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12/04/2010 | FRANCE | N°08LY01994

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 12 avril 2010, 08LY01994


Vu la requête, enregistrée le 25 août 2008, présentée pour M. Jean A, domicilié ..., Mme Michèle B, domiciliée ..., M. Gilbert C, domicilié ... et M. Jean D, domicilié ... ;

Les requérants demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601560-0601577 en date du 17 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leurs demandes tendant :

- à l'annulation de la décision en date du 7 juin 2006 par laquelle le préfet de la Haute-Loire a transféré les biens, droits et obligations des sections de la Torte, Pouzol Vieux et Montu

sclat à la commune de Montusclat et à ce que lesdites sections soient rétablies dans ...

Vu la requête, enregistrée le 25 août 2008, présentée pour M. Jean A, domicilié ..., Mme Michèle B, domiciliée ..., M. Gilbert C, domicilié ... et M. Jean D, domicilié ... ;

Les requérants demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601560-0601577 en date du 17 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leurs demandes tendant :

- à l'annulation de la décision en date du 7 juin 2006 par laquelle le préfet de la Haute-Loire a transféré les biens, droits et obligations des sections de la Torte, Pouzol Vieux et Montusclat à la commune de Montusclat et à ce que lesdites sections soient rétablies dans leur droit de propriété à la date à laquelle elles en ont été privées ;

- à l'annulation de la délibération du conseil municipal de la commune de Montusclat du 4 décembre 2005 ;

- à ce qu'il soit enjoint à la commune de Montusclat, ainsi qu'à qui de droit, d'accomplir toutes les formalités domaniales et fiscales nécessaires pour rétablir les sections concernées dans leur droit de propriété à la date à laquelle elles en ont été privées, et ce dans le délai d'un mois et

sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai et de faire réaliser par les services du cadastre les trois rectifications d'erreurs matérielles apparaissant sur les extraits de matrice cadastrale concernant les parcelles cadastrées section B n°255 et section C n°429 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision préfectorale et la délibération susmentionnées ;

3°) de rétablir les sections de la Torte, Pouzol Vieux et Monstuclat dans leur droit de propriété à la date à laquelle elles en ont été privées ;

4°) d'enjoindre à qui de droit d'accomplir toutes les formalités domaniales et fiscales nécessaires pour rétablir les sections concernées dans leur droit de propriété à la date à laquelle elles en ont été privées, et ce dans le délai d'un mois et sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Les requérants soutiennent que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- les premiers juges ont omis de viser les nouveaux moyens développés dans un mémoire du 2 avril 2008 et tirés du défaut de motivation de l'arrêté attaqué, de la violation des principes de non rétroactivité, de sécurité juridique et de confiance légitime par l'arrêté préfectoral et par la décision communale antérieure, de l'inconventionnalité de l'arrêté préfectoral et de la violation des dispositions de l'article L. 2411-12-1 du code général des collectivités territoriales par l'autorité préfectorale ;

- le jugement ne répond pas explicitement au moyen tiré de la violation des principes de sécurité juridique et de confiance légitime et reste succinctement motivé s'agissant des autres moyens précités ;

En ce qui concerne le fond :

- l'arrêté préfectoral n'est pas motivé en méconnaissance des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ;

- les habitants de la commune n'ont pas été informés des décisions prises par le conseil municipal et les mesures de publicité prévues pour la convocation du conseil par l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales et pour le compte-rendu des séances par l'article L. 2121-25 du même code, n'ont pas été prises ;

- l'arrêté préfectoral viole les principes de non rétroactivité des actes administratifs, de sécurité juridique et de confiance légitime ;

- les matrices cadastrales jointes à l'arrêté sont trop anciennes pour permettre d'établir avec précision le contenu des biens transférés à la commune de Montusclat ;

- l'article L. 2411-12-1 du code général des collectivités territoriales ne pouvait s'appliquer du fait qu'en 2006, les impositions des sections transférées ont été versées par leurs ayants-droits, et n'ont pas été directement réglées sur le budget communal ;

- l'arrêté préfectoral a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi qu'en violation des règles de la domanialité publique et de l'expropriation publique ;

