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12/04/2010 | FRANCE | N°08LY02092

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 12 avril 2010, 08LY02092


Vu la requête, enregistrée le 8 septembre 2008, présentée pour M. Antoine A, demeurant ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0607712 en date du 26 juin 2008 du Tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a limité à la somme de 29 601,85 euros l'indemnité mise à la charge de l'Etat en réparation du préjudice qu'il a subi ;

2°) de condamner l'Etat à lui payer :

- la somme de 31 098,93 euros, avec intérêts au taux légal arrêtés au 1er septembre 2008, outre intérêts restant à courir, au titre des traitements qu'il aurait d

û percevoir ;

- la somme de 582,36 euros au titre de l'arriéré de la part fixe de l'indemnité...

Vu la requête, enregistrée le 8 septembre 2008, présentée pour M. Antoine A, demeurant ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0607712 en date du 26 juin 2008 du Tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a limité à la somme de 29 601,85 euros l'indemnité mise à la charge de l'Etat en réparation du préjudice qu'il a subi ;

2°) de condamner l'Etat à lui payer :

- la somme de 31 098,93 euros, avec intérêts au taux légal arrêtés au 1er septembre 2008, outre intérêts restant à courir, au titre des traitements qu'il aurait dû percevoir ;

- la somme de 582,36 euros au titre de l'arriéré de la part fixe de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves ;

- la somme de 3 000 euros au titre du préjudice subi du fait des répercussions morales et financières auxquelles il a dû faire face, en l'absence de revenus en raison des illégalités des décisions annulées par le jugement du 19 avril 2007 du Tribunal administratif de Lyon et du refus de l'administration de donner le plein effet audit jugement ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

En ce qui concerne l'indemnisation proposée par l'administration :

- l'administration ne saurait lui reprocher l'absence de service fait dès lors qu'elle l'a mis à la retraite d'office en toute illégalité et qu'il a proposé de reprendre ses fonctions jusqu'à la fin de l'année scolaire 2006-2007, dès qu'il a pris connaissance du jugement du 19 avril 2007 ;

- l'administration ne peut lui reprocher une situation de précarité financière liée au fait qu'il n'a pas sollicité le règlement de sa pension de retraite à compter du 1er septembre 2006, dans la mesure où, précisément, il contestait cette décision de mise à la retraite ;

- alors que le jugement a été rendu le 19 avril 2007, il n'a toujours pas reçu, à ce jour, le montant auquel l'administration a été condamnée ;

- la somme proposée par l'administration ne suffit pas à le désintéresser totalement dès lors que la part fixe de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves d'un montant de 48,53 euros mensuel ne figure pas dans le décompte de la réparation pécuniaire et qu'il aurait pu poursuivre son activité d'enseignant et percevoir cette part fixe s'il n'avait pas été mis à la retraite d'office : ainsi, la somme de 582,36 euros doit être rajoutée ;

- l'administration devra justifier de la cotisation patronale sur la retraite additionnelle des fonctionnaires pour la période concernée ;

- l'offre d'indemnisation proposée par l'administration doit tenir compte des intérêts légaux qui ont couru ;

En ce qui concerne l'indemnisation au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence :

- compte tenu des difficultés financières qu'il a rencontrées, étant resté sans ressources du 1er septembre 2006 au 1er septembre 2007, il a droit à une indemnisation de 3 000 euros en réparation du préjudice financier et moral subi ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2009, présenté par le ministre de l'éducation nationale qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- il n'y a plus lieu de statuer sur la question de la responsabilité de l'administration qui a été établie par le jugement du 19 avril 2007 ;

- en l'absence de service fait, M. A ne pouvait prétendre aux rémunérations indiciaires réclamées au titre de la période du 1er septembre 2006 au 31 août 2007, où il aurait dû être en cessation progressive d'activité ;

- l'indemnisation proposée correspond à ces traitements et, en cas de retard de paiement, ne peut donner lieu qu'à de nouveaux dommages et intérêts consistant en des intérêts moratoires de la créance, même en l'absence de demande de l'intéressé ou de disposition spéciale du jugement ;

- en l'absence de service fait, il ne peut prétendre à l'octroi de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves ;

