Fontbonne, président-assesseur,

M. Chenevey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 avril 2010.

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N° 08LY01034


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08LY01034
Date de la décision : 27/04/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BEZARD
Rapporteur ?: M. Gérard FONTBONNE
Rapporteur public ?: M. BESSON
Avocat(s) : CEVAER - DESILETS- ROBBE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-04-27;08ly01034 ?
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