- la délibération du 4 décembre 2005 est illégale pour les mêmes raisons que celles invoquées à l'encontre de l'arrêté préfectoral et notamment du fait d'une rétroactivité illégale ; en outre, il n'est pas établi que les impositions des sections aient fait l'objet d'une admission en non-valeur prononcée par l'ordonnateur conformément aux dispositions de l'article 92 du décret du 29 décembre 1962 ; enfin, l'imposition des sections au titre de l'année 2006 a été directement réglée par les ayants-droits ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2008, présenté pour la commune de Montusclat qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge des requérants, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- l'arrêté préfectoral n'a pas à être motivé en application des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ;

- les mesures de publicité prévues pour la convocation du conseil municipal par l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales et celles prévues pour le compte-rendu des séances par l'article L. 2121-25 du même code ne sont pas prescrites à peine de nullité des délibérations ;

- le fait que les impôts fonciers de l'année 2006 d'une seule section aient été payés par les ayants-droits ne fait nullement obstacle à l'application de l'article L. 2411-12-1 du code général des collectivités territoriales ;

- les principes de non rétroactivité et de confiance légitime n'ont pas été méconnus ;

- le transfert des biens de section n'a méconnu ni l'article 1er du protocole additionnel n°1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, ni les règles de la domanialité publique, ni celles de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- en ce qui concerne l'illégalité de la délibération du 4 décembre 2005, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du décret du 29 décembre 1962 est inopérant ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2009, présenté par le ministre de l'Intérieur, de l'Outre-mer et des collectivités territoriales qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- les premiers juges ont répondu à tous les arguments des requérants ;

- l'arrêté préfectoral n'entre dans aucune des catégories des actes concernés par la loi du 11 juillet 1979 ;

- l'arrêté préfectoral n'est entaché d'aucune rétroactivité illégale ;

- la délibération du conseil municipal du 4 décembre 2005 ne méconnaît ni le principe de non rétroactivité des actes administratifs, ni les règles de la comptabilité publique ;

- le moyen tiré de l'ancienneté des matrices cadastrales est inopérant ;

- la nouvelle procédure de transfert de biens d'une section de commune à la commune de rattachement, dans un but d'intérêt général de valorisation des biens, dans le cas de désintérêt des ayants-droits n'est entachée d'aucune inconventionnalité ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 août 2009, présenté pour M. A, Mme B, M. C et M. D qui concluent aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 octobre 2009, présenté pour M. A, Mme B, M. C et M. D qui concluent aux mêmes fins ;

Les requérants soutiennent, en outre, que l'article L. 2411-12-1 du code général des collectivités territoriales n'est pas conforme au protocole additionnel n°1 à la convention européenne des droits de l'homme en tant que ce dispositif de transfert ne prévoit pas de mécanisme d'indemnisation des ayants droits ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 novembre 2009, présenté pour la commune de Montusclat qui conclut aux mêmes fins ;

Elle soutient, en outre, que l'article 1er du protocole additionnel n°1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme n'est pas applicable aux relations entre personnes publiques et qu'en tout état de cause l'article L. 2411-12-1 du code général des collectivités territoriales n'est pas contraire à ces stipulations ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 janvier 2010, présenté pour M. A, Mme B, M. C et M. D qui concluent aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu les ordonnances en date du 1er octobre, 6 novembre et 17 décembre 2009, par lesquelles, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, le président de la troisième chambre de la Cour a fixé la clôture de l'instruction au 30 octobre 2009 et l'a reportée au 8 janvier 2010 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mars 2010 :

- le rapport de Mme Pelletier, premier conseiller ;

- les observations de Me Ferrant, représentant M. A, Mme B, M. C, et M. D ;

- et les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la partie présente ;

Considérant que les requérants demandent à la Cour d'annuler le jugement du 17 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation d'une part, de la décision en date du 7 juin 2006 par laquelle le préfet de la Haute-Loire a transféré les biens, droits et obligations des sections de la Torte, Pouzol Vieux et Montusclat à la commune de Montusclat et, d'autre part, à l'annulation de la délibération du 4 décembre 2005 par laquelle le conseil municipal de la commune de Montusclat a sollicité le préfet de la Haute-Loire, afin qu'il prononce le transfert de ces biens à son profit ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 2411-12-1 du code général des collectivités territoriales : Le transfert à la commune des biens, droits et obligations d'une section de communes est prononcé par le représentant de l'Etat dans le département sur demande du conseil municipal dans l'un des trois cas suivants : - lorsque depuis plus de cinq années consécutives, les impôts ont été payés sur le budget communal ou admis en non-valeur ; - lorsque les électeurs n'ont pas demandé la création d'une commission syndicale alors que les conditions pour une telle création, telles qu'elles sont définies aux articles L. 2411-3 et L. 2411-5, sont réunies ; - lorsque moins d'un tiers des électeurs a voté lors d'une consultation. ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dont la section de commune peut utilement se prévaloir : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précitées ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ; que si une personne peut, en vertu de ces stipulations, être privée d'un droit patrimonial, c'est à la condition que soit respecté le juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de sauvegarde du droit au respect des biens ;