- s'agissant de la contribution à la retraite additionnelle de la fonction publique, l'administration sera tenue, en tout état de cause de rétablir l'intéressé dans les droits à pension qui auraient été les siens s'il était resté en cessation progressive d'activité ;

- les conclusions indemnitaires tendant à la réparation du préjudice financier et moral ne sont pas recevables dès lors qu'elles n'ont pas été chiffrées devant les premiers juges ;

- le fait que l'intéressé n'ait pas demandé sa pension civile de retraite alors même qu'il remplissait les conditions et que cette demande n'aurait pas fait obstacle à l'annulation des décisions des 9 février et 29 décembre 2005, est la cause déterminante des troubles invoqués ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 septembre 2009, présenté pour M. A qui conclut en outre à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 454 euros au titre du montant supplémentaire de la retraite additionnelle de la fonction publique pour l'année 2006-2007 correspondant aux cotisations versées du 1er septembre 2006 au 21 août 2007 ;

Vu l'ordonnance en date du 19 octobre 2009, par laquelle, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, le président de la troisième chambre de la Cour a fixé la clôture de l'instruction au 20 novembre 2009 ;

Vu la lettre en date du 17 février 2010 informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de fonder sa décision sur un moyen soulevé d'office ;

Vu le mémoire enregistré le 3 mars 2010 présenté pour M. A qui conclut à ce que le montant de la somme qui devra être mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative soit porté à 4 000 euros ;

Vu le mémoire, en réponse au moyen d'ordre public, enregistré le 19 mars 2010, présenté par le ministre de l'éducation nationale qui conclut aux mêmes fins et fait valoir en outre que le quantum global des dommages et intérêts demandés en appel par le requérant est supérieur à celui dont il était question devant les premiers juges et que l'allocation des indemnités y afférentes constitue une demande nouvelle qui n'est pas recevable en appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 93-55 du 15 janvier 1993 instituant une indemnité de suivi et d'orientation des élèves en faveur des personnels enseignants du second degré ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mars 2010 :

- le rapport de Mme Pelletier, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

- les observations de M. A ;

- la parole ayant été de nouveau donnée à la partie présente ;

Considérant que le refus opposé, le 9 février 2005 par le recteur de l'académie de Lyon à M. A, professeur de mathématiques et sciences, de prolonger jusqu'au 31 août 2007, la période de la cessation progressive d'activité dont il bénéficiait jusqu'au 31 août 2006, ainsi que la décision du 29 décembre 2005 par laquelle le ministre de l'éducation nationale a prononcé l'admission à la retraite de l'intéressé, à compter du 1er septembre 2006, ont été annulés par un jugement n° 0504822-0600813 du Tribunal administratif de Lyon du 19 avril 2007, devenu définitif ; qu'en exécution de ce jugement, par arrêté du 14 mai 2007, le recteur de l'académie a fait bénéficier M. A d'une cessation progressive d'activité du 1er septembre 2006 au 31 août 2007 et l'a admis à la retraite, à compter du 1er septembre 2007, par un arrêté du 14 mai 2007 ;

Considérant que, par la présente requête, M. A fait appel du jugement n° 0607712 du 26 juin 2008, rendu par le Tribunal administratif de Lyon, en tant que ce jugement a limité à 29 601,85 euros la somme devant lui être allouée en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de ces décisions ; qu'il demande également à la Cour de condamner l'Etat au paiement d'une somme de 582,36 euros au titre de l'arriéré de la part fixe de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves, d'une somme de 454 euros correspondant au montant supplémentaire de la retraite additionnelle de la fonction publique au titre de l'année 2006-2007 ainsi que de la somme de 3 000 euros au titre du préjudice subi du fait des répercussions morales et financières auxquelles il a dû faire face ;

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne l'indemnisation du préjudice résultant de perte de rémunération :

Considérant que le requérant ne conteste pas utilement en appel le principal de la somme qui lui a été allouée par les premiers juges au titre de l'indemnisation du préjudice résultant de la perte de ses traitements, pour un montant de 29 601,85 euros ;

En ce qui concerne la somme de 582,36 euros correspondant à la perte de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A, qui n'a pas perçu l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves en faveur des personnels enseignants du second degré prévue par le décret du 15 janvier 1993 entre le 1er septembre 2006 et le 31 août 2007 en raison du refus illégal de prolonger sa période de cessation progressive d'activité, aurait bénéficié de cette indemnité s'il avait été en activité ; que dans ces conditions, il est fondé à demander réparation du préjudice résultant de la perte de cette indemnité durant la période concernée ; qu'il sera dès lors fait une exacte appréciation de ce préjudice en l'évaluant à 582,36 euros ;

En ce qui concerne la somme de 454 euros correspondant à la contribution à la retraite additionnelle de la fonction publique :

Considérant que la personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur et que ses prétentions demeurent dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement, sous réserve des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle ;

Considérant que les conclusions présentées par M. A tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 454 euros correspondant au montant supplémentaire de la retraite additionnelle de la fonction publique au titre des cotisations versées du 1er septembre 2006 au 31 août 2008, présentées pour la première fois en appel, ne résultent pas de l'illégalité fautive sanctionnée par le jugement du tribunal administratif du 19 avril 2007, mais de la faute, à la supposer établie, qu'aurait commise l'administration en ne versant pas ces cotisations ; que ces conclusions nouvelles en appel ne sont, par suite, pas recevables ;

En ce qui concerne l'indemnisation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence :

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en dépit de toute fin de non recevoir opposée sur ce point par le défendeur de première instance, les premiers juges ont omis d'inviter M. A à chiffrer sa demande tendant au versement d'une indemnité en réparation de son préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence ; que, dans ces conditions et contrairement à ce que soutient le ministre de l'éducation nationale, M. A est recevable à chiffrer ce chef de préjudice pour la première fois en appel ;

Considérant, toutefois, que ces conclusions, ne sont recevables que dans la limite du montant de l'indemnité chiffrée en première instance correspondant à la somme de 30 327,80 euros ; dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments nouveaux seraient apparus postérieurement au jugement attaqué ; que dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une exacte appréciation de ce préjudice en l'évaluant à 143,59 euros ;

Sur les intérêts et leur capitalisation :

Considérant, d'une part, que lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1153 du code civil courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine ; que, par suite, M. A qui présente pour la première fois une demande en ce sens en cause d'appel a droit aux intérêts au taux légal afférents à la somme de 29 601,85 euros à compter du 7 décembre 2006, date de la saisine du Tribunal administratif de Lyon ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que pour l'application des dispositions précitées, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; que M. A a demandé dans sa requête d'appel, enregistrée le 8 septembre 2008, la capitalisation des intérêts ; qu'à cette date les intérêts étaient dus au moins pour une année entière ; qu'il y a lieu dès lors de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle, à compter de cette date ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A est seulement fondé à demander d'une part, que la condamnation de l'Etat à hauteur de 29 601,85 euros soit majorée des sommes de 582,36 euros et de 143,59 euros ainsi que des intérêts au taux légal à compter du 7 décembre 2006 et que les intérêts échus à la date du 8 septembre 2008 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date soient capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts et à demander d'autre part la réformation en ce sens du jugement dont il fait appel ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A de la somme de 1 500 euros ;

DECIDE :

Article 1 : La somme de 29 601,85 euros que l'Etat est condamné à verser à M. A en vertu de l'article 1 du jugement du Tribunal administratif de Lyon du 26 juin 2008 sera majorée des sommes de 582,36 euros et de 143,59 euros. La somme de 29 601,85 euros sera assortie des intérêts légaux à compter du 7 décembre 2006. Les intérêts échus à la date du 8 septembre 2008, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Lyon en date du 26 juin 2008 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.

Article 3 : L'Etat versera à M. A une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus de la requête de M. A est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Antoine A et au ministre de l'éducation nationale. Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Lyon

Délibéré après l'audience du 30 mars 2010, à laquelle siégeaient :

M. Fontanelle, président de chambre,

M. Givord, président-assesseur,

Mme Pelletier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 avril 2010.

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N° 08LY02092


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08LY02092
Date de la décision : 12/04/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FONTANELLE
Rapporteur ?: Mme Pascale PELLETIER
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : SELARL ROBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-04-12;08ly02092 ?
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