Considérant que l'article L. 2411-1 du code général des collectivités territoriales dispose que Constitue une section de commune toute partie d'une commune possédant à titre permanent et exclusif des biens ou des droits distincts de ceux de la commune. / La section de commune a la personnalité juridique. ;

Considérant que, par délibération du 4 décembre 2005, le conseil municipal de la commune de Montusclat a demandé au préfet le transfert à son profit des biens des sections de la Torte, Pouzol Vieux et Montusclat, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 2411-12-1 du code général des collectivités territoriales invoquant notamment la circonstance que la commune avait justifié du règlement sur le budget communal des impôts de cette section pendant plus de cinq années consécutives ;

Considérant que le transfert des biens, droits et obligations d'une section de commune à une commune a pour effet de priver celle-ci de ses droits patrimoniaux sans son consentement ; que la procédure de transfert organisée par les dispositions précitées de l'article L. 2411-12-1 de ce code et mise en oeuvre par le préfet ne prévoit, à l'inverse des procédures distinctes organisées par les articles L. 2411-11 et 12, aucun mécanisme d'indemnisation de la section ou de ses ayants droit ; que cette absence de toute procédure d'indemnisation, alors même que cette procédure n'est pas réservée au cas où les biens seraient dépourvus de toute valeur et ne produiraient aucun revenu, et qui n'est justifiée par aucune circonstance exceptionnelle, ne peut être regardée que comme rompant le juste équilibre devant, en vertu de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, être ménagé entre les exigences de l'intérêt général et la sauvegarde du droit au respect des biens ; que, par suite, les requérants sont fondés à soutenir que les dispositions de l'article L. 2411-12-1 sont incompatibles avec les stipulations de l'article 1er précité du protocole additionnel, et qu'en conséquence la délibération du conseil municipal de la commune de Montusclat ainsi que l'arrêté préfectoral contesté, pris sur le fondement de ces dispositions, sont illégaux ;

Sur la demande d'injonction présentée en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;

Considérant que l'exécution du présent arrêt, qui annule la délibération du conseil municipal de la commune de Montusclat, sollicitant le transfert au profit de la commune des biens, droits et obligations des sections de la Torte, Pouzol Vieux et Montusclat, ainsi que l'arrêté préfectoral prononçant ce transfert, implique nécessairement que le préfet de la Haute-Loire fasse toutes diligences pour assurer la publication à la Conservation des hypothèques du présent arrêt ; qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet de procéder au dépôt d'une copie conforme de ce dernier et des pièces justificatives nécessaires à la Conservation des hypothèques dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette mesure d'une astreinte ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des requérants, qui ne sont pas la partie perdante, la somme demandée par la commune de Montusclat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros demandée par M. A, Mme B, M. C et M. D au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1 : Le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 17 juin 2008 est annulé.

Article 2 : La délibération du conseil municipal de la commune de Montusclat du 4 décembre 2005 et la décision du préfet de la Haute-Loire du 7 juin 2006 sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Loire de déposer à la conservation des hypothèques, en vue de sa publication, une copie conforme du présent arrêt accompagnée des pièces justificatives nécessaires dans le délai de deux mois, à compter de la notification dudit arrêt.

Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros aux requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par les requérants, ainsi que les conclusions présentées par la commune de Montusclat, sont rejetés.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean A, à Mme Michèle B, à M. Gilbert C, à M. Jean D, au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et à la commune de Montusclat. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Loire et au conservateur des hypothèques de la Haute-Loire.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2010, à laquelle siégeaient :

M. Fontanelle, président de chambre,

M. Givord, président-assesseur,

Mme Pelletier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 avril 2010.

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N° 08LY01994


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08LY01994
Date de la décision : 12/04/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FONTANELLE
Rapporteur ?: Mme Pascale PELLETIER
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : SELARL D'AVOCATS BOISSY-FERRANT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-04-12;08ly01994 ?
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